Afghanistan : Les combats contre les talibans se poursuivent

Afghanistan : Les combats contre les talibans se poursuivent

Cette fois, nous allons à la guerre ! » Le major Glasscock est ravi. Deux hélicoptères se posent à Sharana, et redécollent bientôt vers Khvoshamand. Deux mois après son arrivée en Afghanistan, dans la province de Paktika, le 501e bataillon aéroporté veut en découdre avec ces talibans qui le narguent.

L’opération a été planifiée depuis des semaines. La compagnie « Blackfoot » doit lancer un assaut aérien sur les montagnes qui surplombent la passe de Gwashtah et fouiller les villages alentour, repaires d’insurgés. La compagnie « Comanche », embusquée dans les environs, doit tenter de tuer ou de capturer les rebelles qui ne manqueront pas de fuir. Les hommes du 501e ont, pour cette mission, l’appui d’avions, d’hélicoptères, de drones.

Et ils ont un appât, alléchant. Un convoi logistique d’une centaine de blindés et camions doit partir de Wazi Kwah, le fortin de la compagnie « Apache », au sud, traverser la passe de Gwashtah, remonter vers Khvoshamand et Sharana, au nord. La passe de Gwashtah est, dans ce Sud-Est afghan, l’un des cauchemars des forces de l’OTAN : à chaque passage de convoi, des dizaines de mines explosent, des camionneurs afghans sont tués, et les soldats américains, mieux protégés par le blindage, le plus souvent blessés.

Les talibans, revenus du Pakistan avec le printemps, y mènent des opérations qui épuisent le 501e, paralysant convois et patrouilles. Rompus aux techniques de guérilla, les insurgés se montrent rarement. Face à la puissance de feu américaine, ils fuient les combats directs. Ils enterrent des explosifs sur les routes, et tirent au lance-roquettes depuis les collines. Ils font mouvement la nuit en motocyclettes. Ils bénéficient du soutien ou du silence des villageois de la région, de rudes Pachtouns soit acquis à leur cause, soit terrorisés par la peur de représailles. Autour de la passe de Gwashtah, même s’ils sont invisibles, les talibans semblent régner en maîtres.

LG Algérie

« Cette fois, nous allons à la guerre ! » Tandis que le chef du 501e, le colonel Clint Baker, pilote les opérations depuis Sharana, Glasscock et un état-major avancé arrivent à Khvoshamand. La compagnie « Comanche » est prête à partir, mais la météo est mauvaise, les vents de poussière balaient la plaine et les nuages couvrent la montagne. L’assaut aérien de « Blackfoot » doit être reporté. Les soldats de « Comanche » rentrent dormir quelques heures dans leurs baraquements.

Le lendemain, c’est le départ. « Comanche » se met en route. Le capitaine Connor est à la manoeuvre. A chaque arrêt au sommet d’une colline, ses hommes déploient une station d’écoute, afin de capter les communications par talkies-walkies des talibans. Deux interprètes, des Afghans-Américains, traduisent. Les services de renseignements leur ont communiqué les codes des insurgés : « eau » pour munitions, « nourriture » pour explosifs…

L’unité du lieutenant Goble, dès qu’une intensification des communications ou un mouvement ennemi est repéré, est envoyée en première ligne. « Tuer ou capturer des talibans, c’est notre tâche, assure Goble. Espérons qu’on en croisera. »

Ils sont seize hommes, seize « Joes », comme ils se surnomment, accompagnés de deux policiers et de deux interprètes afghans pour les fouilles de villages. Seize gamins du sud des Etats-Unis pour la plupart, fraîchement débarqués des neiges d’Alaska, où le 501e a sa base. Des hommes d’à peine 20 ans encadrés par deux sergents. Le sergent Pressler, vingt ans d’armée, un taiseux qui peut passer des heures à scruter l’horizon en silence, les sens aux aguets, à la recherche du moindre indice d’une présence ennemie. Et le sergent Boutot, un jeune guerrier déjà très expérimenté, hanté par ses batailles en Irak, « les copains qu’on a retrouvés les tripes à l’air, les yeux sortis des orbites au couteau », les hommes de sa section qui ont été fait prisonniers à Kerbala et qu’il a perdus.

Les raids sont incessants. Jour et nuit. La moindre conversation suspecte, le moindre passage d’une motocyclette, et le capitaine Connor contacte le lieutenant Goble par radio. « Foncez sur tel village. Vite ! » Les fouilles se succèdent, devant des hommes afghans ombrageux au regard fier. Certains, qui en ont vu d’autres dans ce pays en guerre depuis trente ans, s’efforcent de sourire et d’offrir le thé aux « visiteurs ». Les femmes se cachent derrière leurs voiles colorés. Les enfants ont peur.

Caleb Goble connaît les nouvelles règles, les techniques de la contre-insurrection ordonnées par Washington. « Il faut le minimum d’usage de la force armée, a expliqué le colonel Baker avant le départ. Eviter d’appeler le soutien aérien. Ne pas lancer une bombe pour tuer un taliban, si cette bombe va tuer des civils et créer vingt insurgés de plus. Dans ce conflit où la clé de la victoire est la population, il faut peu à peu l’inciter à soutenir le gouvernement afghan plutôt que l’insurrection. Séparer la population des insurgés. »

Baker sait qu’il y a eu « beaucoup d’erreurs dans le passé », et il veut que cette année soit « couronnée de succès ». Faire comprendre aux Afghans de la province de Paktika que « l’armée américaine n’est pas une force d’occupation », et que les gens, « lassés de la terreur des talibans, de la violence », doivent « se tourner vers le gouvernement » s’ils veulent « retrouver la tranquillité, vivre leur vie ».

Goble applique calmement les ordres. Pendant que ses hommes encerclent les villages, les maisons, fusils d’assaut pointés vers l’hypothétique ennemi, lui parle aux Afghans. « Avez-vous vu passer des talibans ? Y a-t-il des talibans dans votre village ? Savez-vous s’ils ont enterré des explosifs sur les routes ?… Avez-vous une motocyclette ? » Comme presque chaque ferme a une motocyclette, le rituel est immuable. L’engin est sorti d’une remise, on vérifie que le moteur n’est pas encore chaud, puis le propriétaire et sa machine, décorée de bouts de tapis et de fleurs en plastique, sont photographiés. Ensuite l’un des « Joes » scanne l’iris du « suspect », dont la fiche signalétique est immédiatement communiquée par liaison satellite au quartier général. Un autre « Joe » passe les deux mains au détecteur d’explosifs. « Il est clair ! », dit le premier. « Il est clair ! », renchérit le second. Maison suivante. « Avez-vous une motocyclette ?… «