A cause d’une participation annoncée faible par les observateurs, certains posent déjà la question de la légitimité du futur président afghan, pendant que les résultats de l’élection du 20 août, entachée de fraudes, tombent au compte-gouttes.
Les résultats partiels déjà annoncés, peu significatifs car portant sur 17% des suffrages exprimés, placent le président sortant Hamid Karzaï en tête, suivi par son ancien ministre des Affaires étrangères Abdullah Abdullah.
Les résultats finaux devraient être connus mi-septembre.
Selon plusieurs diplomates occidentaux, la participation ne dépasserait pas 30 à 35%. La Commission électorale afghane n’a fourni aucun chiffre.
Les scrutins présidentiel et provinciaux du 20 août se sont déroulés sous la menace des talibans qui avaient appelé au boycott.
Des groupes armés avaient attaqué des bureaux de vote, certaines provinces ont essuyé des tirs de roquettes, comme Kandahar, le Logar ou l’Oruzgan, poussant la majorité des électeurs à rester chez eux.
Dans ces conditions, certains observateurs jugent que si cinq ou six millions d’électeurs sur 17 millions d’inscrits ont voté, cela prouve l’attachement des Afghans au processus démocratique.
« Les Afghans ont montré clairement aux talibans qu’en dépit de la terreur créée avant les élections (…), ils voulaient voter », assure Nader Nadery, de la principale organisation d’observateurs électoraux afghans, la FEFA.
« Même dans des zones très instables où il y a eu des combats, Baghlan, Logar, Paktia, Zaboul, Helmand, les gens sont allés voter », explique-t-il.
« Comparez cette réaction au niveau de menaces et de peur. Le message envoyé aux talibans est +vos tactiques n’ont pas fonctionné+ », estime M. Nadery.
D’autres jugent qu’une aussi faible participation « pose question » sur l’autorité qu’aura un président mal élu, comme l’expert afghan Haroun Mir.
« Cette élection visait à donner une légitimité au gouvernement, et cela a échoué. (…) Les talibans ont neutralisé le scrutin, ils ont forcé les gens à rester chez eux », dit-il.
Pour M. Mir, l’annonce très lente des résultats donnera le temps au président Karzaï et ses soutiens étrangers – Etats-Unis, Union européenne, Otan et ONU – d’arriver à un compromis avec Abdullah Abdullah.
Depuis le lendemain du scrutin, les deux camps assurent être en tête, celui de Karzaï affirmant avoir gagné au premier tour tandis qu’Abdullah dénonce des fraudes massives.
« Nous pourrions nous retrouver dans une situation de partage du pouvoir, comme au Liban. Ce n’est pas sain », s’inquiète l’expert.
« Le pays est divisé », avec Abdullah le Tadjik (deuxième ethnie du pays) puissant au nord, Karzaï le Pachtoune (première ethnie) soutenu par le sud, et « les voix des minorités hazara et ouzbèke qui peuvent basculer ».
« Cette élection montre que l’Afghanistan reste très divisé », affirme M. Mir, craignant « une crise politique ».
Un diplomate occidental renchérit: « L’idée est de garder vivant le processus politique existant, pour éviter qu’on n’arrive à quelque chose de bien plus grave ».
Et le nombre d’irrégularités dénoncées aux autorités – 790 plaintes – n’est pas fait pour apaiser les suspicions de fraude et les craintes de violences dans la population.
« Il n’y a aucun doute qu’il y a eu beaucoup de fraudes », « il y a beaucoup d’inquiétudes sur l’annonce du résultat final: va-t-il ou non être accepté ? » se demande Mohammad Akbar, ingénieur en télécommunications kabouli de 28 ans.