Ces jeudi et vendredi, les ministres des Affaires étrangères des pays membres de l’Otan se retrouvent à Bruxelles, siège de l’organisation transatlantique, pour débattre essentiellement de la « nouvelle » stratégie politico-militaire en Afghanistan. Le débat porté par la presse mondiale est centré, essentiellement, sur l’aspect militaire.
Combien faudrait-il de soldats supplémentaires pour vaincre les talibans ?
Et les dirigeants politiques de certains pays membres de la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS), qui regroupe 42 pays, ont manifesté quelques réserves sur l’envoi de troupes supplémentaires.
La question est alors inévitable : la solution du problème afghan se pose-t-elle simplement en termes d’effectifs (nombre) militaires sur le terrain ? En tout cas, c’est ce que laissent croire les médias et discours politiques en Europe comme aux USA.
En réalité, si tel était le cas, le président américain n’aurait eu aucune difficulté à rassembler les 35 ou 40.000 soldats supplémentaires demandés par le général Stanley Mc Chrystal, commandant en chef des forces armées de l’Otan en Afghanistan.
Le problème qui se pose au président américain est ailleurs.
Il se pose en termes de perspectives politiques, non seulement pour l’Afghanistan et la région de l’Asie mineure, mais aussi pour les pays occidentaux. N’oublions pas que ce sont les USA, sous l’administration des républicains de Georges Bush, qui ont entraîné en décembre 2001 (après les attentats de septembre 2001) une coalition internationale dans l’aventure afghane (résolution du Conseil de sécurité de l’Onu 1386).
Ce sont encore les USA sous la même administration qui ont amené la prise en charge par l’Otan, en août 2003 (résolution 1510), de la Fias. Enfin, ayant à l’esprit que, seuls, les USA sont les vrais patrons de l’Otan et détiennent les leviers de commandes. Aussi, rien d’étonnant aux hésitations et semblant de réserves de certains pays de l’Otan, comme la France et l’Allemagne, à envoyer, aujourd’ hui, des troupes supplémentaires dans le bourbier afghan. Leurs calculs sont autres. C’est que le nouveau président américain n’a pas le même point de vue que son prédécesseur sur le rôle des USA dans la région, comme dans le reste du monde d’ailleurs. Obama sait, plus que quiconque, que la solution afghane n’est pas uniquement militaire, même s’il doit faire avec.
Il a affirmé, à juste titre, que la paix en Afghanistan repose sur la volonté des Afghans eux-mêmes à vouloir s’en sortir. La Fias devrait avoir, d’une part, un rôle (comme son nom l’indique) d’assistance militaire et civile comme la formation des forces de sécurité et militaires ; l’aide à la reconstruction (écoles, hôpitaux, routes etc.) et, d’autre part, un engagement de lutte contre le terrorisme des talibans. Georges Bush, lui, a toujours donné la priorité à la guerre au sens classique du terme. La preuve en est qu’après 8 années de gestion, Georges Bush a transformé l’Afghanistan en un champ de ruines et de violence, plus qu’à son « débarquement » en 2001.
Plus grave, le conflit afghan déborde sur les pays voisins, à savoir le Pakistan et… l’Iran. C’est en tenant compte de ces données que le président américain s’est engagé à retirer ses troupes de l’Irak (fin 2011) pour atténuer la contagion de la guerre dans la région et centrer ses efforts sur l’Afghanistan. C’est cette nouvelle logique américaine qui remet en cause et gêne les intérêts et stratégies de certains pays occidentaux membres de la Fias. Et pas seulement, puisque la Russie se mêle est demande à être consultée, voire impliquée dans l’équation afghane. Elle l’a souhaité au temps de Georges Bush dans le cadre du Conseil Otan-Russie et n’avait pas eu gain de cause.
« Etre consulté » signifie en termes politiques « défendre mon espace vital à mes frontières sud ». Au-delà du projet politique moyenâgeux des talibans qui est à combattre, la situation afghane d’aujourd’hui traduit dans les faits l’affrontement des intérêts géostratégiques de pays et groupes de pays impliqués dans la coalition. Comment expliquer par exemple la présence, même symbolique, de militaires jordaniens ou des Emirats arabes dans la Fias ? Ou encore la présence d’un pays comme l’Ukraine, ex-république soviétique dont on sait la tension qui caractérise ses relation avec Moscou ? Le président américain fait face à deux défis majeurs : sortir à moyen terme du piège afghan et protéger les intérêts de son pays dans la région. Pour cela, il compte sur le dialogue politique et la diplomatie autant avec les alliés engagés dans cette guerre, qu’avec le reste du monde. C’est tout l’inverse de son prédécesseur G. Bush. C’est pour cela qu’il ne compte pas sur la seule option militaire et prend le temps de construire sa propre stratégie.
par M’hammedi Bouzina Med