Affrontements et censure de magasines en série au Maroc

Affrontements et censure de magasines en série au Maroc

Quelque 150 personnes, des policiers et des civils, ont été blessées lors d’affrontements à Taza, une ville du nord-est du Maroc. Les autorités appelant au dialogue et au calme.

Plusieurs journaux marocains ont fait état vendredi de ces affrontements souvent violents, sur fond de problèmes sociaux et de chômage des jeunes, entre la population et les forces de l’ordre. Ces journaux montraient en Une des photos de véhicules incendiés sur fond de fumée et des édifices publics endommagés à Taza, situé dans une région pauvre du royaume, en proie à des accès sporadiques de violences.

Le gouvernement tente de calmer le jeu alors que la tension restait assez vive dans cette localité. Le calme règne à Taza et l’on s’achemine vers un contrôle de la situation. Les autorités sont concernées par le maintien de l’ordre et la prise en considération des revendications légitimes de la population, a ainsi déclaré vendredi à l’AFP le porte-parole et ministre marocain de la communication Mustapha Khelfi.

Le dialogue est l’unique moyen pour résoudre ces problèmes. Autant le droit de manifester pacifiquement est garanti autant le respect des édifices publics doit être assuré, a ajouté M. Khelfi. Le nouveau gouvernement marocain, qui a officiellement été investi par le parlement la semaine dernière, est confronté à une situation sociale difficile sur fond de chômage dans ce pays de 33 millions d’habitants.

Le Nouvel observateur et La Croix censurés

La distribution du dernier numéro du magazine français Le Nouvel Observateur a été interdite au Maroc au motif qu’il comporte une représentation de Dieu, proscrite par la tradition musulmane, a indiqué vendredi à l’AFP le ministre de la Communication Mustapha Khelfi. « Ce numéro du Nouvel Observateur a été interdit parce qu’il y a une représentation de Dieu, ce que la loi marocaine ne permet pas. Cette décision n’a rien à voir avec la liberté d’expression », selon M. Khelfi.

Dans la page 18 de son édition du 2 février, le magazine reproduit un dessin de 10 cm sur 5 évoquant le film Persepolis, incriminé en Tunisie et qui montre une jeune fille conversant avec Dieu pour illustrer la violente polémique suscitée par le dessin animé de Marjane Satrapi. « La revue peut être distribuée si elle supprime le dessin représentant Dieu. Il y a une décision de l’ONU qui interdit toute atteinte aux religions. Le ministère prépare un programme pour communiquer avec les éditeurs français afin d’éviter ces incidents contre-productifs », selon M. Khelfi.

Interrogé par l’AFP, Laurent Joffrin, directeur du Nouvel Observateur, a jugé « inadmissible et inquiétant d’être interdit au Maroc pour la deuxième fois en un mois ». Il poursuit : « Cette interdiction est inquiétante pour l’avenir du Maroc alors que le Nouvel Obs a pour ce pays des sentiments amicaux ou critiques quand c’est nécessaire », ajoute-t-il.

Par ailleurs, le dernier hors-série du magazine Pèlerin intitulé « 50 clés pour comprendre l’islam » ne sera pas diffusé au Maroc qui le censure parce qu’il contient une « représentation » du prophète Mohammed. Pèlerin explique sur son site internet que « le numéro incriminé comprend cinq miniatures anciennes d’origine turque et iranienne du XVIe et XVIIIe siècle figurant Mahomet à visage caché », et rappelle que ce n’est pas la première fois qu’un magazine est censuré au Maroc. « Le Monde de la Bible de juillet-août 2011, Le Nouvel Observateur et l’Express , en décembre 2011, avaient subi le même sort en publiant une image du prophète à visage voilé dans des numéros sur le monde arabe. » Pourtant, ajoute le texte en Une du site, « aucun passage du Coran n’interdit expressément une telle représentation. C’est la Sunna (recueil des dires et des gestes du prophète), la tradition, qui condamne sa représentation comme d’ailleurs celle de l’être humain en général. Ce sujet reste donc très sensible pour les musulmans. »

Interdiction préventive

Antoine d’Abbundo, rédacteur en chef à Pèlerin, ne s’attendait pas à une telle réaction du Maroc. « Nous avons été très précautionneux y compris sur l’iconographie qui évite toute image caricaturale de l’islam et des musulmans, explique-t-il. Notre volonté était de réaliser un numéro destiné au grand public dans le but de faire découvrir une religion méconnue en France avec sérieux et respect et non pas de créer des tensions. Il est regrettable que les autorités marocaines ne reconnaissent pas mieux ce travail. » Tareq Oubrou, imam à Bordeaux, qui est interviewé dans le hors-série, donne pour sa part son interprétation des faits : « L’islam n’est pas une religion iconique. Toute figuration du prophète réduit son image dans le cœur des croyants. » Il souligne également un autre problème : « l’important risque d’idolâtrie. »

Début janvier, le Maroc avait déjà interdit la distribution du Nouvel Observateur qui a publié un dossier sur le monde arabe au prétexte d’une représentation en couverture du visage du prophète Mahomet, proscrite par la tradition musulmane. Les autorités marocaines avaient alors pris un portrait du philosophe Averroès pour une représentation de Mohamed.

Quelques jours auparavant, l’hebdomadaire français L’Express, avait aussi été interdit pour avoir publié un dossier de 95 pages sur l’islam, avec le visage du prophète Mohamed.

Avec AFP