Affaires étrangères: Benatallah charge Lamamra

Affaires étrangères: Benatallah charge Lamamra

L’ancien ambassadeur à Bruxelles, Halim Benatallah, n’a pas été tendre avec le ministre des Affaires étrangères sortant qu’il a égratigné, à plusieurs reprises, dans une déclaration au ‘Quotidien d’Oran’.

Alors que toute l’opinion publique et les observateurs s’accordent à penser que le départ de Lamamra représente la grosse surprise du nouveau gouvernement, Halim Benatallah, en connaisseur des arcanes de la diplomatie algérienne, affirme que ce n’en est pas une. «C’est plutôt sa nomination, en septembre 2012 dans le premier gouvernement Sellal qui avait constitué une surprise», explique-t-il, trouvant naturel qu’il parte, en même temps que l’ex Premier ministre.

Il rappellera, au passage l’historique de Lamamra, en indiquant que lorsqu’il occupait le poste de Secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, sous le mandat du ministre d’Etat, Mohamed Bedjaoui, il avait été relevé de ses fonctions par le président de la République. La cause, selon lui, «une gestion peu consensuelle du ministère qui avait engendré des remous». Halim Benatallah pense que l’homme doit sa nomination, à la tête de la diplomatie algérienne, à son passage en tant que Commissaire Paix et Sécurité à l’UA «où il s’est occupé de la gestion des conflits». Une mission ponctuelle, ajoute-t-il, «pour aider, en quelque sorte, à remettre sur rail, le processus de paix au Mali».

Revenant sur la situation peu anodine de la diplomatie algérienne, ces deux dernières années, avec la création d’un département presque parallèle conduit par Messahel, l’ancien ambassadeur charge, encore, Lamamra, lui reprochant d’avoir accepté ce bicéphalisme et ses conséquences. «La dignité et l’aura rattachées, à cette grande fonction d’Etat, en ont pris un coup», décrétera-t-il. Pour lui, ce qui s’est passé, lors du remaniement de mai 2015, n’est qu’une rétrogradation politique, preuve en est, et malgré son rang «de ministre d’Etat avec en « prime » la coopération internationale», les attributions politiques les plus sensibles «lui ont été retirées».

Pour lui, et dès cet instant, son départ du gouvernement était déjà acté et s’est précisé «lorsque Messahel a été reçu en audience par le président de la République au sujet du dossier Libye». Il soulignera, à ce propos, le rôle de la presse qui a désigné le favori, en la personne de Messahel, à travers les médias publics, alors que «des médias privés mettaient l’autre en relief». Quant au prétendu destin présidentiel de Lamamra, Benatallah admettra que les amis du ministre sortant «lui ont rendu un mauvais service, en voyant en lui un potentiel successeur du président de la République».

Est-ce aller jusqu’à dire que ces bruits lui ont fait du tort ? Quant au bilan de Lamamra, et se tenant aux faits, «seulement les faits», il passera en revue quelques dossiers comme celui du Sahara Occidental «et en particulier l’accession du Maroc à l’UA». Il rappellera que cette accession s’est faite, en violation des statuts de l’Union africaine (UA), alors qu’en consentant au retour marocain, au giron africain «en violation de la légalité», l’Algérie, pour lui, «a donné un signe de faiblesse».

Le Maroc, Hezbollah, l’Afrique…

Il expliquera qu’au plan géopolitique, «c’est un cadeau qui a été fait au Maroc» dans l’espoir qu’il cesse ses attaques contre l’Algérie et engage le dialogue avec les Sahraouis. «Faux calcul», assènera-t-il. Selon lui, Lamamra est le premier responsable de ce fiasco puisqu’«il a piloté cette affaire en la justifiant», allant à contre-courant de «ses convictions les plus profondes et en faisant violence à tout son historique personnel sur le dossier du Sahara Occidental». Sans contrepartie de Rabat, «il n’ignorait pas que pareille concession serait une erreur». Quant au volet de l’Accord d’association avec l’Union européenne (UE), là aussi, il ne sera pas tendre avec la gestion de ce dossier, puisqu’il impute son échec à la faiblesse des dossiers soumis par la partie algérienne «qui n’avait, tout simplement, pas préparé l’alternative politique et commerciale» obligeant la Commission européenne à ne pas donner suite.

Plus grave, il verra, dans le changement de langage envers l’UE (de renégociation de l’accord à sa révision avant de passer à une réévaluation conjointe), à l’approche des législatives, une monnaie d’échange contre le silence de l’UE «sur le déroulement des élections législatives et la réprobation massive des Algériens». Il reprochera aussi, dans son réquisitoire contre Lamamra, une publicité mensongère autour des dossiers de la Libye, évoquant «un grand cafouillage diplomatique» où la présence «d’improbables médiateurs onusiens» ont pollué l’approche algérienne alors que les résultats les plus probants ont été réalisés, ailleurs qu’en Algérie, et de citer l’accord politique de Skhirat et le rapprochement entre Serradj et Haftar à Abou Dhabi.

Le constat de Benatallah est accablant, concernant les autres dossiers tels que le Forum Algérie-Afrique sur l’investissement et les affaires de décembre 2016, «un immense échec de la diplomatie dite économique et de l’ouverture vers les marchés africains» induit par «une grande désorganisation et un certain amateurisme dans la connaissance des réseaux et circuits commerciaux en Afrique». Le soutien exprimé à M. Kerry en faveur de la coalition constituée par les Etats-Unis pour intervenir en Irak au nom de la lutte contre le terrorisme représente, pour lui, «la première dérogation, en matière d’interventions étrangères» du pays. La gestion du cas du Hezbollah libanais est aussi au centre des critiques de Benatallah.

Enfin, il lui reproche d’avoir traité d’ami le nouveau président français, Lamamra évoquant alors le candidat Macron, «alors que ce dernier est quasiment inconnu de la France, elle-même». Pourtant, le message de félicitation de Bouteflika pour Macron a été dithyrambique. Quant à la gestion administrative de son département, il affirme que Lamamra avait tendance «à s’envelopper dans une « bulle stratosphérique » se coupant du personnel diplomatique et se montrant indifférent à la chose administrative», tout le contraire de son successeur, affirme-t-il encore. Quant à un retour à la normale, il fera remarquer «que c’est la première fois, depuis plus de 30 ans, que le ministre des Affaires étrangères n’est pas secondé par, au moins, un Secrétaire d’Etat», poste qu’il avait occupé, rappelons-le, en 2010, chargé de la Communauté nationale à l’étranger.