Une histoire de poupées russes
Véritable poumon de l’économie algérienne mais aussi manne financière fabuleuse, Sonatrach a été abusée par certaines personnalités.
A chaque jour suffit sa peine. A chaque jour son lot de révélations. Plus le temps passe, plus la corruption au sein de la compagnie nationale des hydrocarbures s’avère être un feuilleton dont la fin n’a pas encore été écrite. Les masques tombent au fur et à mesure. Véritable poumon de l’économie algérienne, mais aussi manne financière fabuleuse, Sonatrach a été abusée par certaines personnalités et non des moindres qui n’ont pas hésité à se servir avec un appétit toujours croissant. Au point de confondre Trésor public et porte-monnaie personnel. L’affaire qui l’a éclaboussée n’a pas livré tous ses secrets. Elle s’apparente à une histoire de poupées russes.
Sonatrach 1
Cette affaire aux ramifications tentaculaires a emporté dans son sillage pas moins de 14 cadres de la compagnie dont Mohamed Meziane ex-P-DG de Sonatrach et ses deux fils, le directeur exécutif des activités centrales, la directrice du bureau d’études, le directeur du groupe allemand FunkwerkPlettacContel et l’ancien directeur général du CPA. L’enquête les concernant avait révélé qu’ils avaient conclu de gros contrats douteux avec des entreprises étrangères alors que certains d’entre eux détenaient des comptes à l’étranger alimentés grâce à ces transactions illégales. L’instruction en cours a révélé l’existence d’un «véritable réseau international de corruption dont les ramifications s’étendent à tous les continents», avait déclaré, le 2 juillet 2013, le ministre de la Justice, garde des Sceaux. Mohamed Charfi avait indiqué devant les députés de l’Assemblée populaire nationale (APN), à l’issue de l’adoption du projet de loi organisant la profession d’avocat que cette filière avait pour objectif «d’absorber la substance de Sonatrach à travers des mécanismes financiers complexes visant à couvrir les crimes commis». Un autre pas venait d’être franchi. L’enquête avait permis de découvrir «des faits ne concernant pas l’affaire «Sonatrach 1», mais pouvant être qualifiés de corruption et de blanchiment d’argent» a indiqué le ministre. La justice n’allait pas être au bout de sa peine. Qui sont ces nouveaux acteurs dont l’identité n’a pas encore été révélée? «Certaines personnes sont sous mandat de dépôt alors que d’autres sont sous contrôle judiciaire…des fonds déposés dans des comptes domiciliés à l’étranger font actuellement l’objet de mesures en vue de leur récupération», répondra le ministre.
Sonatrach 2
L’on pensait que le nom du ministre de l’Energie et des Mines qui revenait souvent dans cette affaire n’allait pas être éclaboussé par ce gros scandale qui commençait à prendre des allures d’affaire d’Etat. L’ex-patron de Sonatrach lui a même servi de paravent. Mohamed Meziane a toujours nié avoir déclaré «agir sous l’influence de l’ex-ministre Chakib Khelil», a affirmé Mohcène Amara, son avocat. On disait aussi l’homme très proche du président de la République et qu’il était de facto sous sa protection. Un argument qui allait être taillé en pièces et faire taire de nombreuses gorges qui ont allègrement roucoulé. La surprise allait être de taille et redonner de la crédibilité à un secteur judiciaire que l’on disait aux ordres pour ne pas dire soumis. Des indices avaient été fournis par le garde des Sceaux, mais on était loin d’imaginer que cela irait aussi loin. Par habitude.
Certains noms étaient considérés comme intouchables. Trop puissants. Comment imaginer dans ce cas leur chute. «Dans le cadre du respect de la loi, la justice avance lentement, mais sûrement pour resserrer l’étau autour de la pieuvre dont les tentacules sont désormais apparentes… 90% de ceux qui y sont impliqués sont désormais connus… certains sont entre les mains de la justice alors que d’autres font l’objet d’avis de recherche international» avait tout juste soufflé à la presse le ministre de la Justice. La suite allait ressembler à un grand coup de tonnerre. Un mandat d’arrêt international sera lancé contre l’ex-ministre de l’Energie. Chakib Khelil, son épouse, leurs deux enfants, Farid Bedjaoui (neveu de l’ex-patron de la diplomatie algérienne) et quatre autres personnes seront poursuivis pour «corruption, trafic d’influence, abus de fonction, blanchiment d’argent et direction d’une association de malfaiteurs et d’une organisation criminelle transnationale.» La liste est certainement loin d’être close et l’affaire Sonatrach se jouera probablement à plus de deux actes.