Je n’ai pas plus d’éléments que ceux rapportés par la presse», a déclaré le ministre de l’Energie et des Mines, Chakib Khelil, lors d’une conférence de presse organisée hier au siège de son département, à propos des procédures judiciaires engagées contre le PDG de Sonatrach, trois de ses vice-présidents et d’autres cadres de la compagnie.
C’est un Chakib Khelil visiblement secoué par la nouvelle dont il dit avoir appris les détails en lisant la presse. Khelil «ne sait pas» qui a déposé plainte dans cette «affaire».
«La presse le savait bien avant moi, et peut-être bien avant le juge», affirme le ministre. Il affirme avoir été informé par les concernés qui lui ont juste dit qu’ils étaient convoqués par la justice, «pas plus». «Ils n’ont pas le droit de me dire quoi que ce soit d’autre concernant le dossier», a-t-il ajouté avant d’insister sur la présomption d’innocence dont doivent bénéficier les prévenus et de reprocher à certains titres de la presse de les avoir condamnés à l’avance.
«Dans mon for intérieur, je pense que ces gens sont innocents», a-t-il déclaré. Dans cette affaire, ont été mis sous contrôle judiciaire le PDG, Mohamed Meziane, et le viceprésident Commercialisation, Chawki Rahal.
Cinq autres cadres ont été placés sous mandat de dépôt. Il s’agit du vice-président Amont, Boumediène Belkacem, du vice-président Transport par canalisation, Benamar Zenasni, et deux autres directeurs dont celui chargé des Activités centrales (ACT). Le ministre a confirmé la nomination de Abdelhafid Feghouli au poste de PDG par intérim, en remplacement de Mohamed Meziane, et d’autres cadres de la compagnie pour les autres
postes laissés vacants.
Les prévenus bénéficieront, comme le prévoit la convention collective, d’une équipe d’avocats qui sera chargée de les défendre. Cette affaire est-elle le révélateur de l’échec de la politique de transparence instaurée par Chakib Khelil depuis 2000 ? Le ministre ne veut pas entendre parler d’échec. «La transparence, ça demande des procédés, du temps et du personnel qualifié.
C’est un travail de très longue haleine», précisant que le groupe Sonatrach ne disposait pas de cadres suffisamment formés pour le «procurement» (spécialistes en approvisionnement ou achats de biens ou services dans le cadre de marchés publics). «Nous avons pu former 25 spécialistes en procurement», a précisé le ministre considérant qu’en «voulant bien faire, les gens ont peut-être pris des risques qu’ils ne devaient pas prendre». Interrogé sur la passivité devant les lettres de dénonciation des affaires de «corruption», Khelil confirme que son département reçoit «des milliers de lettres» pour la plupart «non signées».
«Nous enquêtons lorsque nous recevons des lettres dont les auteurs assument les accusations en signant de leur nom, et nous nous engageons à les protéger. Nous ne tenons pas compte des accusations qui ne sont pas signées. Nous ne pouvons pas réagir aux rumeurs», affirme encore le ministre.
A propos des passations de marché de «gré à gré», le ministre de l’Energie rappelle que la loi autorise cette pratique dans des cas bien précis. Il s’agit, entre autres, des cas d’infructuosité des offres, d’une offre unique (après plusieurs tentatives), ou lorsqu’il s’agit de problèmes de standardisation (des équipements disponibles chez un seul fournisseur).
Craint-il pour l’image de Sonatrach après l’éclatement de cette affaire ? «Je ne sais pas. Peutêtre. On verra dans un an», répond un Chakib que les médias découvrent, pour la première fois, très hésitant et non convaincant. «Je ne suis pas convaincant, parce que je ne suis pas convaincu moi-même», dit-il encore. Invité à promettre d’organiser une autre conférence de presse s’il y a du nouveau dans cette affaire, le ministre de l’Energie répond: «Oui, bien sûr, s’il y a du nouveau, vous le saurez avant moi…»
Mohamed Mehdi