Affaire Sonatrach-ENI : Saipem et son ex-président condamnés

Affaire Sonatrach-ENI : Saipem et son ex-président condamnés

Le groupe pétrolier italien Eni et son ex-patron Paolo Scaroni ont été acquittés mercredi de l’accusation de corruption internationale en Algérie, mais sa filiale Saipem et l’ex-président de cette dernière ont revanche été condamnés.

Le procès, ouvert il y a trois ans, portait sur le versement présumé de 197 millions d’euros de pots-de-vin à des responsables publics algériens, entre 2007 et 2010.

Selon l’accusation, ce versement aurait permis à Saipem d’obtenir des contrats pour 8 milliards d’euros, et à Eni d’avoir l’autorisation de l’ancien ministre algérien de l’Energie Chakib Khelil d’acquérir les droits d’exploitation du gisement de gaz de Menzel, via le rachat de la société First Calgary Petroleums.

Mais le tribunal de Milan a jugé que le second fait n’était pas avéré et que M. Scaroni n’était pas responsable pour les contrats de Saipem.

Saipem a elle été condamnée durant ce procès de première instance à une amende de 400.000 euros et à la confiscation –en lien avec les autres condamnés– de 197 millions d’euros, considérés comme la valeur du pot-de-vin payé.

Et son président à l’époque des faits, Pietro Tali, s’est vu infliger 4 ans et 9 mois de prison.

Il reste libre, comme les autres condamnés, en attendant le procès en appel.

Le 26 février, le procureur Isidoro Palma avait requis des amendes de 900.000 euros contre Eni et Saipem, et deux peines de six ans et quatre mois d’emprisonnement contre MM. Scaroni et Tali. L’affaire avait coûté leur poste aux deux hommes.

L’ex-directeur de Saipem en Algérie, Pietro Varone, a écopé pour sa part de 4 ans et 9 mois de prison et l’ex-directeur financier de Saipem puis d’Eni Alessandro Bernini de 4 ans et un mois.

Du côté des prévenus algériens, dont aucun ne s’est présenté au procès, Farid Nourredine Bedjaoui, un homme de confiance de l’ancien ministre Khelil qui aurait servi d’intermédiaire, s’est vu infliger 5 ans et 5 mois de prison, tandis que Samyr Ouraied, un proche de M. Bedjaoui, et Omar Habour, soupçonné d’avoir participé au blanchiment de l’argent, 4 ans et un mois.

Groupe criminel organisé

Dans un communiqué, Eni a exprimé sa satisfaction, en soulignant que la décision confirmait « le non-lieu prononcé en 2015 par le juge de l’audience préliminaire du tribunal de Milan et actait le fait que la société et le management étaient étrangers à toute conduite illicite ».

Dans cette affaire, « il y a un groupe criminel organisé avec une composante franco-algérienne et de l’autre une structure organisationnelle » à l’intérieur d’Eni et Saipem, avait estimé le procureur.

Il avait évoqué des « éléments de preuve », en particulier des versements, pour des activités fictives, à la société de M. Bedjaoui, Pearl Partners, basée à Hong Kong.

Selon lui, ces pots-de-vin étaient un « carton d’invitation payé par Saipem pour évincer ses adversaires » et s’assurer « les faveurs du ministre (…) Khelil et sa protection lors des appels d’offres ».

Tous les prévenus avaient rejeté les accusations.

L’avocat de M. Bedjaoui, Marco De Luca, a affirmé que son client avait été rémunéré pour son travail d’intermédiaire auprès du gouvernement algérien, mais qui n’incluait en aucun cas le reversement de pots-de-vin.

« Il n’y a aucune preuve dans le dossier qu’un sou soit allé à un responsable public algérien », a-t-il déclaré, estimant que sans identification d’un flux financier vers un dirigeant, le délit de corruption n’existait pas.

L’ex-ministre Khelil n’est ainsi pas prévenu dans ce dossier, très suivi en Algérie.

Ce proche du président Abdelaziz Bouteflika a été limogé lorsque le scandale a été éclaté en 2010. Il a été un temps inquiété par la justice algérienne, qui avait émis un mandat d’arrêt international contre lui alors qu’il se trouvait aux Etats-Unis, mais les poursuites ont été abandonnées en 2015 et il est depuis rentré en Algérie.