L’un des principaux accusés dans le scandale des pots-de-vin octroyés par l’italienne Saipem, filiale du Groupe pétrolier ENI, Pietro Varone, ancien directeur de la division ingénierie et construction de Saipem, a été mis en résidence surveillée lundi par le procureur du tribunal de Milan, Fabio De Pasquale, qui suit cette affaire de corruption dans laquelle est notamment impliqué un neveu de l’ex-ministre des Affaires étrangères Mohamed Bedjaoui et l’ex-ministre de l’Energie Chakib Khelil.
Pour la justice italienne, selon «Il Fatto Quotidiano», le dossier est toujours traité par le parquet de Milan qui enquête actuellement sur les ramifications de cette affaire, dite Sonatrach 2, notamment le rôle des différents intermédiaires entre Saipem et Sonatrach.
De nouveaux éléments seraient ainsi détenus par le procureur de Milan après les interrogatoires du principal accusé, Varone, qui a raconté, selon ce quotidien, que Scaroni, patron d’ENI, aurait rencontré au moins à une reprise Chakib Khelil et Farid Bedjaoui, l’intermédiaire dans cette affaire».
Selon le parquet de Milan, le groupe italien ENi et sa filiale Saipem sont poursuivis pour corruption pour avoir payé des pots-de-vin à une société basée à Hong Kong (Pearl Partners Limited ) que dirige l’intermédiaire Noureddine Farid Bedjaoui.
Le fait nouveau dans cette enquête est que Paolo Scaroni, patron d’ENI, a rencontré au moins une fois à Paris Farid Bedjaoui pour l’attribution de marchés à Saipem dans des projets pétroliers en Algérie.
Dans ses aveux devant le procureur de Milan, Pietro Varone raconte qu’il a «la certitude d’une réunion à Paris, et qu’il y avait eu une autre à Milan «entre Scaroni et Bedjaoui, ajoute «Il Fatto Quotidiano».
Varone parle de commissions de 41 millions d’euros évoquées lors de ces rencontres entre Scaroni et Bedjaoui. L’entourage et certains membres de la famille de Chakib Khelil auraient profité de ces commissions, Varone ayant quant à lui empoché 10 millions d’euros de rétrocommissions, selon le procureur du Parquet de Milan, cité par le même quotidien italien.
Pietro Varone, arrêté le 28 juillet dernier, a été placé lundi 2 décembre en résidence surveillée. Selon la presse italienne dans son édition de mardi, il a été interrogé à trois reprises par le procureur du Parquet de Milan, alors que de forts soupçons de complicité pèsent dorénavant sur le patron du Groupe ENI, Paolo Scaroni.
GENÈSE
Incarcéré à la prison de San Vittore à Milan, Pietro Varone a été arrêté le jour même où le Parquet de Milan avait lancé un mandat d’arrêt international contre Farid Bedjaoui, surnommé par la presse italienne «le facilitateur ».
Fabio De Pasquale poursuit l’ancien directeur de la division ingénierie de Saipem non seulement pour le versement de commissions à des responsables algériens, mais également pour le versement d’une rétro-commission de 10 millions de dollars à Varone lui-même. Le gros de cette affaire est lié à sept contrats obtenus par Saipem auprès de Sonatrach entre 2007 et 2008 d’une valeur globale de 8 milliards d’euros.
Le «hic» est que ces contrats ont été arrosés par des versements de commissions de 197 millions de dollars et versées au «facilitateur » Farid Bedjaoui à travers sa société écran, la Pearl Partners Limited basée à Hong Kong.
Selon le quotidien italien Corriere della Sera, «plus de 100 millions de dollars se trouveraient à Singapour sur des comptes contrôlés par M. Bedjaoui et 23 autres millions de dollars seraient à Hong Kong».
Selon l’acte d’accusation contre Pietro Varone, les bénéficiaires des pots-de-vin de 197 millions de dollars sont, en Algérie, Chakib Khelil, des membres de sa famille, des membres de la direction de Sonatrach et, en Italie Pietro Varone et l’ancien PDG de Saipem/Algérie, Tullio Orsi, ainsi que Farid Bedjaoui. Mais, avec la découverte de ramifications «syriennes», l’affaire Sonatrach 2 n’a pas encore, visiblement, tout révélé.
Yazid Alilat