Sorti indemne du cafouillage protocolaire qu’il avait provoqué durant le Forum africain, Ali Haddad pensait que rien ne pourrait lui arriver. La scène montrant Sellal et quelques membres de son gouvernement quitter à la hâte la salle des réunions où Haddad trônait comme empereur n’a rien changé sur l’échiquier. Le patron du FCE continuait de recevoir des ambassadeurs et de s’afficher aux premiers rangs lors des réceptions officielles. Sept ans durant, l’homme a bénéficié d’une place de prédilection dans le milieu politico-économique. Son groupe a obtenu pour près d’un milliard de dollars de crédits bancaires. Il a remporté des projets dans une trentaine de wilayas dans les secteurs des travaux publics, des chemins de fer et de l’hydraulique. Le groupe a diversifié ses activités, en touchant à des secteurs complexes qui nécessitent savoir –faire et expertise pour la réalisation des chemins de fer. Même après la nomination de Tebboune à la tête du gouvernement, rien ne laissait présager un retournement brusque de la situation en défaveur de celui dont la proximité avec le pouvoir devenait ostentatoire. Que se passe-t-il réellement dans les sphères du pouvoir pour qu’un changement aussi radical s’opère en si peu de temps ? Dans cette guerre contre les hommes d’affaires « non intègres », pleinement assumée par Abdelmadjid Tebboune, plusieurs zones d’ombre restent à éclaircir. La première a trait au timing. Pourquoi maintenant ? En d’autres termes, pourquoi le Président a décidé d’agir moins de deux ans avant les élections présidentielles de 2019 ? Durant les dernières années, la classe politique, la presse et l’opinion publique s’interrogeaient régulièrement sur la place qu’occupait Ali Haddad, pas seulement dans le milieu des affaires, mais dans la sphère politique algérienne. Les contrats obtenus par l’ETRHB, un groupe sorti de l’ombre sous l’égide du Président Bouteflika, suscitaient des interrogations et nourrissaient chez certains de la suspicion. Le temps a fini par donner raison à ces derniers, du moins si l’on prend en considération les mises en demeure adressées à Haddad et l’incident de l’École supérieure de la sécurité sociale. Le pouvoir pourra-t-il ignorer à ce point l’existence d’anomalies dans ce dossier ? A priori, un tel scénario n’est pas envisageable. Le contraire serait alors plus alarmant car il indiquerait de graves et inquiétants dysfonctionnements au sein de l’État. Une autre question : pourquoi le faire de cette manière, publiquement et presque brutalement ? Le Président Bouteflika a-t-il choisi la manière forte pour signifier son divorce avec Haddad ? Ce choix pourrait peut être laisser-penser que les tentatives menées depuis plusieurs mois pour écarter le patron du FCE du jeu ont connu de la résistance au sein même du pouvoir. La proximité de Haddad avec les tenants du pouvoir a permis à l’homme d’affaires de tisser des liens forts avec les cercles de décision. Certains acteurs politiques n’ont d’ailleurs pas hésité à afficher leur amitié avec Haddad. C’est le cas d’Ahmed Ouyahia, patron du RND et directeur de Cabinet du Président Bouteflika. « Haddad est un ami et restera un ami », assumait ouvertement Ouyahia, le 17 décembre, dans une conférence de presse animée quelques jours après l’incident du Forum algéro-Africain sur l’investissement. Le même jour, sur Dzaïr News (la chaîne de Haddad), Ouyahia affirme : « Entre Dzaïr News et le RND, nous partageons une chose : nous, on soutient le système et vous, votre patron soutient le système ». Ahmed Ouyahia maintiendra-t-il ses propos aujourd’hui, que Haddad semble en disgrâce ? Une chose est sûre : au moment où la classe politique, opposition et partisans du pouvoir y compris Ould Abbes- se positionne, force est de constater que le parti d’Ouyahia brille par son mutisme concernant le bras de fer entre le gouvernement et Haddad.
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