Affaire Djezzy, un mauvais feuilleton «égyptien»

Affaire Djezzy, un mauvais feuilleton «égyptien»
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Le décor est planté, le scénario est cadré et le suspense entretenu sur le «conflit» qui oppose l’Etat algérien à Orascom Telecom Holding et Vimpelcom.

Hier matin, le Directeur général de Vimplecom, Alexander Izosimov, a averti qu’il pourrait poursuivre en justice le gouvernement algérien si ce dernier cherche à nationaliser Djezzy.

Alexander Izosimov a déclaré au journal économique britannique le Financial Times que Vimpelcom «pourrait recourir à un procès devant un tribunal international si Alger offrait un prix défavorable pour Djezzy». Si l’Etat algérien veut absolument nationaliser le plus grand opérateur mobile du pays, quelle est donc sa stratégie au cas où Vimpelcom porte l’affaire devant un tribunal d’arbitrage international ?

Pour le moment, l’affaire est dans l’impasse : Vimpelcom a déjà f ixé un prix, 7,8 milliards de dollars, à prendre ou à laisser, et l’Etat algérien réaffirme qu’il ne reconnaît que les Egyptiens comme interlocuteurs sur ce dossier.

LG Algérie

Le journal El Watan rapporte dans son édition de ce vendredi, citant une source gouvernementale qui a requis l’anonymat, qu’«il n’est pas question que l’Algérie négocie le dossier Djezzy avec les Russes, nous (le gouvernement) ne parlerons qu’avec les Egyptiens». En extrapolant, les atouts de l’Algérie étaient uniquement focalisés sur Naguib Sawiris et son aréopage. L’intervention des Russes dans ce dossier a mêlé toutes les cartes, semble-t-il.

D’après un banquier, «l’Etat algérien peut continuer à embêter Naguib Sawiris mais uniquement sur le plan pénal», et d’ajouter qu’«il faut que les responsables comprennent que désormais Naguib Sawiris n’est plus partie prenante dans l’affaire OTA». Entre les coups de bluff, les arcanes du Pouvoir et une communication chaotique du gouvernement, le dossier Djezzy s’est encore compliqué, de cette complication …typiquement algérienne.

D’après la détermination des responsables algériens et les «jérémiades» de Naguib Sawiris (propos rapportés par The Financial Times, ndlr), l’Etat cernait ce dernier et l’affaire Djezzy devait se conclure, selon la volonté algérienne, juste après l’évaluation de l’affaire confiée au bureau d’experts Hadj Ali.

Mais, l’arrivée impromptue du protagoniste russe, Vimplecom, a donné une autre dimension à l’affaire. Certains observateurs ont alors déclaré que seule une solution politique pourrait aplanir le différend entre les protagonistes. Toutefois, la visite tant attendue du Président de la fédération de Russie, Dimitri Medvedev, de mercredi dernier, n’a pas tranché l’affaire.

QUELS SERAIENT LES ARGUMENTS DE LA PARTIE ALGÉRIENNE ?

De prime abord, à l’unanimité les experts approchés signalent que la fusion-acquisition opérée par Naguib Sawiris et Vimpelcom est juridiquement approuvée et ne transgresse aucunement les lois internationales régissant ce genre d’opération.

Ceci dit, l’Etat algérien ne peut pas s’opposer à cette fusion. Autre chose : le changement de propriétaire n’affecte nullement la «personne morale» qu’est Djezzy, entreprise de droit algérien. En d’autres termes, si la maison mère change de propriétaire, la personne morale détentrice de la licence ne change pas.

Le problème de licence est donc aplani et Djezzy ne tombera pas sous le coup de l’article 23 de la loi n°2000-03 du 5 août 2000 f ixant les règles générales relatives à la poste et aux télécommunications, d’après lequel «la cession des droits découlant de la licence ne peut intervenir qu’après accord de l’autorité concédante par la formalisation d’une nouvelle licence établie au prof it du concessionnaire.

Le concessionnaire est tenu au respect de l’ensemble des conditions de la licence». Cette règle est appuyée par l’article 19 du décret exécutif n°01-124 du 9 mai 2001 portant déf inition de la procédure applicable à l’adjudication par appel à la concurrence pour l’octroi des licences en matière de télécommunication, qui stipule que «tout projet de cession par le titulaire de la licence des droits découlant de la licence doit faire l’objet d’une demande auprès de l’Autorité de régulation».

Toutefois, le changement des actionnaires doit se faire, au préalable, par l’accord de l’Etat algérien. Dans le cas où l’Algérie n’aurait pas donné son accord à cette fusion, le non respect de cette clause du contrat peut être l’atout pour retirer à Djezzy la licence d’exploitation, note-t-on.

Dans ce cas, «la procédure réglementaire exige une demande du vendeur accompagnée d’un dossier comportant notamment l’ensemble des informations requises par le règlement de l’appel à la concurrence qui a donné lieu à l’attribution de la licence, complété par tout élément d’information demandé par l’Autorité de régulation (ARTP)», note un expert.

Cette dernière (ARTP) rend sa décision dans le mois suivant la date de réception du dossier de demande dûment complété. Elle peut refuser ou approuver la demande. En cas de refus, la décision doit être motivée.

QUEL EST LE FONDEMENT DU DROIT ALGÉRIEN DE PRÉEMPTION ?

Le droit de préemption, tel que spécif ié dans la loi de finances complémentaire 2009 et encadré dans la loi de f inances complémentaires de 2010 est l’atout majeur de la partie algérienne.

D’après la loi algérienne, «l’Etat ainsi que les entreprises publiques économiques disposent d’un droit de préemption sur toutes les cessions de participations des actionnaires étrangers au prof it d’(autres) actionnaires étrangers. Le droit de préemption s’exerce conformément aux prescriptions du code de l’enregistrement.

Ce droit de préemption peut être total ou partiel», et toutes les modalités d’application sont déf inies dans la LFC10. D’après un expert qui s’est confié à El Watan, l’Etat doit recourir à des bureaux d’experts pour déterminer le prix du rachat.

Un autre expert expliquera que «le recours aux bureaux d’experts est une pratique qui vient combler l’absence de mécanismes internes régissant le droit de préemption dans ce secteur». Et de souligner, par ailleurs, que dans l’immobilier, l’exercice du droit de préemption est clairement déf ini : l’Etat rachète le bien en rajoutant 10% au prix de vente.

Benachour Med