Des peines allant de deux à dix ans d’emprisonnement ont été requises hier par le ministère public contre 105 accusés dans l’affaire dite des faux bacs qui a éclaté à l’université d’Oran il y a près de deux années. Le verdict a été mis en délibéré.
Après une série de reports, le procès s’est ouvert hier matin devant le tribunal correctionnel d’Oran, sis Cité Djamel. A la barre des accusés, une foule compacte prenait forme au fil de l’appel à comparaitre fait par le juge, pour atteindre le nombre de 89, soit 16 absences relevées, puisqu’il est question au total de 105 prévenus figurant sur l’ordonnance de renvoi. Voix sèche et regard impassible, le procureur a égrené les réquisitions.
Côté mis en cause, notamment parmi les jeunes «vraies-fausses» étudiantes, les expressions faciales laissaient transparaître l’inquiétude et la peur, voire l’effroi, en dépit d’indiscrets gestes et chuchotements osés par certains avocats à l’adresse de leur jeunes clients, comme pour leur faire comprendre que ce n’était là que le réquisitoire « sévère » du parquet et non la sentence du tribunal.
Ainsi, le procureur a requis 3 ans de prison ferme assortie d’amende contre six cadres fonctionnaires de l’administration universitaire. Il a mis sur un même pied d’égalité tous les étudiants «titulaires » de faux diplômes de baccalauréat et de licences également pour certains d’entre eux, requérant une peine de 2 ans de prison ferme contre tout le monde. Contre les accusés en fuite, une peine de 3 ans de prison ferme assortie d’un mandat d’arrêt a été requise par défaut.
A l’encontre du fameux B. Boumediene, extradé d’Espagne où il avait été arrêté, en exécution d’un mandat d’arrêt international lancé par les autorités algériennes, et présenté par l’accusation comme étant un relais entre les «clients» parmi les postulants potentiels à un «diplôme» pour ouvrir le sésame du campus et les «recruteurs» de l’administration universitaire, le procureur a requis la plus lourde peine, 10 ans de prison ferme assortie d’un mandat d’arrêt à exécuter séance tenante.
Le verdict devait être mis en délibéré, sous quinzaine, ce qui prolonge -du moins partiellement- le suspense dans cette affaire, dont la genèse tient à un article de presse classé alors dans les «faits divers» et à une lettre anonyme destinée au PG de la cour d’Oran, en mai 2012, -la concordance de ces deux faits indépendants l’un de l’autre n’était qu’un pur hasard. Un contingent de personnes, en fait pas moins de 105, figure sur la liste des accusés dont la plupart comparaissaient libres, entre «vrais-faux» étudiants (dans les facultés de droit, sciences éco. et médecine, notamment), fonctionnaires de l’administration universitaire et autres intermédiaires.
Sur le fond de l’affaire, dans la chaîne mise en place pour le traitement des dossiers des nouveaux bacheliers, la préinscription au centre unique au niveau du vice-rectorat de l’université qui chapeaute 12 départements jusqu’à l’inscription finale à l’institut vers lequel le candidat a été orienté en passant par la vérification du bac via l’OREC (Office régional des examens et concours), il y a lieu de relever qu’il n’y avait pas de coordination entre le premier maillon et le tout dernier.
Selon le système adopté, le bachelier se présente au vice-rectorat de l’université muni de l’attestation de réussite au bac (un document administratif délivré, à titre provisoire, au bachelier pour, entre autres, les besoins d’une préinscription et ce, en attendant la délivrance du diplôme proprement dit au niveau central, à Alger, lequel prend beaucoup de temps), du relevé de notes (bulletin exhaustif des notes obtenues pour chaque module par le bachelier à l’examen du bac, avec la moyenne générale et la mention) ainsi que d’un dossier administratif.
Le service, dépendant du vicerectorat, garde le dossier, y compris les originaux de l’attestation provisoire de réussite – «le bac» et du relevé des notes, et oriente le candidat vers l’institut ou le département qui lui convient. Du bac et du bulletin des notes, le bachelier n’en gardera que des photocopies légalisées qui lui serviront pour s’inscrire. Et c’est là où réside la faille, accentuée par une communication trop lente, voire carrément absente, entre la structure d’accueil et le service centralisé au rectorat, dysfonctionnement exploité par les mis en cause, selon les conclusions de l’instruction.
Un contrôle de l’authenticité du bac et du relevé de notes qui lui est rattaché se fait par le vicerectorat en collaboration avec l’OREC qui centralise toutes les données relatives à la liste des lauréats du bac, du BEM et de l’examen de sixième. A ce niveau-là, pas moyen donc de passer sous le nez de l’administrateur un bac ou un bulletin falsifié.
Houari Saaïdia