Face à la protestation menée depuis quelques jours par les jeunes chômeurs de Ouargla, le directeur régional de l’emploi, Abdelwaheb B., a décidé hier de démissionner. «Il ne peut plus supporter les pressions et les injonctions venant d’en haut», a confié une source locale.
L’information nous a été communiquée par un militant de la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme (LAADH), Madani El Madani, qui défend la cause des jeunes chômeurs grévistes. Le directeur de l’emploi,
en poste depuis 2004 selon notre source, n’a pas pu faire face à «la situation». Selon notre source, il avait pris l’engagement de régler le problème du recrutement pour les demandeurs de la wilaya, notamment ceux ayant déjà fait l’inscription depuis des mois.
«Mais il s’est rendu compte que la gestion de l’emploi lui échappe totalement en raison des injonctions de hauts responsables et des interventions de l’extérieur qui imposaient des personnes non inscrites à l’agence de l’emploi locale et venant de différentes wilayas du pays»,
a tenu à préciser notre source, soulignant que «la lettre de démission du directeur de l’emploi sera cette fois-ci acceptée, car il avait déjà exprimé à maintes reprises son souhait de quitter le poste de directeur régional vu les pressions qu’il a eu à subir durant son exercice».
Selon la même source, «le wali de Ouargla n’a pas réglé le problème de l’accès à l’emploi pour les jeunes de la région. Il existe une véritable mafia qui accapare des postes clés et impose son diktat». Pour les chômeurs de Hassi Messaoud qui en sont à leur deuxième semaine de grève de la faim,
le départ du directeur régional de l’emploi est «la preuve irréfutable du malaise régnant dans la région et de la gestion catastrophique de la politique de l’emploi dans cette région pourtant riche et considérée comme l’une des plus importantes bases économiques du pays». Hier, des dizaines de chômeurs ont tenu un sit-in devant le siège de l’agence régionale de l’emploi pour dénoncer le «favoritisme» et «l’exclusion des jeunes du Sud».
Le siège de l’agence a été encerclé par les policiers, selon un chômeur contacté par nos soins, ajoutant qu’un commissaire est venu rencontrer les protestataires pour leur annoncer le départ du directeur de l’emploi. Cependant, le renforcement du dispositif sécuritaire n’a pas dissuadé les protestataires qui ont tenu leur sit-in pour dénoncer la gestion des autorités locales.
«Nous sommes déçus par le silence observé par les responsables locaux. Malgré les risques encourus par les grévistes de la faim qui sont à leur deuxième semaine de contestation, aucun responsable de la wilaya n’est venu rassurer et exprimer son soutien.
Ils nous ont carrément oubliés, car nous sommes loin des regards. Les populations vivent dans des conditions lamentables, alors que les ressources du pays sont assurées par les régions du sud du pays. Où est notre part du développement ? Nous sommes des milliers de jeunes à souffrir depuis de longues années du chômage.
C’est un mépris et une manière de nous exclure. L’emploi ne manque pas, mais il profite à d’autres personnes qui ne sont pas forcément dans le besoin extrême. Les responsables des entreprises et des agences de l’emploi font des affaires sur le dos des citoyens de Ouargla.
C’est inadmissible et nous n’allons pas nous taire. Nous continuerons notre grève de la faim jusqu’à la mort pour démontrer notre colère et indignation. On militera pour notre droit au travail au même titre que tous les Algériens», a tenu à dire un des grévistes.
La situation risque de s’aggraver
La situation des chômeurs grévistes de la faim de Ouargla s’est aggravée ces derniers jours. Au moins 14 jeunes ont été hospitalisés en raison de la dégradation de leur état de santé. Des émeutes ont également éclaté depuis mercredi dernier. Des jeunes ont incendié un commissariat et bloqué des axes routiers, notamment à la cité Said Otba et au quartier Gharbouz.
Un jeune chômeur s’est donné la mort jeudi dernier à cause de sa situation sociale. Il a été licencié par une multinationale.
Ne supportant plus son «statut», il est devenu dépressif. Le cas de ce jeune de la cité Said Otba a ravivé les tensions surtout dans cette région qui compte aujourd’hui plus de 10 000 jeunes désœuvrés. Des spécialistes redoutent l’amplification de ces mouvements qui pourraient gagner les localités du sud du pays, estimant qu’elles sont marginalisées par l’administration centrale.
D’ailleurs, des tracts ont été diffusés par des personnes qui appellent à l’autonomie des régions du Sud afin
de profiter réellement de leurs richesses fossiles. Pour les initiateurs de ces idées, l’administration centrale n’a pas joué le jeu et n’a pas respecté le programme de développement destiné aux wilayas du Sud.
Par Farouk Belhabib