Le juge instructeur de la 9e chambre, relevant du pôle judiciaire spécialisé du Centre, a entamé, depuis quelques jours, les auditions récapitulatives du dossier relatif au scandale de l’autoroute Est-Ouest. Jeudi dernier, il a entendu pour la dernière fois le patron de la société japonaise Cojaal. Il s’agit de l’ultime étape avant de transmettre le dossier à la chambre d’accusation pour la qualification des faits.
Le même magistrat devra procéder de la même manière, conformément au code de procédure pénal, avec toutes les parties citées dans cette affaire. La dernière ligne droite a été entamée au lendemain du dernier rebondissement qui a vu le même magistrat inculper et placer sous contrôle judiciaire, l’exconseiller du ministre de la Justice, le colonel Khaled, ainsi que Mme Hamdane, l’épouse de l’ex- directeur de la planification au ministère des Transports, actuellement en détention dans le cadre de la même affaire. A ce propos, des sources judiciaires sûres n’excluent pas de voir la chambre d’accusation renvoyer l’affaire devant les assises pour qu’elle soit jugée à la fin de l’année en cours ou au plus tard au premier trimestre de l’année 2012.
A noter que lors de ses différentes auditions par le juge instructeur, le directeur général du groupe Coojal a indiqué que sa société a obtenu la réalisation du tronçon Est de l’autoroute sur 399 km, de Bordj Bou Arréridj jusqu’à la frontière tunisienne, pour un montant de 341 milliards de dinars, soit près de 4 milliards de dollars. Il avait reconnu également que Coojal a mis à la disposition de la Direction de nouveaux projets dépendant de l’ANA (Agence nationale des autoroutes) que dirigeait Mohamed Khelladi (actuellement en détention), 50 lignes téléphoniques et des téléphones mobiles et 10 à 15 voitures et bus, précisant avoir loué 5 à 6 logements à Alger et 4 autres à Constantine au profit de la même direction, qui a bénéficié de la construction d’un bâtiment avec logement de fonction. Il a précise que cette structure était prévue par le contrat qui le lie à l’ANA et que les téléphones ont été demandés par écrit par l’ex-directeur des nouveaux projets, qui tantôt l’expliquait comme faisant partie d’une clause liée aux travaux supplémentaires, tantôt comme relative aux mesures d’accompagnement, sachant que ces clauses obligent le maître d’œuvre à prendre en charge ces équipements ou ces services.
Quatre personnes en prison
Cela dit, il est important de rappeler que jusqu’à maintenant, quatre mis en cause sont actuellement en détention provisoire, à savoir Mohamed Khelladi, l’ex-directeur des nouveaux projets de l’Agence nationale des autoroutes (ANA), Medjdoub Chani, Addou Sid-Ahmed et Hamdane, alors que huit autres sont sous contrôle judiciaire. Il s’agit de Ferrachi, l’actuel chef de cabinet du ministre des Travaux publics, Mohamed Bouchama, secrétaire général du même département, Ghozali, ex-directeur général de l’Algérienne de gestion des autoroutes (AGA), le colonel Khaled, Mme Hamdane, Addou Tedj-Eddine, les deux frères Bouznacha, qui font dans le marché informel de la devise.
Pour rappel, l’affaire de l’autoroute Est-Ouest a éclaté au grand jour durant l’été 2008 lorsque les services de sécurité ont été destinataires de plusieurs dénonciations sur des cas de corruption liés à la partie du contrat de l’autoroute Est-Ouest que le gouvernement algérien avait confié en 2006 au groupement chinois Citic-Crce et japonais Cojaal pour plus de six milliards de dollars. Très vite, les investigations menées par les services de sécurité ont mené vers un certain Chani Medjdoub. Ce dernier, Algérien résidant au Luxembourg où il travaillait officiellement comme juriste-fiscaliste, est un habitué des contrats internationaux.
Grâce à des relations haut placées au sein des institutions de l’Etat algérien, M. Medjdoub a réussi à devenir un interlocuteur incontournable à la fois du groupement chinois et du ministère des Travaux publics, chargé de la réalisation de ce projet dit «du siècle». Côté chinois, c’est le célèbre homme d’affaires français Pierre Falcone qui s’est chargé d’introduire Chani Medjdoub auprès des dirigeants du groupement Citic-Crce. «Pour les entreprises chinoises implantées ou désireuses de mettre un pied en Algérie, Pierre Falcone est l’intermédiaire incontournable.
L’entrée en scène de Chani Medjdoub est intervenue au moment où le groupement chinois peinait à recouvrir ses créances auprès de l’administration algérienne. Le procédé de Medjoud était plutôt simple : en échange de facilités pour le recouvrement de ces paiements qui s’élèvent à plusieurs centaines de millions d’euros, Chani Medjdoub exigeait des Chinois des commissions.
A. B.