«L’irrespect des procédures et la manière avec laquelle fut diligentée l’enquête judiciaire, émaillée par de flagrantes et graves entorses au droit et à la loi, à l’encontre de notre mandant, en détention préventive depuis 26 mois au niveau de la prison de Serkadji, n’honore guère notre justice.» Tels sont les propos des avocats de Addou Sid- Ahmed Tedj-Eddine. Le 11 novembre dernier, ils ont écrit au premier magistrat du pays pour un «juste arbitrage, conformément à la loi».
Abder Bettache – Alger (Le Soir) – Alors que l’affaire est pendante au niveau de la Cour suprême suite au pourvoi en cassation introduit par les deux avocats Sidhoum Amine et Sidi Saïd Samir, ces derniers sont montés au créneau pour dénoncer ce qu’ils qualifient d’«abus de pouvoir et de dérive». Défendant Addou Sid Ahmed Tedj-Eddine, un homme d’affaires poursuivi dans l’affaire de l’autoroute Est-Ouest, les deux avocats ont organisé hier une conférence de presse lors de laquelle ils ont évoqué «le non-respect des procédures, la transgression des droits fondamentaux de l’accusé et l’atteinte à sa liberté à travers notamment la violation des dispositions de l’article 197 bis du code de procédure pénale, ainsi que toutes les conventions et traités internationaux des droits de l’homme». C’est dans cette optique que Me Sidi Saïd s’est interrogé «si dans ce dossier, les décisions sont prises ailleurs», tout en ajoutant que «M. Addou n’a rien avoir dans cette affaire». «En notre qualité d’avocats, nous n’allons pas nous taire. Nous allons réclamer haut et fort la libération de notre mandant. Il est temps de dire halte aux violations des procédures», ont-ils déclaré. «En notre qualité de juristes, c’est-à-dire d’hommes de loi, nous nous interrogeons sur la pertinence de l’existence de textes de loi qui ne sont ni appliqués ni consacrés sur le terrain. Un état de fait qui laisse la voie ouverte à toutes sortes de dépassements», lit-on dans la lettre adressée au président de la République.
«Retour de la justice de la nuit»
Dans la lettre adressée au président de la République, il a été indiqué que le mis en cause dans l’affaire dite de l’autoroute Est-Ouest a été victime de l’irrespect des procédures au lendemain de son arrestation, soit à la veille de l’Aïd El fitr de l’année 2009. «Les violations de la loi et des droits de notre mandant ne se sont pas arrêtées là. Elles se sont au contraire poursuivies jusqu’au jour de sa présentation devant le procureur de la République en compagnie de ses co-accusés à 19 h45, pour être auditionné à 4h du matin par le juge d’instruction du pôle judiciaire spécialisé d’Alger. Peut-on, Monsieur le président de la République, évoquer l’Etat de droit quand des justiciables, présumés innocents jusqu’à établissement des preuves, sont soumis à comparaître en dehors des heures de travail par-devant monsieur le procureur de la République ? L’Etat de droit s’édifie sur le respect et la consécration du principe de la force de la loi et non pas en celui de la loi de la force comme c’est le cas dans cette affaire. Après consommation de cette violation, la plupart des accusés ont été placés en détention préventive. C’est le retour de la justice de la nuit», souligne-t-on. Et d’ajouter : «Notre mandant, qui est un homme d’affaires qui a traité avec le groupe canadien dans le cadre d’une prestation de services qui n’a nulle relation avec les marchés publics et ne porte nullement atteinte au Trésor public, croupit dans une cellule. Pourquoi une justice à deux vitesses et à quoi répond cette politique de deux poids deux mesures ?»
Trésor public»
Les conférenciers ont tenu à l’occasion à mettre en exergue «les erreurs procédurales» nées de la décision de la chambre d’accusation. «La décision de la chambre ordonnant d’engager une investigation complémentaire en date du 6 juillet 2011 et la décision de fond ordonnant de déférer les accusés devant le tribunal criminel a été rendue le 16 novembre 2011, ceci signifie que la chambre d’accusation a outrepassé le délai de quatre mois tel qu’énoncé dans l’article 197 bis et l’examen de la demande de mise en liberté d’office de plein droit n’a pas été programmé à ce jour. De ce fait, depuis le 6 novembre 2011, notre mandant est de façon abusive sous l’effet d’une détention arbitraire au pénitencier de Serkadji. Le fait qu’il demeure en prison constitue une violation flagrante de ses droits en premier degré et des citoyens peuvent être confrontés à la même situation.» Et d’ajouter : «Dans cette affaire, il n’y a aucun préjudice pour le Trésor public, pour preuve il n’y a pas eu d’expertise. C’est une coquille vide.»
A. B.