Escroquerie, blanchiment d’argent, exercice illicite de la profession, transfert illégal de capitaux, sont les chefs d’accusation retenus par le procureur de la République contre l’agence immobilière.
Intelligemment menée par la juge Linda Douici, l’audience relative à l’affaire de l’agence immobilière Investment Building Corporation (IBC), sise à Aïn Benian, qui s’est déroulée lundi au tribunal de Chéraga, et contre laquelle une vingtaine de clients s’est constituée partie civile, aura duré plus de cinq heures pour auditionner les principaux mis en cause et cinq représentants parmi les victimes. IBC/Alger est une agence intermédiaire d’IBC, la société mère appartenant au père Y. Megherbi et ses deux fils cogérants, ayant pour activité la promotion immobilière installée à Luxembourg. L’agence d’Alger à pour rôle en réalité de collecter les éventuels souscripteurs émigrés à des logements promotionnels en Algérie. Et c’est au sein de la communauté algérienne en France que se situe le gros de la demande, raison qui explique la majorité des plaignants. Ces derniers, après avoir versé pour la plupart d’entre eux d’entre eux en 2008 de 6 à 8 000 euros en France, exigés par l’agence comme frais de réservation, jugé par la présidente comme excessif ainsi que plus de 2 millions de dinars en Algérie, ont pu constater les gros retards dans l’avancement des travaux de réalisation de leur logement, ce qui les a poussés à se désister, avec l’idée de récupérer leurs dus. C’est justement à partir de là que le bras de fer est engagé entre les deux parties. L’une demandant ses droits, l’autre tergiversant. L’affaire prendra de l’ampleur suite aux investigations de la Gendarmerie nationale dont le rapport transmis à la justice relèvera les infractions ayant conduit aux accusations citées. Auditionnant le premier cogérant, C. Megherbi, la juge lui reproche d’exiger de ses clients le versement de 6 à 8 000 euros, chose qu’il réfute. “Pourtant, il y a une victime qui dit que vous lui avez proposé de payer en euro parce qu’elle habite en France. Cette victime est là présente. Est-ce que ce sont des avances sur le prix de l’appartement ? Si c’est le cas, comment expliquez-vous une telle situation alors que vous dites que vous ne faites pas de la promotion immobilière en Algérie ?”, interroge la juge dans un français irréprochable au mis en cause qui ne parle pas l’arabe. “Ce ne sont pas des avances, mais des frais que l’agence perçoit en contrepartie de la réservation sur site. Il y a un accord avec les clients. Quant à l’achat du logement, il s’effectue avec l’un des quatre promoteurs en charge des programmes répartis entre Alger, Bou-Ismaïl et Béjaïa”, répond le cogérant. Mais le clou du procès est mis en évidence par la somme faramineuse amassée par cette agence qui a été “créée avec un capital de 1 000 euros, soit la moitié du Smig en France et l’équivalent de 10 millions de centimes algériens en 2005 pour atteindre plus de 336 millions de dinars au bout de quelques années”, s’étonne le magistrat, en apprenant en plus que l’agence ne disposait d’aucune autre ressource au départ. On retiendra des déclarations du cogérant que “les clients sont emmenés en visite sur le site choisi en lui donnant toutes les informations sur le type de logement qu’il achètera. Les dépôts sont effectués dans l’une des quatre banques où l’agence détient un compte”. Les terrains à l’exemple du site les Orchidées à Bou-Ismaïl ont été acquis par crédit bancaire. Une autre question de taille semble gêner le mis en cause : les clients étaient-ils au courant qu’il s’agissait de vente sur plan ? “Je ne sais pas”, répond-il. Son frère K. Megherbi, également cogérant, surprend d’emblée la présidente en confiant que IBC/Luxembourg est actuellement fermée en raison de la crise économique en Europe. “IBC/Algiers est là pour venir au secours”, ironise la présidente, ajoutant : “Vous les avez bluffés et l’argent reçu a servi de premier versement et non comme prestation. C’est de l’escroquerie.” Le père Y. Megherbi, associé non gérant, explique pour sa part qu’il s’agit bien de frais et honoraires comme cela est précisé dans le contrat. Il soutient également que les travaux d’avancement du site les Orchidées le sont à 85%. Comme il affirme que les remboursements des clients qui se sont désistés ont atteint 50%.
Cependant, la défense remet les choses au point de départ. Le verbe acéré de Me Mohamed Roubache balaie les justifications et par cette question pertinente : “Pourquoi IBC cible-t-elle les émigrés ? Tout simplement parce qu’ils veulent tous avoir un pied à terre en Algérie”, répond l’avocat avant d’enchaîner : “On nous parle de résidences alors qu’en réalité ce ne sont que des chimères. Des logements fictifs. Les plaignants ont été abusés et perdu plus de 10 milliards. Pourquoi au Luxembourg qui rime avec Monaco et Genève ? Même le notaire est complice, il est passible d’ailleurs du tribunal criminel. Y. Megherbi vous a trompé Mme la présidente. Ces gens sont poursuivis en France pour exercice illégal de l’activité de promoteur immobilier, ils continuent à faire des victimes. L’Algérie n’est pas un refuge pour des criminels”, conclut Me Roubache. Pour sa part, l’avocate de Génidar, l’un des promoteurs engagés dans la réalisation des logements objet du problème, s’étonne du fait qu’IBC en tant qu’intermédiaire s’érige en promoteur alors qu’il n’a pas cette qualification. Elle demande 10 millions de dommages et intérêts. Dans son réquisitoire, le procureur de la République retient quatre chefs d’inculpation à savoir l’escroquerie (tromperie par voie légale), blanchiment d’argent (ressources de provenance inconnue), exercice illégal de l’activité de promotion immobilière, transfert de capitaux de et vers l’Algérie sans passer par la procédure légale. Il requiert en conséquence une peine quatre années de prison pour les mis en cause assortie d’une amende de 30 millions de dinars. Trois avocats se relayent pour défendre les intérêts d’IBC dont Me Benissad, président de la Ligue des droits de l’Homme qui soutient que la création de cette agence ne souffre d’aucune irrégularité et Génidar ne cherche qu’à se venger d’IBC car cette dernière a découvert le pot aux roses que le promoteur est sur la liste rouge. Quant au maestro Samir Sidi-Saïd, il en veut pour preuve de l’innocence des mis en cause le fait qu’ils se sont présentés devant la justice algérienne en laquelle ils ont confiance, Sinon ils seraient restés là où ils résident : à Luxembourg. L’audience est levée en attendant le verdict le 7 mai prochain.
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