De 2,3 milliards de dinars en 2003, le trou financier à Khalifa Bank a atteint les 77 milliards de dinars en 2007. Un chiffre arrêté par le liquidateur de la banque privée qui précise que la liquidation est loin d’être achevée.
C’est pour ce faire que le procès en appel de la caisse principale de Khalifa Bank (KB) insiste auprès des prévenus sur le montant des crédits dont ils ont bénéficié sans la moindre garantie ni documents justificatifs.
Ce matin, le tribunal criminel de Blida a auditionné l’ex-directeur général de Khalifa Rent Car (KRC). Mohand Amghar Arezki a exercé comme directeur central chargé du contrôle des crédits et du recouvrement des créances. Il percevait un salaire de 50.000 DA et bénéficiait d’un véhicule de service et d’un téléphone portable.
En 1998, il prend sa retraite de la BNA et rejoint KB par le biais de l’oncle d’Abdelmoumène, Ghazi Kebèche (toujours en fuite) et Ali Kaci, le premier PDG de la Banque. On lui propose alors un salaire de 80.000 DA avec les mêmes privilèges qu’il avait chez son ancien employeur. Quelques mois après, le groupe lui confie la direction générale de l’administration. Son salaire grimpe à 100.000 DA. Après une première réorganisation, il est nommé vice-président sans pouvoir exécutif. Intervient alors une autre réorganisation, il est nommé conseiller au développement.
Intervint la création de Khalifa Rent Car (KRC), une SARL constitué à 50% de Khalifa Airways (KA) et 50% de Khalifa Bank.
Le juge lui demande d’où venaient les voitures de la société, Amghar répond que c’était le groupe qui les achetait. Le magistrat lui demande s’il confirme que c’était Badreddine chachoua qui s’occupait de l’achat des voitures. Il fait semblant de ne pas comprendre. Antar Menaouer revient à la charge. Il se détourne.
Crédits, prêts ou donation ?
Le magistrat entre dans le vif du sujet et s’enquiert sur le crédit qu’il a contracté. Il répond qu’il a personnellement abordé Abdelmoumène Rafik Khalifa pour lui demander un prêt social. Et il insiste sur le caractère social. L’ex-Golden boy le lui accorde à condition qu’il ne dépasse pas les 15 millions de DA (1,5 milliard de centimes). Le quitus verbal donné, Amghar se dirige vers le comptable de KRC et l’instruit de lui établir un chèque de 15 millions de dinars qu’il signera lui-même en sa qualité d’unique ordonnateur. Une somme qui devait servir, selon le prévenu, à acquérir un plus grand appartement que celui qu’il occupait à la placette de Hydra (un logement de fonction de la BNA qu’il finira par acquérir dans le cadre de la cession des biens de l’État).
Comment alliez-vous rembourser le prêt, interroge le président du tribunal. « La garantie, c’est mon salaire. Je percevais en ma qualité de directeur général de KRC une rémunération de 150.000 dinars. Le magistrat lui demande alors s’il avait remis au comptable un justificatif pour l’établissement du chèque. Il répond par la négative, sans préciser que ce crédit était consigné dans le bilan qu’il présentait à la fin de l’année aux associés. « Le bilan de KRC a été approuvé et le procès-verbal signé ».
Vous avez donc retiré l’argent avant même que les associés ne signent le PV ?, interroge le juge qui poursuit si c’est règlementaire qu’il soit ordonnateur et signe des chèques pour lui-même. « Je suis partie du principe que mon PDG m’a donné son accord », répond l’accusé. Et c’est suffisant pour vous, demande le président de l’audience qui ne manque pas de l’interroger sur le bien immobilier qu’il avait acheté. « C’est un appartement de six pièces sis à la rue Khelifa Boukhalfa, en plein centre d’Alger ». Le prévenu se gardera de dire au tribunal qu’il avait déjà obtenu un prêt de Khalifa Bank en août 1999 de l’ordre de 450 millions de centimes. Il a fallu que ce soit le parquetier qui le lui rappelle.
Amghar expliquera que c’était pour l’acquisition d’un logement à Bir Mourad Raïs. Sentant le piège se refermer sur lui, le prévenu transpire et s’emporte. Le président du tribunal le rappelle à l’ordre en lui faisant remarquer que de tous les prévenus déjà auditionnés, il était le seul à l’avoir fatigué en tournant autour du pot et faignant ne pas comprendre les questions qui lui étaient posées, sous prétexte qu’il ne comprenait pas bien la langue nationale, ayant passé le plus clair de son enfance en France.
Le PDG n’avait pas de bureau
A la question de savoir pourquoi il n’avait pas été voir Khalifa dans son bureau pour lui demander le prêt en présentant un écrit, l’accusé répond que Abdelmoumène n’avait pas de bureau. Le juge s’énerve. « Vous voulez faire croire au tribunal qu’un président directeur d’un groupe ne dispose pas d’un bureau ? Où tenait-il ses réunions, où recevait-il les gens qui venaient le voir, comment sa secrétaire lui faisait parvenir son agenda et ses rendez-vous ? Le prévenu répond que Khalifa pouvait se mettre dans n’importe quel bureau et qu’il n’avait pas de secrétaire particulière. Cette réponse signifie que les arguments d’absence de bureau étaient avancés pour conforter les propos de son chef qui avait nié que Aiouaz Nadjia (qui avait fait des révélations fracassantes en 2007) soit sa secrétaire particulière. Acculé, Amghar finit par reconnaître que Moumène disposait d’un bureau personnel mais au siège du groupe
Revenant sur le prêt, le procureur général le relancera sur les justificatifs et les garanties. Amghar ne répond pas. Le représentant du ministère public ne va pas par quatre chemins : « Lorsque le liquidateur de KRC vous a saisi pour le remboursement des 15 millions de dinars, vous lui avez adressé une correspondance dans laquelle vous lui dites que cette somme était une donation qui vous avez été faite par les fondateurs du groupe et non pas un prêt ». L’accusé, qui avait écopé lors du premier procès de huit ans de prison ferme, nie. « Pourquoi le liquidateur aurait inventé la correspondance ? » L’ex-DG de KRC ne répond pas.
Le parquetier revient à la charge en lui faisant remarquer que la société qu’il dirigeait avait offert 10 véhicules dans le cadre de l’année de l’Algérie en France, en plus des 40 voitures qui n’ont toujours pas été retrouvées et celles offertes aux dirigeants des OPGI et autres entreprises publiques en contrepartie des dépôts de leur argent à Khalifa Bank. Il lui précisera aussi que les 15 millions de dinars qu’il avait pris devaient en réalité servir au remboursement du premier crédit de 450 millions de centimes. Cela non s’étonner qu’il puisse prétendre à un deuxième prêt alors que le premier n’était pas encore restitué. Le prévenu tente de se défendre, mais ne convainc pas le tribunal. « J’ai vendu mon appartement pour pouvoir rembourser. Et le procureur de répliquer : « Vous avez vendu le logement parce que vous avez appris que le liquidateur allait vous le faire saisir. Et vous avez acheté un autre à Sidi Yahia ». Il lui rappellera, comme pour lui prouver qu’il n’était pas question de prêt, qu’il n’avait nullement l’intention de rembourser jusqu’à ce que le juge le convoque en 2005.
L’audience se poursuit avec l’audition des prévenus accusés de délit.
Faouzia Ababsa