Affaire de détournement à la BNA : 23 milliards au cœur d’un vaste scandale

Affaire de détournement à la BNA : 23 milliards au cœur d’un vaste scandale
Affaire de détournement

La Cour de Blida a examiné, en fin de semaine, un vaste dossier de détournement de fonds publics impliquant plus de 23 milliards de centimes au sein d’une agence du Banque nationale d’Algérie (BNA). Cette affaire, qui a suscité un vif intérêt au sein du secteur bancaire et auprès de l’opinion publique locale, met en cause 17 prévenus, parmi lesquels figurent des investisseurs ainsi que des employés de la banque.

À l’issue de l’audience, le tribunal a décidé de reporter le délibéré à la fin du mois en cours.
Lors des réquisitions, le représentant du parquet a demandé des peines allant de 5 à 15 ans de prison ferme, selon le degré d’implication de chacun.

L’affaire remonte à l’année 2022, lorsqu’un groupe d’investisseurs a sollicité un crédit destiné au financement d’un projet industriel dans la wilaya de Relizane, pour un montant global dépassant 66 milliards de centimes. Le montage financier prévoyait une contribution bancaire de 55 % et un apport personnel de 45 %.

Après étude du dossier, la banque avait donné son accord et débloqué une première tranche de plus de 11 milliards de centimes, suivie quelque temps plus tard d’une seconde tranche avoisinant 12 milliards.

Un chantier presque inexistant : une visite qui met tout en évidence

Ces versements ont été effectués malgré l’absence de livraisons de matériel et de machines, pourtant prévues comme condition essentielle après le premier décaissement. Face à ces incohérences, l’agence bancaire a dépêché une équipe pour vérifier l’état d’avancement du projet.

La visite a mis en évidence un constat troublant : le site, situé dans la périphérie de Relizane, ne présentait aucun signe réel d’activité industrielle. Les enquêteurs n’y ont trouvé qu’un terrain entouré d’un mur en parpaings et de tôles en zinc, ainsi qu’un squelette de structure inachevée. Aucun équipement, aucune machine et aucun employé n’étaient présents sur place.

Plus grave encore, il est rapidement apparu que les fonds débloqués n’avaient pas été utilisés pour le projet, mais orientés vers des destinations non justifiées et sans lien avec l’investissement déclaré.

Des irrégularités internes et de lourds soupçons

Les investigations ont révélé, au fil d’enquêtes approfondies, un ensemble d’irrégularités majeures ayant entaché l’obtention du prêt dès ses premières étapes. Les enquêteurs ont constaté l’absence quasi totale de travaux réels sur le site censé accueillir le projet, qui ne présentait qu’un terrain nu entouré d’une clôture en zinc et un début de structure à peine amorcée. Ils ont également établi que les montants versés dans le cadre du financement bancaire avaient été détournés vers des destinations étrangères à l’objectif annoncé, en violation manifeste des engagements contractuels.

L’analyse du traitement du dossier à l’intérieur de l’agence bancaire a, par ailleurs, mis en lumière des manquements sérieux : les chèques avaient été accordés sans vérification suffisante du respect des clauses fixées, tandis que certaines pièces administratives se sont révélées incomplètes, non conformes ou entachées de faux.

L’ensemble de ces éléments a renforcé les soupçons de blanchiment d’argent au sein d’un groupe organisé, de participation au détournement de fonds publics, d’usage de documents falsifiés et d’abus de fonction.

À l’issue des investigations menées par la brigade de lutte contre les crimes économiques et financiers, quatre des mis en cause ont été placés sous mandat de dépôt. Les autres répondent de leurs actes en comparution libre. Les charges retenues incluent notamment le blanchiment d’argent en bande organisée, le détournement de deniers publics, l’utilisation illégale de fonds, l’usage de documents falsifiés et l’abus de fonction.

Le verdict est attendu à la fin du mois, dans une affaire qui pourrait faire jurisprudence dans le contrôle des crédits d’investissement et la lutte contre les dérives internes au secteur bancaire.