Aéroport Houari Boumediene embarquement immédiat

Aéroport Houari Boumediene embarquement immédiat
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L’aéroport ressemblait plus hier à une tribune, un «kop» de supporters algériens, qu’à un terminal d’embarquement.

Il régnait comme une ambiance de novembre 2009 à l’aéroport international Houari Boumediene, comme à la grande époque du pont aérien historique de supporters organisé entre Alger et Khartoum par nos autorités pour aider les Verts à franchir le dernier obstacle qui les séparait de la Coupe du monde 2010, au Merreikh stadium d’Oumdormane devenu aujourd’hui mythique.

Une centaine de supporters de tous âges venus des quatre coins du pays, garçons et filles réunis, habillés aux couleurs des Fennecs, le drapeau national à la main, faisait la queue au comptoir d’enregistrement de la compagnie nationale marocaine pour prendre l’avion à destination de Casablanca, ensuite Marrakech, où aura lieu le match tant attendu. Ces gens-là représentent vraiment le «noyau dur» des supporters algériens, car ils ont tous payé un prix prohibitif et fait d’énormes sacrifices pour payer le billet d’avion.

Une ambiance de vétérans de l’armée

Alors qu’ils viennent de toutes les wilayas du pays et qu’ils font parti de catégories socioprofessionnelles qui normalement ne se rencontrent jamais, il règne au comptoir d’enregistrement de la Royal Air Maroc une ambiance de vétérans de l’armée. Tous se reconnaissent et se font la bise parce qu’ils ont fait partie de tous les combats qu’ont livrés les Fennecs par le passé, dont l’Egypte fut le pire du pire. Certains l’ont échappé au Caire, d’autres ont partagé une bouteille d’eau sous le soleil de Khartoum, le genre d’aventure qui crée des liens indéfectibles. On pourrait croire qu’il s’agit de «bobo» ou de gosses de riches, eh bien détrompez-vous, ce sont des citoyens et des citoyennes ordinaires qui sacrifient leurs vacances et leur argent pour leur passion : l’équipe nationale de football. D’ailleurs, ce vol Alger-Casablanca illustre à merveille ce propos, puisqu’aux deux extrémités de cette «pyramide des âges» du supporter algérien, on n’avait aussi bien une bande de jeune garçons et filles très «flashions» et très tendance d’un côté, alors que de l’autre côté, nous avions Halim, une personne âgée, handicapée, supporter du NAHD de la première heure, qui était présent pour soutenir les Verts.

Hamid Zedek pas du tout rancunier

L’opposant numéro 1 du Mouloudia, Hamid Zedek, qui répond toujours présent pour suivre l’équipe nationale partout où elle va, en grand passionné qu’il est, a pris le même avion que nous et une centaine de supporters des Verts qui ont vraiment mis le «souk» dans le habituellement très feutré et très mondain vol Alger-Casablanca, réputé d’habitude pour transporter des hommes d’affaires et des businessmans. A son arrivée dans la zone de transit pour attendre sa correspondance pour Marrakech, à Casablanca, Hamid Zedek a sympathisé avec une quinzaine de passagers sénégalais qui attendaient le vol qui devait les emmener à Dakar. L’un d’eux lui a demandé une cigarette, lui expliquant qu’il n’avait pas fumé depuis de longues heures. Immédiatement, Hamid Zedek a sorti son paquet de cigarettes et a généreusement distribué une cigarette à chacun de ses nouveaux amis. Il a donné la preuve qu’au MCA, on peut se montrer bon prince et pas rancunier pour un pouce, car c’est l’équipe de la Jeanne d’Arc du Sénégal qui, il y a quelques années, humiliait le MC Alger au stade du 5-Juillet en Coupe d’Afrique des clubs champions.

Place du match : beaucoup de candidats pour très peu d’élus

Alors que des 1500 places allouées aux supporters algériens par la Fédération royale marocaine de football, par l’intermédiaire des autorités consulaires algériennes qui étaient chargés de les distribuer à titre gracieux. Il ne reste plus rien et que les places en tribune marocaines sont vendues extrêmement chères et sous le manteau, on craint beaucoup du côté d’Alger et de Rabat que cet enthousiasme bon enfant des supporters algériens ne tourne à l’émeute, sous l’effet de la frustration de ne pas trouver de ticket pour le match et aussi à cause de la chaleur écrasante qui règne ici. Alors que des avions de supporters algériens continuent d’affluer du monde entier, on parle déjà de grosses échauffourées devant les guichets de la billetterie du stade de Marrakech et aussi du côté de l’ambassade d’Algérie à Casablanca, où tous les supporters se dirigent en masse avant de rejoindre Marrakech par route grâce à des cars affrétés par les tours operators pour les plus chanceux d’entre eux, et grâce au train, au système D et à la débrouille pour les autres.

Marrakech n’est pas Annaba et encore moins Blida

Les charmeurs de serpents, les vendeurs d’attrape-nigauds pour touristes et autres bonimenteurs s’agitent et s’activent comme tous les jours devant une poignée d’Allemands venus sur soulager leurs portefeuilles de quelques centaines de dirhams. Une fin d’après-midi presque banale, sur la célèbre place Djemaâ El Fna qui, à l’image de la ville de Marrakech tout entière, ne semble pas se passionner outre mesure pour le match Maroc-Algérie de ce soir. Contrairement à ce qui se passe chez nous, lorsqu’on arpente les rues de la métropole marocaine, notamment l’avenue Mohammed V, alors que nous ne sommes qu’à 48 heures du match, rien ne laisse présager que le destin du football marocain et algérien va se jouer sur 90 minutes, aujourd’hui à 21h, heure locale, sur le rectangle vert du stade de Marrakech. Rien ne trahit une inquiétude sur le visage des Marrakchis. On sent plutôt une sorte de self control et de raison gardée, à la limite de l’indifférence. On est à mille lieues de la ferveur et de l’ambiance que l’on a connues à Blida lors des éliminatoires de la Coupe du monde 2010, où d’Annaba lors du match aller en mars dernier. On comprend mieux maintenant pourquoi l’entraîneur des Lions de l’Atlas, Eric Gerets, voulait absolument que ce match ait lieu à Casablanca où les supporters se rapprochent plus des standards nord-africains. Ici à Marrakech, seules les unes de la presse spécialisées sont là pour nous rappeler le match, car même si ici tout le monde ne soutient pas les coéquipiers de Chamakh et Kharja à cause d’un gros litige entre la Fédération royale marocaine et le club local, ceci explique que la ferveur et le chauvinisme ne semblent pas être le genre de la maison. C’est dans cette ambiance-là, que sont arrivés avant-hier, vers 17h, nos Fennecs en provenance d’Alicante. Des Verts qui avaient déjà le masque de la concentration, au moment de monter dans le bus qui les emmenait à leurs quartiers à Marrakech, à savoir l’hôtel Palmeraie Golf Palace. Gageons que ce stade de Marrakech, sans nom portera chance aux Verts, et sera baptisé au lendemain de la victoire éclatante de nos Fennecs incha Allah, Malaâb el Fna, comme la célèbre place du même nom, traduisez le stade des suppliciés.

Les Verts sous haute surveillance

L’hôtel Palmeraie Golf Palace, très connu pour son luxe 5 étoiles, son microclimat du fait qu’il se trouve au pied de l’Atlas, sa végétation luxuriante avec la fameuse palmeraie entourée d’arbustes et de fleurs et son golf 18 trous, depuis que l’équipe nationale a pris ses quartiers, est surtout réputé pour sa sécurité. Ici seuls les ayant droits peuvent y accéder et il faut sans cesse montrer aux nombreux agents de sécurité et autres agents de police présents, sa carte de membre de l’hôtel ou sa carte de presse pour les journalistes. Les autorités marocaines ne veulent aucune fausse note, surtout pour un gros derby comme Maroc-Algérie qui a drainé plusieurs journalistes étrangers et qui sera diffusé et suivi par beaucoup de médias étrangers d’après le nombre d’accréditations formulées à la Fédération royale marocaine de football. Le but pour les autorités marocaines et d’éviter au maximum un scénario à l’égyptienne à cause d’un mauvais geste d’un supporter ultra ou d’un déséquilibré. Malgré l’importance de ce dispositif, il reste très discret et nous avons pu travailler auprès des Verts et des Lions de l’Atlas le plus normalement du monde.

Benchikha a déjà son 11 de départ dans la tête

Le sélectionneur national, Abdelhak Benchikha, a annoncé en off sa liste des 18 en tête. Il avait juste quelques hésitations, concernant certains joueurs, notamment leur état de forme et certains postes pour vraiment valider son 11 de départ et son banc de touche le jour J. Il semble que le match amical du 27 mai dernier, face à la modeste équipe de Deportivo La Minera, ait levé les derniers doutes qui subsistaient en lui. En arrivant hier à l’aéroport de Marrakech Menara, le général avait déjà sa feuille de match dans sa tête, mais il ne la dévoilera qu’au dernier moment, pour la rectifier en cas de blessure et bien sûr pour permettre au groupe de garder son influx nerveux et de batailler jusqu’au bout dans l’espoir d’une titularisation.

Les supporters algériens sont bel et bien là

Malgré la désorganisation chronique, malgré un nombre de places allouées inférieur à la passion des Algériens pour leur équipe nationale, et le parcours du combattant pour obtenir «le graal» que représente un des 45 000 tickets pour assister au match de l’année 2011, qu’est en train de devenir ce Maroc-Algérie, «comme d’habitude» si j’ose dire, ils sont là à Marrakech et participeront à la fête de samedi». Je veux parler des supporters algériens qui arpentent depuis quelques jours les rues de la capitale du tourisme marocain. Certains sont parés du drapeau national, d’autres de maillots des Fennecs et certains ont tout l’attirail du parfait supporter, avec le survêtement des Verts, le maillot, mais aussi la casquette ou le chapeau façon «fou du roi» avec les clochettes, le serre- poignet de Foued Kadir et la bannière avec Maâk Ya El Khadra, sans oublier les traditionnels trompettistes et derboukistes qui chantent les standards à la gloire de nos Fennecs, de Djibouha Ya Louled à Chebka ya l’Algérie, en passant par le groupe Milano. Lorsque certains groupes de supporters se mettent à chanter, d’autres Algériens, habillés incognito, se joignent à la fête. Lorsque nous leur demandons pourquoi ils ne sont pas habillés et maquillés en supporters, ils nous expliquent qu’ils sont venus à deux, parfois seul, et comme le match a lieu à l’extérieur, ils préfèrent ne pas s’exposer à des représailles en cas de victoire des Verts. Le problème, nous dit Amine, un supporter venu de Belgique, c’est qu’en matière de déplacement de supporters, nous sommes les derniers d’Afrique, voire du monde. Amine surenchérit en nous disant : «Chaque équipe africaine possède un comité de supporters, avec des supporters habillés de la même manière, qui voyagent tous ensemble et qui ont même des sponsors, qui sont souvent les mêmes que ceux de leur sélection nationale. Nous les Algériens, nous n’arrêtons pas d’appeler la FAF avant chaque match et nous ne trouvons aucun interlocuteur valable, ne serait-ce que pour acheter les places à un prix correct et assurés d’être dans la même tribune. Nous sommes obligés à chaque fois de venir par nos propres moyens en payant le prix fort, par amour de l’équipe nationale, sans être sûr d’entrer au stade ou en achetant les places au marché noir. Vous le constatez par vous-même, comme en Afrique du Sud, il n’y a pas un groupe, mais une multitude de microgroupes algériens qui va supporter les Verts et je trouve ça triste». Malgré ce problème, tous espèrent une victoire de l’Algérie pour que le retour à Alger, Oran, Biskra, Constantine ou encore Paris, Montréal, Los Angeles, Londres ou Moscou, soit moins long et plus festif.

M. B.