Adrar, un réservoir national de manuscrits par excellence

Adrar, un réservoir national de manuscrits par excellence

Le manuscrit, repère essentiel du patrimoine ancien d’Adrar, de l’histoire de ses Oulémas et de l’éveil scientifique qu’a connu la région, représente un legs culturel et civilisationnel national à préserver au profit des générations futures.

Traitant du trésor documentaire de la wilaya d’Adrar, en général, et celui de la région du Touat, en particulier, l’histoire du manuscrit renvoie à quatre de ses importantes phases, à savoir d’écriture, de reproduction, de dégradation et enfin celle relative à la large conscience de l’importance de ce patrimoine matériel ancestral, explique le directeur du laboratoire des manuscrits algériens en Afrique de l’Ouest, relevant de l’université d’Adrar, Dr. Ahmed Djaâfri.

Ce responsable a estimé que les deux premières étapes d’écriture et de reproduction du manuscrit, très anciennes, sont fidèlement liées à des personnalités algériennes issues notamment du Touat, à l’instar de Cheikh El-Maghili, le saint patron Moulay Slimane Benali, Cheikh Mohamed Ben Abi El Mezmari et Cheikh Mohamed Tinillani.

Il a mis en exergue le rôle des familles qui se sont spécialisées dans cette activité de reproduction de nombreux manuscrits, à l’instar des familles Kounta, Ouled Si Hamou Ben El Hadj, celles de Reggani, El-Belbeli et El-Djaâfri et bien d’autres.

Le foisonnement de la production, entraîne celle de la reproduction de manuscrits

Disposant d’un riche fond documentaire manuscrit, tous domaines du savoir confondus, qu’il appartient d’entretenir et de préserver du fait qu’il s’associe à l’histoire, au présent et à l’avenir de la nation, ces familles ont opté pour la reproduction d’une large partie de ce fond dans le sillage des nombreux mouvements d’échanges commerciaux dans la région du Touat, trait d’union entre le Nord et le Sud de l’Afrique.

Cette activité de reproduction de manuscrits s’est, du fait de la demande croissante sur ces ouvrages anciens, développée avec l’émergence de familles spécialisées dans le domaine, faisant de la région du Touat un gisement national, avec un patrimoine de plus de 21.000 manuscrits recensés par les forces coloniales françaises durant les années 1960.

Plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest, dont la Mauritanie et le Nigeria, mais aussi ceux d’Afrique du Nord ont ainsi enregistré un éveil cultuel et culturel grâce aux nombreux manuscrits d’auteurs algériens.

Sauver le patrimoine, par conscience de sa grande importance

Le trésor documentaire de la wilaya d’Adrar a subi, à l’instar d’autres ouvrages anciens, témoins de civilisations mondiales, des dégradations et altérations sous l’effet de divers facteurs, tant humains que naturels, n’eut été l’éveil de conscience manifesté, durant les années 1980, par des hommes de lettres et des chercheurs ayant incité, par leurs recherches laborieuses et actions de sensibilisation, les « kaims » (propriétaires et gérants) des « Khizanate » (bibliothèques privées) à l’entretien, la conservation et la préservation du manuscrit.

Ces efforts d’alerte sur la nécessité de conservation de ce patrimoine ont été sanctionnés par, en plus de l’intérêt suscité chez les spécialistes et étudiants, par la création d’un Centre national des manuscrits (CNM) basé à Adrar, au regard de l’important gisement de manuscrits que renferme la région.

Le CNM d’Adrar, un support de conservation du legs manuscrit ancien

La wilaya d’Adrar a, de par sa vocation de réservoir du manuscrit, accueilli ce Centre national des manuscrits qui assume, entre autres de ses missions, le catalogage, la classification et la restauration des manuscrits anciens, avec des équipements modernes, a indiqué la directrice du Centre, Mme. Saliha Laadjali.

Le centre opère selon un programme axé sur plusieurs phases consistant, notamment, en l’organisation de sorties de terrain hebdomadaires au niveau des Khizanate existantes à travers le territoire de la wilaya, a-t-elle expliqué.

Ces sorties visent, selon Mme. Lâadjali, à inventorier, recenser et examiner ces trésors documentaires pour déterminer les voies de conservation et les modalités d’organisation et de définition de leurs besoins en vue de dégager les solutions appropriées à chaque manuscrit.

La seconde étape du programme prévoit la mise au point d’un plan d’action visant notamment la prise en charge des préoccupations soulevées par les Kaims (gérants et propriétaires), une opération qui a touché jusque-là plus de 50 khizanate.

Selon Mme. Lâadjali, ce programme a permis de découvrir et de dépoussiérer d’autres Khizanate, jusque-là méconnues, et devra permettre d’en localiser bien d’autres à travers le vaste territoire de la région.

Le CNM a, dans le but de valoriser l’importance de ce programme dans la préservation du legs culturel et civilisationnel, décidé d’amorcer son expérience au niveau d’une Khizana, en procédant à son aménagement, inventaire, catalogage et numérisation de ce patrimoine usant de moyens techniques spécialisés.

Dans l’optique d’impulser les activités culturelles du Centre, jouxtant l’université d’Adrar, les responsables envisagent de mettre sur pied des expositions thématiques périodiques, avec la participation des gérants de Khizanate, susceptibles de mettre ces manuscrits à la disposition des chercheurs.

Le CNM compte aussi mener des actions de sensibilisation sur le rôle des bibliothèques dans la préservation du patrimoine manuscrit et sur les voies et moyens de sa conservation.