Adoptées par le Sénat en dépit de vives critiques, Vers une deuxième lecture des réformes ?

Adoptées par le Sénat en dépit de vives critiques, Vers une deuxième lecture des réformes ?
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Les sénateurs du tiers présidentiel, qui ont critiqué les trois projets de loi, ont fini par les adopter. Les membres du Conseil de la nation ont adopté, jeudi, à la majorité absolue, les trois projets de loi portant régime électoral, l’élargissement de la représentation de la femme dans les Assemblées élues et celui relatif aux cas d’incompatibilité avec le mandat parlementaire.

Pourtant, ces trois projets ont provoqué un houleux débat à la chambre haute. Plusieurs sénateurs ont critiqué les amendements apportés par les députés de l’Assemblée nationale populaire (APN). A entendre certains intervenants lors des débats, la tendance était vers le rejet de ces trois projets de loi.

On croyait que le Conseil de la nation allait créer, pour la première fois, la surprise en rejetant ces textes de loi. Beaucoup de bruit pour rien, puisque les trois projets sont passés comme une lettre à la poste. Le vote à main levée a été acquis à la majorité absolue. Cette adoption a remis sur le tapis le rôle (s’il y en a bien sûr) que joue cette institution dans le processus de légifération des lois, ainsi que les débouchés des réformes politiques en cours.

Censés défendre les réformes initiées par le président de la république, les sénateurs du tiers présidentiel, ont fini par jouer le jeu des sénateurs représentants les différents courants politiques. Les sénateurs du tiers présidentiel, qui ont critiqué les trois projets de loi, ont fini par les adopter. L’attitude des membres du Conseil de la nation n’est pas fortuite. Il s’agit bel et bien d’un agenda politique qui vient d’en haut.

En fait, les sénateurs n’ont le choix que d’adopter «à la hâte» ces textes, puisque quelques mois seulement nous séparent du prochain rendez-vous électoral. Pour eux, «ces textes de loi ne répondent pas à l’esprit des réformes engagées par le Président», mais le temps presse et il faut faire vite.

«Le débat qu’a suscité ce texte est tout à fait normal, puisque pour nous c’est le début de la concrétisation des réformes politiques. Mais on peut, tout de même, modifier ces lois après, puisque nous n’avons pas le temps nécessaire pour reprendre à zéro», nous confie Boulahaia Brahim, sénateur du tiers présidentiel.

Une deuxième lecture des réformes est-elle possible ? Notre interlocuteur ne le dit pas clairement, mais tout laisse à croire que le chef de l’Etat procédera à une révision des textes adoptés pour «sauver ses réformes». D’ailleurs, Bouteflika l’avait dit à Louisa Hanoune, secrétaire générale du Parti des travailleurs (PT), qui chuchotait à «l’oreille» du président à l’occasion de la cérémonie de la 49e anniversaire de l’indépendance du pays. «Oui, je vais voir», a lâché le premier magistrat du pays.

Déçue après le vote des trois projets de loi, la sénatrice du tiers présidentiel, Zohra Drif Bitat réputée également proche du président, n’a pas hésité à inviter Bouteflika à ordonner, comme l’y autorise la Constitution, une deuxième lecture de ces projets de loi qui contredit complètement le processus des réformes politiques.

Très en colère lors des débats, le sénateur du tiers présidentiel, Mustapha Boudina, qui a voté «non» pour le projet de loi organique portant régime électoral et s’est abstenu lors du vote des deux autres texte, n’a pas caché son souhait de voir le président procéder à une deuxième lecture. Ce dernier a souligné que «les calculs politiques de certains partis, ceux de l’Alliance présidentielle notamment, risquent de ne pas aboutir, vu la volonté du président de mener à terme ses réformes».

Pour lui, les sénateurs doivent défendre la démarche du président, seulement voilà, «le timing n’est pas en notre faveur». Autrement dit, ce n’est pas trop tard pour rattraper les lacunes des textes adoptés déjà et ceux qui le seront dans les jours à venir. Le ministre de la Justice garde des Sceaux, quant à lui, ne veut pas s’aventurer sur ce terrain glissant, se contenant ainsi de déclarations «codées».

Interrogé en marge des débats, le ministre a affirmé que «chacune des institutions de l’Etat est souveraine et qu’on doit accepter la démocratie». La démocratie oui, mais pas avec ce Parlement. Il ne faut pas oublier que les députés de l’actuelle chambre basse n’ont pas été élus par les algériens, puisque le taux de participation aux élections législatives de 2007 n’avait été que de 37% (chiffre officiel). Ainsi, les réformes telles qu’elles sont présentées actuellement ne passeront pas auprès de l’opinion publique.

Des partis politiques, qui remettent en cause la légitimité du parlement actuel, ont exprimé, à mi-chemin du processus des réformes, leur mécontentement quant aux modifications apportées à certains projets de loi. Des partis, comme le PT le FNA ou encore le MSP, ont dénoncé «la tentative d’avortement» des réformes en cours par le RND et le FLN. Sept mois après le discours de Bouteflika, annonçant «des réformes profondes», dans le pays, le changement, tel que souhaité par les algériens, peine encore à se concrétiser.

Hocine Larabi