L’hypocrisie de Sarkozy (il recevait récemment Abbas à l’Elysée) apparaît au grand jour: comment prétend-il défendre le «Printemps arabe» et refuser aux Palestiniens le droit à la liberté?
La France joue le grand écart: il s’agit tout à la fois de ne pas s’aliéner une image favorable dans le monde arabe tout en faisant tout pour que le Conseil de sécurité n’en vienne jamais à voter…
Neuf voix sur quinze sont nécessaires dans cette instance pour adopter un texte sans qu’aucun des membres permanents n’y appose son veto. Aujourd’hui, six membres du Conseil sont prêts à voter pour admettre à l’ONU la Palestine, mouvement que refusent les Etats-Unis prêts à recourir à leur droit de veto. Le Conseil de sécurité a commencé lundi son examen de la demande palestinienne. A l’instar d’autres Européens, la France n’a rien dit de sa position lors d’un éventuel vote et plaide pour que la Palestine choisisse la voie de l’Assemblée générale des Nations unies pour l’octroi d’un simple statut d’Etat observateur. Interrogé lundi pour savoir s’il allait pousser à un vote rapide au Conseil de sécurité, le ministère des Affaires étrangères n’a pas répondu, se retranchant derrière un énième appel à «une reprise urgente des négociations de paix entre Israéliens et Palestiniens». «L’objectif c’est d’éviter le drame, de gagner du temps et de trouver une solution de compromis», résume Denis Bauchard de l’Institut français des Relations internationales (IFRI). «On va vers l’enlisement au Conseil de sécurité», ajoute-t-il, en notant que «la France est partagée entre son tropisme à l’égard d’Israël et sa volonté de ne pas se couper du Printemps arabe». Une accélération de la procédure pourrait être de l’intérêt des Etats-Unis. En l’absence d’une majorité de neuf voix, Washington n’aurait pas même besoin d’utiliser son veto. Mais elle ne serait pas à l’avantage de la France. Sommée de se prononcer si les Palestiniens vont au bout de leur logique, Paris pourra difficilement s’opposer frontalement aux Etats-Unis en votant pour. Le contre étant écarté, peu de pays arabes comprendraient le choix de l’abstention à l’heure où la France se flatte de ses succès libyens. «Il est sûr que cela sera mal accepté du côté du monde arabe», convient Denis Bauchard, pour qui la France essaye «de ralentir les travaux du Conseil de sécurité pour ne pas avoir à se prononcer pour, contre ou en faveur de l’abstention». La position de la France «est très compliquée, parfois assez ambiguë», confirme Yves Aubin de la Messuzière, spécialiste du monde arabe et ex-directeur Moyen-Orient au Quai d’Orsay. «S’il devait y avoir un vote et que la France annonce son abstention, cela poserait un problème dans les opinions palestinienne et arabes et la mettrait en contradiction avec son appui proclamé aux différentes transitions démocratiques et aux aspirations des peuples arabes», illustré en particulier dans la crise libyenne, estime-t-il. Selon plusieurs experts, une porte de sortie pour la France serait de faire savoir dans les salons feutrés de la diplomatie internationale que Paris – comme peut-être d’autres Européens – jouerait l’abstention en cas de vote au Conseil de sécurité. Mais sans le clamer haut et fort. En évitant de se mettre à dos l’opinion publique arabe, cette position inciterait les Palestiniens à renoncer à une procédure de vote et à se tourner vers l’Assemblée générale des Nations unies où le veto n’existe pas et où une majorité d’Etats sont acquis à la cause palestinienne. La France a affirmé implicitement que sa voix ferait partie de cette majorité, lorsqu’elle a poussé officiellement les Palestiniens à choisir l’Assemblée pour leur démarche de reconnaissance. Elle s’est mise toutefois dans une contradiction énorme en exigeant dans le même temps des Palestiniens qu’ils s’abstiennent de tout recours contre Israël devant la justice pénale internationale comme l’autoriserait un statut d’Etat observateur. Selon Yves Aubin de la Messuzière, «les Palestiniens n’annonceront jamais ce renoncement».
