Adhésion de l’Algérie à l’OMC,Un saut sans filet

Adhésion de l’Algérie à l’OMC,Un saut sans filet

Du monopole de I’Etat au laisser-faire, l’économie nationale a ainsi effectué un virage à 180°

Actuellement, des pans entiers de l’économie sont livrés au commerce informel, aucun texte de loi ne protège, par ailleurs, la production nationale qui a gravement reculé lors de la dernière décennie.

La manière avec laquelle le ministre du Commerce, Mustapha Benbada, a défendu devant l’APN l’adhésion de l’Algérie à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) nous interpelle. Outre d’être maladroite et improductive, son intervention est passée carrément à côté d’une explication franche et argumentée d’une telle nécessité si, bien sûr, celle-ci existerait. Ce qui, du moins de notre point de vue, n’est pas évident. Et pour cause! A l’heure d’aujourd’hui, l’Algérie n’est pas prête à une telle aventure caractérisée par un saut dans le vide.

La réalité est que l’instauration de l’économie de marché n’a pas produit le plus attendu, ni impulsé et dynamisé un marché national qui a vu, en revanche, la montée en puissance de groupes informels mafieux qui ont fait main basse sur de vastes secteurs de l’économie nationale accaparant des secteurs-clés, souvent stratégiques. Mafia de la sardine, mafia du rond à béton, mafia du ciment, mafia du médicament… La liste n’est pas exhaustive tant les groupes organisés et mafieux ont mis en coupe réglée plusieurs secteurs de l’économie nationale.

Du monopole de l’Etat au laisser-faire, l’économie nationale a ainsi effectué un virage à 180°. De fait, l’économie de marché a donné lieu à une véritable mascarade où n’importe qui pouvait se bombarder «homme d’affaires».

En fait, des groupes mafieux ont rétabli à leur profit le monopole du commerce. C’est dans cette atmosphère de déliquescence de l’économie et du commerce nationaux que l’Algérie travaille, voire oeuvre pour rejoindre l’Organisation mondiale du commerce quand rien ne prédispose le pays à faire ce saut qualitatif.

D’ailleurs, les Accords d’association entre l’Algérie et l’Union européenne – avec tout ce qu’ils ont eu de négatif sur l’économie du pays – sont l’exemple type de ce qu’il ne faut pas faire et auraient dû freiner des ardeurs quelque peu intempestives.

En fait, l’adhésion de l’Algérie à l’OMC prépare le pays à un saut sans filet. En effet, s’il y avait à déplorer le chaos qui est celui du commerce national – l’Etat est incapable de contrôler les importations «Taiwan» qui inondent le pays de tout les résidus et de ce qui est contrefait dans le monde – que dire de la jungle qui caractérise le commerce international où nos «hommes d’affaires» auront vite fait de se casser les dents dans leur confrontation avec des requins qui y font la loi.

Or, actuellement, des pans entiers de l’économie sont livrés au commerce informel, aucun texte de loi ne protège, par ailleurs, la production nationale qui a gravement reculé lors de la dernière décennie. En fait, on a assisté ces dernières années au démantèlement du tissu industriel national dont ne subsistent que quelques entreprises publiques désormais confrontées à la rude concurrence des géants des secteurs où elles activent.

Que peut, en effet, l’Enmtp (matériaux de travaux publics) contre les géants américain Caterpillar et britannique JCB, déjà (bien) installés dans le pays? De fait, plusieurs unités industrielles, désarmées, ont dû procéder à de sévères dégraissages pour survivre, quand nombreuses sont celles qui ont tout simplement été contraintes à mettre la clé sous le paillasson.

Ainsi, une économie de marché mal comprise, mal gérée – avec des textes inappropriés ou mal appliqués – a généré une déstructuration du commerce national, livré à des mafieux de tout acabit.

Cette impréparation de l’Algérie à l’économie de marché a induit une montée en puissance du marché informel où les «barons» de «l’inport-import» se sont taillés de véritables empires faisant main basse sur d’importants secteurs de l’économie qui échappent au contrôle de l’Etat. Mais, surtout, ces commerces qui amassent des fortunes n’en font pas profiter le pays. L’Algérie est en fait perdante sur tous les plans.

Qu’en sera-t-il, en effet, lorsque les vannes du commerce international seront ouvertes? Notre économie en général, notre industrie et notre agriculture en particulier sont-elles concurrentielles et fortes pour résister à l’arrivée des géants de l’économie mondiale aguerris et toutes voiles dehors? Ceux qui travaillent pour l’adhésion à l’OMC y ont-ils sérieusement réfléchi? Aussi, réduire les opposants à cette adhésion – dont les lendemains restent incertains – à des restes de communisme, c’est quelque part démagogique et frise l’infantilisme.

Sait-on que des localités du pays sont devenues des hauts lieux du marché informel au détriment de la production nationale, d’une part, du Trésor public, d’autre part? Ces «importateurs» ne payent, par ailleurs, aucune redevance (cf. l’affaire dite de Bir El Ater à Tébessa qui a défrayé la chronique au début des années 2000).

Ces faux commerçants qui brassent des milliards n’en retournent aucun centime à l’Etat et n’en investissent pas davantage dans des activités légales. Ce qui alarma, à juste titre, à l’époque, le gouverneur de la Banque d’Algérie qui notifia aux banques primaires le-blocage de toute opération de domiciliation bancaire à l’encontre des importateurs inscrits sur le registre du commerce (Cnrc).

L’existence de la majorité de ces importateurs n’était d’ailleurs pas confirmée, alors que nombre d’entre ceux qui n’ont pu être localisés, sont fictifs, voire servent d’écran.

La situation a-t-elle évolué depuis, alors que les trottoirs de nos grandes et petites villes sont inondés de produits de contrefaçon, y compris alimentaires et/ou cosmétiques – souvent périmés – dangereux pour la population? Il est permis d’en douter avec l’apparition de la mafia dans des secteurs-clés de l’économie nationale en sus de la propagation de la corruption qui a pris ces dernières années les dimensions de calamité nationale.

Effectivement, quelque part, l’Etat a négligé de jouer pleinement son rôle. Trop d’Etat étouffe l’économie, pas d’Etat dénature l’économie. Un faux dilemme en vérité, du fait que l’Etat a renoncé à son rôle de régulateur (l’Etat est responsable de la stabilité économique du pays) quand ce sont certains commis de l’Etat, indélicats, qui se sont appropriés des secteurs-clés du commerce, brassant des milliards qui échappent au contrôle du fisc. Cela explique quelque part le désastre de l’économie et du commerce en Algérie.

Comment, dès lors, peut-on mettre sur la table une adhésion à l’OMC qui n’a pas lieu d’être avant que le marché algérien ne soit assaini et que les règles universelles du commerce ne lui soit pleine- ment appliquées et respectées.

Procéder autrement, c’est mettre la charrue avant les boeufs, démarche propice, outre de désorganiser davantage le marché algérien, à livrer le pays pieds et poings liés aux ténors du commerce international réduisant à néant tout ce que le pays a entrepris depuis l’indépendance pour booster le développement agroalimentaire et industriel.

L’ouverture du marché national aux multinationales balayera, comme un fétu de paille, tout cela. Au bénéfice de qui? Telle est la bonne question.