L’Algérie fait partie des 24 pays qui sont encore en négociation pour leur accession à l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). À peine installé, le Ministre du Commerce, Amara Benyounès, a déclaré qu’il fera de cette question «sa priorité», dans le cadre des orientations du président de la République, lequel veut une accession qui «tienne compte des intérêts de l’économie algérienne».
En fait, la première demande formulée par l’Algérie date du juin 1987 et dans le cadre des négociations pour l’adhésion au GATT, transféré par la suite à l’OMC. Le premier aide-mémoire a été proposé au groupe du travail en juillet 1996. À cette époque, suite à la crise de la dette extérieure, l’Algérie était sous les Plans d’Ajustements Structurels (PAS) qu’avaient imposés le FMI et la Banque Mondiale. Et le passage du GATT à l’OMC a induit de nouvelles mesures plus importantes et plus complexes par rapport à celles de 1987. Au final, la demande d’adhésion n’avait pas trouvée un écho favorable à cette époque. En 1995 ce Groupe de travail du GATT a été transformé en Groupe de travail de l’OMC chargé de l’accession de l’Algérie. Il a tenu sa première réunion en avril 1998. Le mandat du Groupe de travail est de présenter un rapport sur ses travaux, un protocole d’accession ainsi qu’un projet de décision d’accession à l’organe de décision qui est la Conférence Ministérielle. La présidence du Groupe de travail de l’OMC a été assurée, d’abord par Son excellence, Monsieur Sanchez ARNAU, Ambassadeur de l’Argentine (1994 –1998) et par la suite par les Ambassadeurs de l’Uruguay, son Excellence Carlos Perez DEL CASTILLO (1998-2004) et son Excellence Guillermo VALLES (2004-2010). Il est présidé depuis novembre 2011 par son Excellence, Monsieur François ROUX, Ambassadeur de Belgique, il est présidé actuellement par l’Ambassadeur d’Argentine Monsieur Alberto Dialoto.
Plus de 40 pays Membres de l’OMC participent aux travaux de ce groupe. Depuis son institution en 1995, le Groupe de travail de l’OMC chargé de l’accession de l’Algérie a tenu 10 réunions formelles et deux réunions informelles dont la dernière s’est déroulée le 30 mars 2012. À ces occasions, il a procédé à l’examen du régime du commerce de l’Algérie. Son premier projet de Rapport a été élaboré en 2006 et a été révisé en 2008. La dernière révision du projet de Rapport sera distribuée à l’occasion de la 11ème réunion. La prochaine réunion du groupe de travail examinera, concomitamment avec le projet de Rapport révisée, les réponses de l’Algérie aux questions additionnelles des Membre ainsi que la progression des mises en conformité du régime du commerce algérien et des négociations bilatérales sur les consolidations tarifaires et les engagements spécifiques sur le commerce des services. L’examen du régime du commerce algérien se poursuit en ce qui concerne le régime des licences d’importation, les obstacles techniques au commerce, la mise en œuvre des mesures sanitaires et phytosanitaires, l’application des taxes intérieures, les entreprises publiques et les privatisations, les subventions et certains aspects de protection des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce. Une vingtaine de projets de paragraphes d’engagements sur les questions systémiques sont en cours de discussion. Quant aux négociations bilatérales elles se poursuivent avec 13 pays. Avec plus de la moitié de ces pays des progressions notables sont enregistrées. Par ailleurs, six accords bilatéraux ont été finalisés (Cuba, Venezuela, Brésil, Uruguay, Suisse et Argentine). Lors de la première disposition de mémorandum d’association de 1996, l’Algérie s’est engagée essentiellement à : 1) la diversification des échanges ; 2) le relèvement du niveau général de compétitivité du secteur des fabrications industrielles ; 3) la maîtrise et le contrôle des importations de produits agro-alimentaires. Cependant, l’activité économique et le commerce extérieur de l’Algérie n’avaient pas trop changé. L’économie algérienne est restée très dépendante du secteur des hydrocarbures sans une diversification du tissu économique. En 2002, l’Algérie disposait un deuxième mémorandum d’association avec un petit avantage liée à sa balance des paiements qui commence à retrouver des signes de bonne santé, grâce à la manne du pétrole induite par la hausse de ce dernier sur le marché mondial. L’Algérie avait signé aussi un accord d’association avec l’Union Européenne, qui reste son premier partenaire économique, plus 55% des importations et 55% des exportations en 2012 (selon l’OMC). « Dans un monde globalisé, l’Algérie ne peut pas rester en marge », estiment les pro-OMC.
Avec moins de 0,5% des échanges globaux, le profil commercial de l’Algérie ne pèse pas grand-chose dans les échanges mondiaux. L’OMC permettant une libéralisation des échanges et une levée des barrières en la matière, les pays entrants doivent théoriquement pouvoir bénéficier des avantages offerts. Baisse des coûts de l’importation des intrants et biens intermédiaires, amélioration des capacités productrices et de compétitivité des entreprises, diversification de l’offre de biens et services, participation à l’élaboration des règles d’échanges internationaux, booster les réformes, etc. sont autant d’atouts que l’Algérie pourrait tirer d’une accession à l’OMC. S’il y a une chose sûre et évidente que partagent nos politiques en ce moment, alors c’est bien la nécessité de l’adhésion de l’Algérie à l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Le nouveau ministre du Commerce, A. Benyounès, a mis en clair le fait que c’est le chef de l’État qui lui a consigné cette tâche, tout en insistant sur son caractère urgent. Selon cette nouvelle « sagesse conventionnelle », l’adhésion doit se faire coûte que coûte, afin de mettre l’Algérie sur les rails du développement économique ! Étroitesse de vue ou d’esprit ? En tout cas, cette adhésion à l’OMC semble être une évidence pour certains et une condition sine qua non pour d’autres. Pour certains opérateurs économiques, l’OMC offre la «possibilité d’accéder à certains marchés qui n’acceptent pas le produit algérien, ainsi que la certification et l’accès aux normes», estime Tayeb Ezzraïmi, PDG du groupe SIM. Déjà exportateur dans plus de 25 pays, il considère que l’OMC peut «multiplier les chances d’exporter, mais cela peut aussi se faire sans elle», car si avantages il y a, il existe aussi beaucoup «d’inconvénients». Pour répondre aux exigences des membres de l’OMC, l’Algérie a entamé une procédure de déréglementation et de privatisation, notamment dans le secteur des télécommunications et des énergies. La plus importante a été le projet de loi que voulait faire passer l’ex-ministre des Mines et des Énergies, Chakib Khelil. Donnant la priorité à la valorisation des hydrocarbures par l’attrait des firmes les plus compétitives, il ôte de fait à la Sonatrach tous ses privilèges sur le marché domestique et l’expose à la concurrence directe des compagnies étrangères. Le projet n’a pas été approuvé et cela n’a pas plu aux partenaires étrangers, notamment les USA qui attendaient beaucoup de cette déréglementation du marché des énergies en Algérie afin d’entrer en force, sinon de consolider davantage la position de leurs firmes. Il est intéressant, voire primordial, de rappeler qu’en matières de barrières aux échanges, l’Algérie, à l’instar des pays exportateurs des hydrocarbures, n’est pas trop affectée par des barrières sur ses exportations. Donc, les négociations avec le groupe du travail de l’OMC seront portées sur les barrières à ses importations.
En effet, les membres de l’OMC reprochent, entre autre, à l’Algérie les barrières non tarières (non douanières) qu’elle pratique à l’égard des produits importés. Parmi les dossiers qui font obstacle à l’adhésion de l’Algérie à l’OMC, nous trouvons celui lié à l’importation des produits pharmaceutiques. Il y avait aussi l’interdiction de l’importation des boissons alcooliques, mais retirée par la suite. En conséquence, l’Algérie est devenue un grand importateur et consommateur des boissons alcooliques. Selon l’expert économiste le docteur Abderrahmane Mebtoul, les États-Unis d’Amérique et l’Europe principaux partenaires commerciaux de l’Algérie font obstacles à son adhésion à l’Organisation mondiale du Commerce sous prétexte fondamentalement qu’elle reste encore une économie administrée. C’est également dans cet esprit suite aux décisions du gouvernement algérien courant 2009 de donner 51 % du capital aux algériens dans tout projet d’investissement et 30 % dans les sociétés d’import étrangères avec un effet rétroactif , ce qui serait contraire au droit international, qui explique la réaction européenne de Catherine Ashton, commissaire européenne au commerce extérieur qui a demandé l’annulation de ces directives récemment dans une correspondance officielle adressée au gouvernement algérien , invoquant que l’Algérie aurait violé les articles 32, 37, 39 et 54 de cet Accord. D’ailleurs auparavant, les ambassadeurs des États-Unis d’Amérique et d’Allemagne à Alger abordaient dans le même sens, soulignant l’instabilité juridique et le manque de clarté dans les nouvelles dispositions du gouvernement algérien.
Par ailleurs, dira Mebtoul, aucun pays n’a obligé l’Algérie à signer cet accord, comme personne ne l’oblige à adhérer à l’OMC, Accord signé en toute souveraineté par le gouvernement et ayant des implications fondamentales. » Et si l’Europe ouvre son marché à l’Algérie, qu’exportera l’Algérie en dehors des hydrocarbures à l’état brut ou semi-brut du fait du dépérissement de son tissu industriel ? » s’interroge-t-il. Certes, les inquiétudes étant légitimes car les baisses tarifaires sont un manque à gagner variant entre 1,1 et 1,5 milliard de dollars annuellement pour l’Algérie. Mais invoquer la situation mono-exportatrice de l’Algérie, ne tient pas la route, la majorité des pays de l’OPEP étant membres de l’OMC dont le dernier en date étant l’Arabie Saoudite. Aussi, » il n’y aura de spécificité pour l’Algérie et selon nos informations auprès de la CEE, pas de renégociations des clauses fondamentales avec l’Europe, ni de spécificité également pour l’adhésion à l’OMC, peut-être, une prolongation de délais selon le même Accord contrairement à ce qui a été avancé par certains officiels algériens » a-t-il fait remarquer. Alors pourquoi ce blocage à l’investissement utile en Algérie ? se demande-t-il encore. Après analyse, M. Mebtoul, estime fermement que pour bénéficier des effets positifs de l’Accord avec l’Europe que d’une éventuelle adhésion à l’OMC,(sinon les effets pervers l’emporteront) qu’il faille faire d’abord le ménage au sein de l’économie algérienne et que ce sont les freins à la réforme globale du fait de déplacement des segments de pouvoir (les gagnants de demain n’étant pas ceux d’aujourd’hui) qui explique le dépérissement du tissu productif. M. Mebtoul explique que toute analyse opérationnelle devra relier l’avancée ou le frein aux réformes en analysant les stratégies des différentes forces sociales en présence, la politique gouvernementale se trouvant ballottée entre deux forces sociales antagoniques, la logique rentière épaulé, par les tenants de l’import (13.000 mais en réalité seulement 100 contrôlant plus de 80% du total) et de la sphère informelle malheureusement dominante, et la logique entrepreneuriale minoritaire. Cela explique, selon l’expert, que l’Algérie est dans cette interminable transition depuis 1986, ni économie de marché, ni économie administrée, expliquant les difficultés de la régulation, l’avancée des réformes étant inversement proportionnelle au cours du pétrole et du cours du dollar, les réformes depuis 1986 étant bloquées ou timidement faites avec incohérence lorsque que le cours s’élève.
M. Mebtoul met l’accent sur l’aspect sécuritaire qui, s’étant nettement amélioré, l’ Algérie doit créer suggère-t-il des conditions favorables au développement en levant les contraintes d’environnement devant favoriser l’épanouissement de l’entreprise seule source de création de richesses permanentes, et son fondement la valorisation du savoir renvoyant à l’urgence d’une gouvernance rénovée donc à la refonte de l’État dont les fonctions nouvelles tenant compte d’une économie ouverte ne peuvent être celles d’un État jacobin ( centralisation bureaucratique), impliquant une participation plus citoyenne au sein d’un État de droit. De toute manière conclut M. Mebtoul, avec ces conflits, l’adhésion à l’Organisation Mondiale du Commerce pour l’Algérie n’est pas pour demain.
Salim