Actualité tourmentée des pays arabes,Temps difficiles pour la Ligue arabe

Actualité tourmentée des pays arabes,Temps difficiles pour la Ligue arabe

Nabil al-Arabi, énième secrétaire général de la Ligue arabe, perpétuant la mainmise de l’Egypte sur l’organisation panarabe

Depuis décembre 2010, les pays arabes vivent à un rythme accéléré. Tunisie, Egypte, Libye, Yémen et Syrie passent par une période des plus difficiles. Cinq pays, c’est presque le quart des membres de la Ligue arabe qui en compte 22. Pour les amateurs de chiffres précis, cela fait exactement 22,79% des pays membres qui subissent des temps durs.

Lorsque la révolution tunisienne éclata, l’éternel secrétaire général de la Ligue arabe d’alors, Amr Mussa profita de l’ouverture d’un sommet économique de la Ligue à Charm El Cheikh en Egypte, pour dire ce qu’il pensait: «Les citoyens arabes sont dans un état sans précédent de colère et de frustration» avait-il balancé avant d’ajouter que «l’âme arabe est détruite par la pauvreté, le chômage et la récession». Ensuite, il avait lancé une phrase qu’on pourrait qualifier de prémonitoire: «La révolution tunisienne, dit-il, n’est pas loin de nous». C’était le 19 janvier 2011. Depuis beaucoup d’eau a coulé sous les ponts arabes et beaucoup de sang a coulé dans leurs avaloirs.

L’Egypte, un des pays fondateurs de la Ligue et dont la capitale a presque toujours abrité le siège de l’organisation arabe, a connu et continue de connaître des bouleversements politiques et sociaux avec des conséquences économiques majeures; la Syrie est rongée par une interminable guerre, la Tunisie (encore la Tunisie!) risque l’explosion; la Libye, presque entièrement détruite, court vers la scission et vers des jours difficiles alors que le Yémen peine à retrouver ses marques. Cependant, que fait la Ligue arabe?

Après avoir balancé un communiqué dans lequel elle a rendu hommage à l’armée et «exprimé ses condoléances et sa sympathie au peuple égyptien et aux familles des victimes», et après avoir tenu à préciser «son entière disponibilité à se tenir aux côtés de l’Egypte et de son peuple» dans ces moment difficiles, la Ligue s’est contenté de saluer «les mesures prises par le gouvernement égyptien émanant de sa souveraineté, pour faire face à la situation grave, et assumer ses responsabilités pour assurer la sécurité et la stabilité de la patrie». Elle a aussi «lancé un appel à tous les partis politiques égyptiens à poursuivre le dialogue pacifique pour résoudre cette crise…» tout comme elle a appelé «tous les pays arabes à incarner l’esprit de solidarité arabe et à se tenir aux côtés de l’Egypte…».

En relation avec la guerre de Syrie, autre pays fondateur, la Ligue a constitué, dès le début, une mission d’observateurs qu’elle a envoyés sur le terrain, elle a pris attache avec le Conseil de sécurité, elle a exclu le régime d’El Assad et octroyé son siège à l’opposition syrienne. Elle a appelé, à plusieurs reprises, l’ONU à vérifier l’utilisation d’armes chimiques et elle a condamné, par la voix de son actuel secrétaire général, Nabil El Araby, l’implication du Hezbollah dans la guerre syrienne, tout comme elle a dénoncé, par ailleurs, l’axe Damas-Téhéran.

Pour le problème tunisien qui perdure jusqu’à aujourd’hui et qui se fait de plus en plus menaçant, la Ligue arabe ne semble pas inquiète outre mesure. Elle n’a eu ni n’a aucune activité particulière. Il en est de même pour la question yéménite. En gros, et à part quelques déclarations ou mouvements sporadiques, la Ligue arabe mène un train – son train- de vie habituel. Est-ce normal? Quel est donc le rôle de cette Ligue?

Le texte constitutif de la Ligue Arabe est ce qu’on appelle le Protocole d’Alexandrie daté du 25 septembre 1944. Néanmoins ce n’est que 6 mois plus tard (22 mars 1945) qu’est réellement fondée la Ligue après approbation par les 7 pays fondateurs qui sont l’Arabie Saoudite, la Transjordanie (aujourd’hui Jordanie), la Syrie, l’Irak, le Liban, l’Egypte et le Yémen. Par la suite, et au fur et à mesure de la décolonisation étaient venus y adhérer les autres pays dont le nombre actuellement est de 22 pays.

En 68 ans d’existence (de 1945 à 2013), la Ligue arabe a eu seulement sept secrétaires généraux, dont 6 égyptiens (le Tunisien Chadli Klibi a été désigné lorsque le siège avait été transféré en Tunisie). Elle a tenu en tout 32 sommets dont 12 (plus du 1/3) sont des sommets d’urgence. C’est une organisation qui regroupe les pays arabes et dont l’objectif est de «renforcer les relations politiques, économiques et culturelles entre les pays membres, mais aussi de jouer le rôle de médiateur en cas de conflit»(1).

Toutefois, et dès le départ, la Ligue a éprouvé beaucoup de difficultés à jouer son rôle et à réaliser son objectif. A la base de ces difficultés, il y a toujours eu des divergences de points de vue et des différences d’appréciation. Aussi, a-t-il toujours été question de réformes au sein de la Ligue arabe, comme le soulignait, très tôt (en 1968 déjà!), Boutros Boutros-Ghali, alors professeur à la Faculté des sciences économiques et politiques de l’Université du Caire et directeur du Département des sciences politiques: «La réforme de la Ligue est le grand thème qui souvent a enthousiasmé les élites arabes et leur a donné l’espoir de lendemains meilleurs.» Malheureusement, déchirée par ses divergences, la Ligue arabe qui n’a pas pu mener à termes ses réformes, a fini par être souvent «accusée de faire obstacle à l’unité arabe, au lieu d’oeuvrer pour elle»(2).

On se souvient encore de ce sommet tenu à Alger en 2005 et qui a failli ne pas avoir lieu à cause d’un point de… l’ordre du jour. Alger voulait poser la question du secrétariat général tournant au lieu d’un secrétariat général, toujours égyptien, ce que l’Egypte, bien sûr, mais d’autres pays aussi, refusèrent.

Il ne fait pas de doute que la Ligue détient une place importante dans le Monde arabe, et que, ainsi que le font remarquer certains observateurs, les problèmes et difficultés auxquels fait face cette Ligue «sont davantage liés aux vicissitudes des relations interarabes qu’au fonctionnement de la Ligue». Elles sont «le reflet des divisons du Monde arabe, elles ne remettent pas en cause l’organisation elle-même»(3). Néanmoins, l’actualité de plus en plus tourmentée du Monde arabe fait passer la Ligue arabe par des moments difficiles. Très difficiles.

A côté de cette organisation, se sont développées d’autres organisations arabes, régionales celles-là, dont certaines ont bien réussi à progresser (tel le Conseil des Pays du Golfe avec ses différentes instances) alors que d’autres ne cessent de s’enfoncer dans la poussière de l’oubli et n’arrivent toujours pas à se sortir du sable mouvant de la défection (comme l’Union du Maghreb Arabe, par exemple)..

Les réformes sans cesse repoussées

Ordre Nom du secrétaire général

Nationalité

Durée Période Siège de

l’organisation

1 Abderrahmane Hassane Azzam Egypte

7 ans 1945-1952 Le Caire

2 Mohammed Abdul Khalek Hassouna

Egypte

20 ans

1952-1972

Le Caire

3 Mahmoud Riad

Egypte

7 ans 1972-1979

Le Caire

4 Chadli Klibi Tunisie 11 ans

1979-1990

Le Caire

5 Ahmed Ismat Abdel Magid

Egypte 10 ans

1991-2001

Le Caire

6 Amr Moussa

Egypte 10 ans

2001-2011

Le Caire

7 Nabil El Araby Egypte Actuel Depuis 2011 Le Caire

1.//www.lefigaro.fr/international/2011/11/15/01003-20111115ARTFIG00613-quel-pouvoir-a-la-ligue-arabe.php

2.Boutros Boutros-Ghali, «La crise de la Ligue Arabe», in Annuaire français de droit international, volume 14, Paris, 1968,p.131.

3.Id. p.131.

4.//agora.qc.ca/dossiers/Ligue_arabe