Activités de soins à risque infectieux : Que faire des déchets ?

Activités de soins à risque infectieux : Que faire des déchets ?

Sans schéma précis, ni directives proposant des alternatives, la gestion des activités de soins à risque infectieux (Daseri) flotte au gré des jours et des circonstances.

Laboratoires d’analyses, hôpitaux, jusqu’aux cabinets dentaires ou vétérinaires, chacun de ces lieux de soins génèrent des quantités énormes de détritus qui s’évanouissent dans la nature. Nos déchets médicaux subissent pratiquement le même sort que les ordures qui sortent de nos maisons.

Si l’Association nationale des laboratoires d’analyses médicales et le Syndicat national des pharmaciens d’officines ont multiplié, ces dernières années, les démarches auprès des autorités compétentes pour régler le problème des déchets d’activités de soins pour l’un et les médicaments périmés pour le deuxième, rares sont les producteurs de DASERI qui se sentent responsables de cette situation qui se traduit sur le terrain par une absence de matériel adapté pour l’élimination de ces déchets médicaux, par l’absence de consommables répondant aux normes et donc par une non-application de protocole.

À commencer par les hôpitaux publics. Le ministère de la Santé et de la Population s’est préoccupé dès 2006 du problème, en lançant une enquête nationale sur les filières de déchets d’activités de soins, chapeautée par le professeur Soukehal, chef de service épidémiologie et prévention du CHU Béni Messous.

Les investigations du professeur et de son équipe constituée d’inspecteurs de la santé notamment a révélé que dans 42% des services, le stockage des déchets de soins se fait dans les salles de soins, dans d’autres services dans les sanitaires, sur le rebord des fenêtres, derrière la porte ou sous l’escalier.

Une anarchie règne dans le domaine. Dans 68% de nos hôpitaux, le personnel travaille à mains nues.

La plupart disposent d’un incinérateur installé dans l’enceinte même de la structure, complètement dépassé et hors normes européennes.

Il faut savoir que des incinérateurs à l’intérieur de l’hôpital sont bannis dans la majorité des pays dans le monde, notamment parce qu’ils ne fonctionnent pas correctement, dans des conditions techniques et économiques acceptables, à cause du traitement discontinu, de températures trop basses et de l’absence de traitement des fumées ou d’un entretien défaillant. Les spécialistes recommandent d’installer l’incinérateur extra-muros de la structure hospitalière.

Dans notre pays, 30 établissements des

95 concernés par l’enquête ont un incinérateur à l’intérieur et 65 un “brûleur”.

La plupart ne sont pas en état de fonctionnement. 45% d’entre eux sont carrément en panne. Plus de la moitié des incinérateurs et des brûleurs n’ont pas d’indicateur de température visible. La filière d’élimination des déchets d’activités de soins n’est ni organisée ni structurée, ni sécurisée dans l’ensemble de nos établissements hospitaliers.

Toutes les actions menées jusque-là se sont avérées défaillantes, obsolètes. Les hôpitaux qui disposent d’un incinérateur, — souvent non conforme aux normes — n’acceptent que rarement de prendre en charge les déchets des laboratoires ou des cliniques privées.

Quant aux différentes Directions de l’environnement de wilaya, elles considèrent que leur travail se limite à constater les infractions. Tout individu surpris en train de jeter ses Daseri dans des décharges publiques et sauvages est immédiatement placé sous mandat de dépôt.

Il existe, en fait, un plan national de gestion de déchets spéciaux qui fait obligation de ne pas les jeter dans la décharge publique mais ne propose aucune autre alternative. Récemment, il y a eu une légère prise de conscience aussi bien de la part du ministère de l’Environnement et de l’Aménagement du territoire que celui de la Santé et de la Population.

Ce dernier a émis une instruction le 04/08/2008 qui instaure l’obligation de prendre en charge la gestion des déchets d’activités de soins par les établissements de santé.

Elle définit le tri, le stockage et le traitement des déchets d’activités de soins, parle des emballages qui doivent être aux normes européennes et insiste sur le fait que le traitement des Daseri, doit être écologique en préférant la banalisation à l’incinération in situ qui est très dangereuse pour l’homme et l’environnement. Toutefois, la concrétisation des mesures contenues dans cette instruction tardent à se faire sentir sur le terrain.

Ce regain d’intérêt s’est également matérialisé par l’achat de quelques équipements mais seule une étude d’impact peut nous renseigner sur leur fiabilité et sur le changement de comportement sur cette gestion.

L’Association nationale des laboratoires d’analyses propose une politique d’élimination des déchets clairement élaborée prévoyant des assiettes de terrain prévues à l’effet de l’incinération dans chaque wilaya et la construction par l’État des usines d’incinération tout en ouvrant ce créneau aux investisseurs privés.

Ces démarches dans ce sens, auprès aussi bien du ministère de la Santé et de la Population, que celui de l’Environnement et l’Aménagement du territoire sont restées lettre morte.

Beaucoup de jeunes promoteurs se sont lancés dans l’aventure de création de petites sociétés pour la prise en charge des Daseri, en optant pour la technique de l’autoclavage-broyage. Cette méthode, non polluante et nécessitant un matériel qui peut être placé n’importe où, suppose un investissement moins lourd que l’incinération.

Seulement ceux qui ont osé franchir ce pas ont rencontré moult tracasseries administratives à commencer par la non-délivrance de l’agrément, les obligeant à mettre la clé sous le paillasson. En Algérie, ce type d’appareils est homologué par le ministère de la Santé et de la Population mais non par le ministère de l’Environnement et l’Aménagement du territoire.

Force est de laisser le dernier mot au président de l’Association des laboratoires d’analyses médicales, M. Ould Rouis : “Si rien n’est fait ni pensé aujourd’hui, demain ce sera dramatique car, si nous n’avons parlé que des déchets à risque infectieux, que dire des déchets chimiques (industriels surtout) s’ils sont gérés avec autant de désinvolture par le ministère de l’Environnement ?”

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Nissa Hammadi