Activité politique en Algérie : tous les partis sont des FLN

Activité politique en Algérie : tous les partis sont des FLN

« Celui qui ne risque pas de donner un coup de tête à son chef dans notre parti est un militant à ne pas trop prendre au sérieux. » Ali Benflis

Les partis ont tous hérité des pratiques du FLN.

Le problème du FLN n’est pas ce que représente Abdeaziz Belkhadem dans la valeur pondéral du parti, que toute la planète sait qu’il appartenait à l’origine à tous les Algériens qui ont accueilli avec grand bonheur l’Indépendance en 1962, ni à ce que peuvent fomenter ses plus anciens adhérents, qui étaient FLN avant le cessez-le-feu, du genre Goudjil, Bouhara, par exemple, ou Hadjar qui a eu la tâche d’orchestrer le déboulonnage de Abdelhamid Mehri que Dieu seul sait pour quel redéploiement, il n’est pas aussi le « retour de manivelle » d’un parti longtemps dans la majorité, son problème c’est un problème de parti unique.

De tout et partout dans cette formation, toutes les structures, organiques ou fonctionnelles, sont des structures de parti unique : des chefs et des militants qui acclament et applaudissent. Chaque membre exécutant dans sa crise individuelle attendant de son parti un avantage pour son confort et celui de ses proches, partout dans les villes, les villages, les bourgades et les lieux-dits. Ce n’est que l’image de l’Algérie qui s’habille de l’uniforme de la démocratie mais qui se laisse régenter par un pouvoir solitaire, traduit sur le terrain par des gouvernances qui possèdent les références politiques puisées nulle part ailleurs que dans les rouages de l’Administration, de la municipalité à l’Etat.

Tant est que pour un observateur qui désire comprendre le fonctionnement de l’Algérie il lui suffit de saisir ce qui se passe au sein de ce parti. Il verra certainement, entre autres systèmes de valeurs internes, que la compétence et les bagages intellectuels comme unités de critères pour l’accès aux rôles n’ont aucune importance s’il y a un appui quelque part dans les vertus bureaucratiques. Je me rappelle pendant la période de la nationalisation des terres et du tout arabisation, Abdelkader Hadjar, au Clairval du côté de Chevalley à Alger, qui était moniteur d’éducation mais qui se trouvait plus influent dans la circonscription administrative qu’un médecin riverain réputé non affilé au parti contrairement à l’auxiliaire d’enseignement qui était dans la kasma d’El Biar.

Quarante ans après, des centaines comme lui – beaucoup ont profité d’une conjoncture tragique pour les citoyens pour aller se « rebobiner » au RND – triomphent au niveau des instances décisionnelles dans les appareils de l’Etat qu’ils modèlent selon les schémas d’hégémonie de groupes actant dans les instances du parti.

Mais attention, il faut se garder de penser que ce qui se passe dans les autres formations – il n’est pas nécessaire d’ajouter le qualificatif « politique » parce que ce concept est à naître en Algérie pour remplacer celui de la « bureaucratique » – n’y est pas presque similaire, que les modalités de fonctionnement ne sont pas de type d’une tête avec un leader face à des enthousiasmés ou faisant semblant de l’être afin de s’accrocher à des avantages projetés. Si bien que dans ce domaine de l’activité sociale dans les affaires, en culture, en économie et en finances, on peut ne pas se tromper en disant que le FLN est une sacrée école. Que l’on s’appelle Ouyahia, Soltani, Menasria, Djaballah, Aït Ahmed, Touati, Benyounes, Bahbouh ou de n’importe quel patronyme à la tête de quelque parti, on est à la tête d’une formation qui ne sait pas ce qu’elle doit faire, qui ne sait pas ce qu’elle peut, ce qu’elle vaut et ce qu’elle mérite, elle sait seulement qu’elle veut être parmi les décideurs dans le pays.

On est des Belkhadem en puissance parce que la société algérienne depuis la famille et l’école jusqu’aux regroupements civils, le citoyen algérien en tant qu’acteur social n’a reçu aucune éducation politique. On a lu un texte en arabe littéraire lors d’une visite de travail de Houari Boumediene à Tiaret et dans la semaine on est embarqué dans le Cabinet présidentiel et hop ! on devient un homme politique, avec un peu plus tard un solide carreau dans le prestige partisan. On a été ministre par le passé récent, on a beaucoup d’argent, on fait un montage technico-commercial et alapapap ! on fait un partie et sans attendre que la mémoire des contribuables assimile au moins le nom de la formation, on fonce tambour battant dans la bataille électorale.

Sans vouloir plaisanter, le lendemain de la déclaration du ministre de l’Intérieur, Dahou Ould Kabila, il y a moins de deux mois lorsqu’il disait faire le nécessaire pour faciliter l’agrément des nouveaux partis, je reçois un appel téléphonique d’une relation me demandant « en tant que journaliste connaissant les bonnes gens » de voir pour lui des amis afin de compléter une liste de membres fondateurs pour un parti politique en vue de la consultation de mai prochain. Autrement dit, en langage clair, ce citoyen est capable de fonder un parti avec des individus dont il n’a jamais entendu parler. Pour lui, l’essentiel est d’aller vers le pouvoir sans chercher à essayer de savoir si dans le chemin pour l’avoir il ne lui faut pas des capacités particulières de morale et de bonnes intentions.

Cet aventurier qui n’est pas dupe, sachant de quoi il en ressort dans les autres formations auxquelles il compte faire concurrence, Belkhadem, Hadjar ou un tout autre ressortissant algérien, même binational, parce qu’il n’ignore pas qu’il n’est pas loin de la situation éthique dans laquelle sont ou seront demain les partis qui tentent de se greffer au régime.

Car au regard de ce régime, ce parti-là à la recherche de membres fondateurs et la formation de Abdelaziz Belkhadem, que ses pairs limogent ou non, est de la même consistance, s’il ne cherche pas à faire vraiment de la politique. Comme par exemple commencer par organiser une grève générale ou une marche interminable pour protester contre les libertés confisquées et contre le dinar qui ne nourrit pas la majorité des citoyens. Mais qui ne leur donne pas surtout les moyens de savoir produire des richesses.

Nadir Bacha