Achiou «Ce n’est pas Saâdane qui a qualifié l’Algérie au Mondial !»

Achiou «Ce n’est pas Saâdane  qui a qualifié l’Algérie au Mondial !»

Chassé de l’USM Alger comme un malpropre, Hocine Achiou a rebondi à l’ASO Chlef où il a été accueilli à bras ouverts. Dans ce long entretien, il revient sur cet épisode de sa carrière, mais aussi sur les problèmes qu’il a vécus en sélection nationale, faisant des révélations fracassantes sur certaines pratiques qui se sont passés chez les Verts.

Avec du recul, ne pensez-vous pas que vous êtes passé à côté d’une carrière professionnelle intéressante, du moins plus intéressante que le passage que vous avez effectué en Suisse ?

Je pense que le plus grand problème est que je fais partie d’une génération de footballeurs qui a évolué juste après la décennie noire qu’a vécue l’Algérie et qui a été victime d’une image écornée du football algérien. Que ce soit en Coupe du monde ou en Coupe d’Afrique des nations, la sélection nationale se faisait éliminer dès les premiers tours. De ce fait, les joueurs évoluant en Algérie ne suscitaient pas l’intérêt des clubs européens. En dépit de tous ces inconvénients, j’ai participé à de grands matchs en Ligue des champions africaine et aussi à la CAN-2004 en Tunisie où j’ai marqué deux buts décisifs, alors que je n’avais que 24 ans. J’ai eu des offres, mais moitié par fierté, moitié par maladresse, j’ai commis des erreurs. Je parle de la fois où j’avais quitté l’USMA sans avertir le président pour aller effectuer des essais à Sedan. Ce club m’avait proposé un salaire respectable, mais j’ai prétexté des problèmes pour retourner en Algérie, pour la simple raison que je n’étais pas libre. J’ai eu une autre offre du FC Lorient pour un salaire de 5000 euros, qui a été revu à la hausse ensuite pour passer à 7000 euros, mais j’ai plié bagage et je suis rentré à Alger en colère, car je touchais en Algérie plus que ce qu’on me proposait et n’acceptais pas d’être sous-évalué, alors que j’avais le statut d’international. Bref, j’ai eu des offres que j’ai refusées par fierté, mais je l’ai regretté par la suite. Je saisis cette opportunité pour dire aux jeunes joueurs algériens désirant tenter une carrière internationale que la priorité est de mettre les deux pieds dans un club européen et, si on est bon, l’argent viendra après. Pour ma part, je ne regrette pas ce que j’ai perdu car, Dieu merci, j’ai pu quand même découvrir le football professionnel grâce à mon passage au FC Aarau, en Suisse.

Doit-on comprendre par là que vous avez perdu beaucoup ?

Je ne pense pas avoir beaucoup perdu puisque, comme je vous l’ai dit, j’ai pratiqué le professionnalisme en Europe et j’ai bien vu que le niveau là-bas est élevé. C’est pour cela que je conseille aux jeunes footballeurs de ne pas penser uniquement à l’argent. Les clubs professionnels leur permettront de progresser vite. Je le dis en connaissance de cause : en Algérie, nous sommes très loin du vrai professionnalisme. Nous en sommes à 10 000 années lumières ! Le football est un environnement où le footballeur ne doit se concentrer que sur les entraînements et les matchs.

A votre avis, Hilal Soudani et Brahim Boudebouda ont bien fait de partir en Europe ?

Evidemment ! Il y a Boudebouda, Soudani, Yahia-Cherif, sans oublier Hocine Metref qui a joué un peu à Dijon. Je lance donc un appel aux présidents de club pour qu’ils facilitent la tâche à leurs jeunes joueurs pour partir jouer en Europe. L’honneur et le mérite leur reviendront à eux à la fin. Aujourd’hui, un président gagne un titre avec un joueur, demain il aura un autre joueur avec qui il gagnera un titre et ainsi va le football. Certains présidents de club doivent changer de mentalité.

En définitive, regrettez-vous d’être revenu en Algérie ?

Non, car il me fallait rentrer pour fonder une famille. De plus, ma carrière n’est pas terminée. A mon sens, celui qui a les jambes et la motivation peut jouer de nombreuses années. Le jour où il sentira que ses jambes ne supportent plus l’intensité des matches, là il arrêtera.

Beaucoup d’observateurs affirment que vous avez été lésé en sélection nationale puisqu’on ne vous a pas assez donné votre chance lorsque vous étiez au sommet de votre carrière. Partagez-vous leur avis ?

J’ai toujours été lésé en sélection. Si un joueur émigré avait eu la moitié de mon rendement et jouait avec une seule jambe, il aurait été convoqué. C’est une réalité amère que nous avons tous constatée, car on soutenait tous les joueurs, sauf les locaux. Je me rappelle que lorsque je faisais des essais à Lorient, Jean-Michel Cavalli, qui venait d’être désigné sélectionneur, est venu avant le match face au Soudan nous montrer une édition de France Football où son figurait parmi d’autres diplômés, ce qui démontre que lui-même avait eu du mal à réaliser qu’il avait décroché ce poste, lui qui ne comprend rien au football. Puis, il ne m’a plus convoqué sous prétexte que je n’avais plus joué depuis six mois, alors qu’au FC Aarau, j’avais disputé 31 matchs en tant que titulaire avec 7 buts à la clef. J’ai dû envoyer un rapport sur mes matchs à la presse pour démentir ses dires. Puis, il a prétendu qu’il s’était déplacé en Suisse pour me voir jouer, mais qu’il a constaté que je ne jouais pas. En vérité, il n’est jamais venu car Aarau est une ville si petite que, s’il était venu au stade, je l’aurais su même si je ne jouais pas. Pour preuve, j’ai bien reçu votre collègue Farid Aït Saâda qui s’était déplacé jusqu’à Aarau pour me faire un long reportage. C’est grave qu’un sélectionneur mente de la sorte. C’est pour ça que j’ai eu beaucoup de problèmes avec lui.

Est-ce à cause de cela que vous aviez arrêté de jouer durant quelques mois ?

Non, ce n’était pas à cause de Cavalli, mais plutôt à cause de problèmes avec l’USM Alger. J’étais fatigué moralement et je ne voulais signer pour aucun club. Par la suite, j’ai signé à la JS Kabylie et effectué avec elle une demi-saison magnifique qui m’a permis de revenir en Equipe nationale. Samir Zaoui peut en témoigner : j’ai fait tous les stages, que ce soit à Alger, en Afrique du Sud ou en Zambie, mais Rabah Saâdane ne m’a pas fait jouer même pas une minute. La raison en est simple : Saâdane compte toujours sur les mêmes joueurs et ne change jamais. Contre l’Egypte à Blida, il m’avait demandé de m’échauffer et je l’avais fait durant une mi-temps sans être incorporé. Les locaux ont toujours été méprisés. Cela n’est pas seulement dû au fait que l’entraîneur soit algérien ou étranger, mais il y avait aussi l’environnement proche du sélectionneur qui lui imposait de convoquer Untel et pas tel autre. Quand tu demandes la raison, on te dit que le joueur local est limité physiquement. S’il y avait un Algérien jouant au Luxembourg, on l’aurait convoqué ! Nous sous-estimons notre potentiel local. S’il y avait de l’équité, je serais encore en sélection à l’heure actuelle. Durant la CAN-2004, j’avais donné le meilleur de moi-même pour ensuite me retrouver par la suite écarté pour un bon moment. Quoi qu’il en soit, je remercie Dieu d’avoir pu beaucoup donner à l’Algérie. Jamais je n’ai joué à contrecœur pour la sélection.

Est-ce un complexe ?

Tout le monde pense que les joueurs émigrés sont meilleurs que nous parce qu’on est complexés. On te méprise juste parce que tu es un joueur local. Une anecdote : dites-vous bien que Saâdane m’a fait jouer uniquement 30 minutes face à l’Uruguay au stade du 5-Juillet. Ce jour-là, mon entrée avait fait changer le cours du match, mais je n’ai plus joué après. Le coach m’avait fait jouer ce jour-là parce qu’il avait peur que Karim Ziani se fasse expulser. Si Ziani ne s’était pas énervé sur le terrain, il ne m’aurait pas incorporé. Autre anecdote : avant le quart de finale face au Maroc lors de la CAN-2004, Saâdane nous avait réunis en catastrophe à 23h30 pour nous informer qu’il avait changé le onze rentrant. Au départ, c’était Karim Ziani qui devait être titularisé, mais il a mis Djamel Belmadi à sa place, car ce dernier avait son mot à dire et voulait connaître s’il allait jouer ou pas avant d’aller se coucher. C’est ainsi que s’est effectué le changement.

Avez-vous regardé les matches de l’Algérie en Coupe du monde ?

Je n’ai regardé qu’un seul match, car j’étais tellement affecté par ce qu’on m’avait fait que j’avais décidé de faire un voyage en Turquie afin d’être loin de l’ambiance du Mondial. Comme l’hôtel où j’étais pullulait d’Anglais, tous vêtus de maillots de leur sélection, je me suis affiché avec le maillot national floqué de mon nom. Je n’ai pas suivi non plus la Coupe d’Afrique des nations, car je me trouvais en France pour subir une intervention chirurgicale et l’hôpital où j’avais été admis ne montrait pas les matchs de la CAN.

Pensez-vous que la sélection actuelle peut se qualifier pour la CAN-2013 ?

Pour l’instant, on ne peut rien à dire, car les qualifications n’ont pas encore débuté, mais tout est possible. La sélection actuelle est un grand chantier. Si on appliquait le principe appliqué partout dans le monde, on sélectionnerait les joueurs les plus compétitifs. On ne pourra jamais dire que Ziani n’est pas un bon joueur. A son poste, c’est le meilleur en sélection. Cependant, quand il n’est pas dans son jour ou qu’il connaît un passage à vide -ça arrive à tout le monde-, il faut qu’il y ait un changement. Zaoui peut en témoigner : durant les qualifications pour le Mondial, j’étais en superforme et bien meilleur que beaucoup d’autres sélectionnés, en dépit des problèmes que j’avais vécus. Cependant, on ne m’a pas donné ma chance. Aujourd’hui, les gens disent «C’est grâce à cheikh Saâdane que nous sommes partis en Coupe du monde !» Or, ce n’est pas vrai.

Qu’entendez-vous par là ?

Ce sont les joueurs qui voulaient la qualification. Leur détermination était telle qu’ils y sont parvenus. Quant à Saâdane, il n’a rien fait parce qu’il ne connaît rien ! Plutôt que d’utiliser les joueurs les plus compétitifs, il a continué à rouler avec les anciens sous prétexte de stabilité. Même quand tu as une voiture dernier cri, tu ne peux pas rouler avec si ses pneus sont usés. Tu dois changer les pneus pour pouvoir continuer.

Parlons à présent de l’USM Alger. Personne ne connaît les vraies raisons de votre départ. Dites-nous franchement, pourquoi avoir quitté ce club ?

Posez la question à Hervé Renard. Je ne dis pas «l’entraîneur Hervé Renard» car il n’a rien à voir avec le football. C’est lui qui m’a écarté de l’USMA et je n’en connais pas la raison.

Ne pensez-vous pas qu’il aurait reçu des instructions en ce sens ?

Au contraire, c’est lui qui, usant de ses prérogatives, a donné des instructions pour qu’on m’écarte. C’était à un moment où la direction du club voulait absolument le garder et lui en avait profité pour imposer ses choix en clamant que c’est lui qui devait s’occuper des libérations et recrutements, avec la complicité de certaines personnes qu’il est inutile de citer. Ce que je peux dire, c’est que Renard m’a appelé pour dire : «Hocine, c’est moi qui me suis opposé à ton maintien au club.» Donc, c’est lui qui ne voulait plus de moi, non pas la direction. Comme le championnat n’était pas encore terminé à ce moment-là, j’aurais pu créer des problèmes et exercer un chantage, mais je ne l’ai pas fait par respect pour l’USMA, le club qui m’a vu grandir et où j’ai passé 20 ans, depuis 1991. J’ai même participé à deux matchs décisifs qui ont sauvé le club de la relégation, pour qu’un entraîneur vienne à la fin me mettre à la porte sans que les dirigeants ne lèvent le petit doigt, car ils avaient peur pour leurs postes et leurs gros salaires.

Pensez-vous qu’on a cherché à écarter les enfants du club ?

Oui, tout à fait, car la direction actuelle a voulu ramener des joueurs étrangers au club. Pour preuve, ils ont même changé la devise du club. Pour en revenir à Renard, s’il était un homme, il aurait poursuivi sa mission jusqu’à la fin plutôt que d’abandonner l’équipe lorsqu’il avait reçu une offre de la Zambie.

Etes-vous rancunier envers les dirigeants actuels ?

Ces gens-là ne connaissent pas l’USMA et son histoire. Cela dit, je ne les blâme pas, car il y avait un environnement pourri. J’étais revenu deux fois à l’USMA. La première fois, après mon expérience en Suisse, même si je n’avais pas accepté de signer en dépit des sollicitations pressantes de la direction, et la deuxième fois, après mon passage éclatant à la JSK. Malgré cela, on m’a mis à la porte. Je mets au défi Ali Haddad ou son frère Rebbouh de dire combien Achiou a gagné de titres ou a marqué de buts. Eux ont été complexés par un Français qui les a épatés par son bronzage intégral, voilà tout. Moi, je ne me fie pas aux apparences. El hamdoullah, j’ai connu le haut niveau et je sais ce qu’est le football et ce qu’est l’entraînement.

Vous avez été affecté à ce point par le traitement que vous a réservé Renard ?

Personne ne peut tromper les supporters. Renard n’a rien fait, surtout pas durant les dix derniers jours avant la fin du championnat de la saison passée où c’était moi qui tenais l’équipe. Le maintien a été assuré par les joueurs, grâce à leur solidarité, pas par cet entraîneur inconnu qui, dans les moments difficiles, disaient aux joueurs : «Entraînez-vous ou ne vous entraînez pas, faites ce que vous voulez.» Des paroles comme ça te détruisent. Je suis un enfant du club et c’est pour ça que j’ai été particulièrement affecté. Si j’avais su que ça se passerait comme ça, je ne serais pas revenu de la JSK. J’étais en superforme, surtout que j’étais revenu en sélection nationale. Si un dirigeant m’avait appelé pour me dire que le club voulait me garder, mais que l’entraîneur en a décidé autrement, je serais parti plus tranquille. Je ne m’attendais pas à ce que ce soit l’entraîneur qui me l’apprenne, comme pour régler ses comptes avec moi.

Après avoir quitté l’USMA, pensiez-vous vous engager avec un club de l’envergure de l’ASO Chlef ?

Franchement, j’étais tellement dégoûté que j’avais songé à arrêter le football. Cependant, j’ai réfléchi et je me suis dit que je devais poursuivre. Des offres me sont parvenues. Les plus sérieuses ont été celles de l’ESS et l’ASO. Compte tenu des objectifs de l’ASO, j’ai choisi ce club.