Le marché algérien est une plus-value sûre pour la revente de matériel informatique. Un paradis de profits pour des producteurs attirés par des coûts d’implantation ne dépassant pas 65 %, selon un rapport de la Banque mondiale publié en 2009. L’avantage des coûts se situerait dans une main-d’œuvre moins onéreuse par rapport aux autres pays émergents.
Avec 400 millions de dollars, le marché de l’informatique a de beaux jours devant lui. Mais il reste dépendant du «tout-import». Composants, PC, équipements hardware et logiciels sont fourgués par les multinationales avec un réseau de revendeurs intraitables sur les prix. Les professionnels attendent des mesures d’encouragement pour les entreprises et une baisse des taxes. Une équation difficile à résoudre.
Le marché de l’informatique est en pleine croissance. Equipementiers, producteurs de logiciels et revendeurs d’accessoires se frottent les mains. Bénis par l’ouverture du marché, ces derniers ont progressivement vu leurs chiffres d’affaires exploser au fur et à mesure de la hausse de la demande sur des segments tels que la revente de PC, de logiciels pour entreprises et de consommables.
Mais au lieu de produire sur place, les grands groupes préfèrent miser sur la délocalisation, dont les coûts d’implantation sur le marché algérien ne dépasseraient pas les 65 %, selon un rapport de la Banque mondiale publié en 2009.
L’avantage des coûts se situerait dans une main-d’œuvre moins onéreuse par rapport aux autres pays émergents. En parallèle, le marché algérien constitue une plus-value sûre pour la revente de matériel informatique, dont une bonne partie des institutions, administrations et grandes entreprises sont les plus dépendantes.
Entre dynamisme et aléas
Si le marché mondial génère en moyenne une plus-value de 500 milliards de dinars, qu’en est-il en Algérie ? Pas de chiffre qui confirme actuellement la bonne santé de ce marché spécifique, mais certaines sources estiment que le segment PC représente 70 % des ventes parmi les grandes marques qui le commercialisent.
Mais l’absence d’études et le profil des ventes ou d’achats rendent caduque toute évaluation sérieuse qui tenterait de mettre en relief l’évolution de ce marché. En revanche, l’éclosion de réseaux de revendeurs tous azimuts pour les consommables témoigne de la vigueur de la demande et traduit un fort potentiel de besoins en Internet et de réseaux annexes en télécommunications.
C’est dans cette optique que les grands groupes internationaux vont se redéployer, avec comme crainte l’intrusion de deux concurrents de taille, la Chine et la Corée du Sud qui, contrairement à leurs concurrents nordiques, ne lésinent pas sur les moyens pour arracher le maximum de contrats.
Quand bien même le marché reste encore déstructuré, selon une étude pilotée par la Mission collective TIC de Grenoble. Cette étude, dont des extraits ont été publiés récemment, signale que le taux de pénétration de l’outil informatique en Algérie, si l’on tient compte de l’informel, est de 1,6 %.
Le nombre de PC vendus chaque année ne dépasse pas les 200 000 unités, restant faible comparés à certains pays riverains. L’acquisition d’un micro-ordinateur par les particuliers est presque faible chez les couches déshéritées, alors que pour la classe moyenne, il faut quatre mois de salaire pour acquérir un PC.
Le projet Ousratic lancé pompeusement en 2006 a été un échec cuisant pour les pouvoirs publics. Pour équiper 5 millions de foyers algériens avec des PC et une connexion Internet, ce projet a été lancé hasardeusement sans tenir compte des aléas du marché, du coût des équipements et des moyens financiers qui concourent à ce projet.
Les responsables concernés ont critiqué les banques qui, en réaction, s’en sont lavés les mains. En attendant, les grands marketeurs des multinationales espèrent, cette fois, faire progresser leurs ventes via des packages et intéresser les franges huppées de la société pour écouler les derniers cris high-tech.
Les prix toujours plus élevés
De nombreux professionnels de l’informatique se sont élevés contre l’envolée des prix des équipements et surtout des PC importés. Selon eux, «c’est le crédit documentaire qui est à l’origine de la hausse des prix du matériel informatique».
Lors du Salon international de l’informatique et du futur technologique organisé en avril dernier, beaucoup d’opérateurs ont déploré «la hausse des prix à la vente des PC, à hauteur de 20 %». Même constat chez les revendeurs agréés par les multinationales tels que Microsoft, IBM et HP, dont les tarifs pour un PC portable oscillent de 50 000 à 60 000 DA. Cela sans compter les marges obtenues par les détaillants qui n’aident pas les bourses moyennes à se procurer des micro-ordinateurs à prix étudiés.
Le nombre de PC importés par les particuliers ou de ceux introduits frauduleusement en Algérie fausse toute étude, et il reste donc difficile de quantifier le marché informatique en Algérie et d’en mesurer l’importance.
La raison de cette flambée se situe, selon l’Association algérienne des professionnels de l’informatique, au niveau des coûts élevés de la production et des composants qui ne sont pas produits localement. Ce qui affecte même le marché de la solution informatique, sorte de pack technologique qui ne fait pas trop vendre pour l’heure.
Alors que les PC portables se vendent cher, les Laptop sont plus au moins écoulés à des prix variant entre 30 000 et 35 000 DA, selon les marques et les capacités de la mémoire. Le seul remède préconisé par les opérateurs est la baisse de l’imposition sur l’importation des composants et périphériques, ce qui aura une incidence sur les prix de vente. En 2009, le marché a connu une baisse relative des prix (10 % sur le matériel pour le hardware et 15 % sur les composants).
La raison fait que durant cette année, plusieurs versions améliorées des applications (système d’exploitation, réseautage et équipements pour téléphonie mobile) ont connu une relative stabilité des prix. Mais la capitalisation boursière des grands groupes affectés par une chute des valeurs du Nasdaq à partir de 2008 continue de plonger dans le noir les pays du Sud dépendants des importations.
L’Algérie ne fait pas exception du moment que même le montage des PC sur place est difficile à réaliser, sans compter l’absence d’un tissu productif pour la création de logiciels, d’intrants électroniques et autres consommables. En 2007, le P-DG d’Algeria Business Multimedia (ABM), qui représente 14 marques internationales, avertissait déjà des problèmes de taxes. «La TVA a baissé à 7 % mais elle n’a pas été mise à niveau pour tous les produits informatiques», expliquait-il.
Et de mettre en exergue une contradiction : «Nous pouvons importer l’unité centrale avec une TVA de 7 %, mais pour l’écran et les autres accessoires, c’est 17%.» Il se demandait pourquoi n’uniformisait-on pas la TVA à 7 % pour toute l’informatique. De l’autre côté, le marché des logiciels fait l’objet d’une guerre commerciale féroce entre les détenteurs de licences (Microsoft) et les développeurs de logiciels libres tels que Linux.
Ces deux grands opérateurs installés en Algérie tentent d’arracher des parts de marchés dans tous les secteurs d’activités économiques et commerciales. Discrets, ces deux groupes se mesurent à la taille d’un marché qui présente l’avantage de n’être pas saturé. L’année dernière, J. P. Courtois, directeur à l’international chez Microsoft, a dévoilé que les entreprises et l’éducation sont les deux marchés prioritaires pour la multinationale.
L’objectif commercial table sur une croissance de ventes des logiciels en versions améliorées. Pour Apple, l’IMac et l’Iphone sont les deux produits phares proposés aux algériens. Une technologie de pointe est proposée aux professionnels de la presse, de la photo et de la vidéo. Mais Apple ne badine pas avec les prix, qui restent hors de portée, même si récemment le représentant algérien a annoncé une baisse de prix à venir.
L’informel et le piratage, cherchez l’intrus
La Business Software Alliance (BSA) est une association internationale qui regroupe des experts et professionnels de l’informatique. Depuis quelques temps, ses rapports accablent l’Algérie sur le piratage des logiciels, dont une étude de 2010 révèle que le taux avoisine les 83 % (près de 5 milliards de dinars de perte).
Le plus affecté dans ces opérations illicites est principalement Microsoft. Les éditeurs ont perdu globalement 55 millions de dollars, selon BSA. Les autres concurrents subissent également les contrecoups du piratage et de l’imitation frauduleuse des marques. Cela ne disqualifie pas pour autant ces «géants» qui arrivent tout de même à adapter leurs stratégies commerciales.
Le chiffre en Algérie n’est pas aussi effrayant qu’on ne le pense puisque la valeur globale du piratage au niveau mondial atteint la valeur de 59 milliards de dollars alors que pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient elle se situerait autour de 4 milliards de dollars.
Mais pour le marché algérien, l’offensive des multinationales (Microsoft, Oracle et SAP) ne se limite pas à vendre des produits. Elles nouent des partenariats avec les universités, les écoles d’ingénieurs pour disposer de futurs revendeurs, et jouent sur la corde sensible de la propriété intellectuelle. Mais cela ne s’arrête pas à ce niveau.
Elles mettent toute leur énergie à réduire à néant la promotion de l’open source et le téléchargement presque gratuit des logiciels libres. En d’autres termes, seul le business de ces multinationales compte pour «le bien du consommateur algérien» et «les bienfaits des entreprises».
Si certains estiment que ce fossé numérique et la cherté des équipements sont les raisons qui expliquent le piratage et la fraude, d’autres considèrent que le téléchargement gratuit des logiciels présente l’avantage des coûts au détriment de la sécurité de l’usage.
Le business des multinationales ébranlé
International Data Corporation (IDC) a démontré, dans une étude, que pour 100 dollars vendus par les éditeurs légitimes de logiciels, 75 dollars supplémentaires sont piratés.
Le même organisme a prouvé qu’une réduction de piratage sur 4 ans peut générer 96 millions de dollars supplémentaires pour l’économie légale. IDC estime que pour 1 dollar vendu par les éditeurs de logiciels, 3 à 4 dollars supplémentaires reviennent aux acteurs locaux et aux distributeurs. IDC et BSA considèrent les logiciels piratés ou contrefaits comme fatals pour les utilisateurs avec le lot de risques des virus informatiques, des logiciels défectueux et l’absence de garanties.
Les entreprises, quelle que soit leur taille, peuvent être tenues pour responsables des actes de piratage qui influent négativement sur leur rendement. Seule solution recommandée par les multinationales : faire confiance aux seuls détenteurs de licences de logiciels et éradiquer les contrevenants.
F. A.