La fête est bel et bien finie, mais, dans les foyers, il reste de la viande à profusion. Après en avoir offert à la famille, aux voisins et aux démunis, il y a encore quelques morceaux à déguster. Une fois l’euphorie de l’Aïd passée, place aux comptes.
Il faut payer telle ou telle facture, arranger le syphon qui a lâché, offrir un cadeau à la voisine qui marie sa fille. Les dépenses ne s’arrêtent pas là. Il s’avère souvent que le bas de laine est vide. Le mouton a coûté les yeux de la tête. 46.000 DA en moyenne, c’est plus qu’un salaire moyen. Beaucoup de pères de famille, sans grands moyens, ne sont pas regardants à la dépense. Ils se font un point d’honneur de sacrifier un mouton pour faire plaisir à la grande famille. Ainsi en est-il de cet habitant de Aïn Benian. Sa famille se compose, outre l’épouse et ses quatre enfants, de ses parents et de ses beaux-parents. Il est inconcevable dans cette famille, originaire du Sud, de ne pas sacrifier un mouton,. Ce père de famille doit exécuter cette « sentence » malgré un salaire qui dépasse juste le SNMG.
Comment arrive-t-il à faire plaisir aux enfants et à ne pas se ruiner ? Pour un chef de famille, sa maisonnée doit manger de la viande rouge à satiété pendant plusieurs jours. Qu’importe le sacrifice financier, tout aussi réel celui-là. Les siens n’ont pas à être avides ou envieux vis-à-vis des voisins et de la famille.
Le pétrin

Ce n’est pas le cas pour cette famille qui n’a jamais dérogé à la règle du sacrifice. Trois enfants et des grands-parents à charge, la maîtresse de maison est une véritable fourmi. Bien que n’ayant jamais fréquenté l’école, Aïcha a plusieurs cordes à son arc. Le salaire de son époux ne dépasse pas les 30.000 DA. Elle qui n’a aucune minute à perdre, une fois son ménage terminé, prend des travaux de crochet, de laine ou de confection de gâteaux. Il lui arrive de gagner une bonne somme d’argent qu’elle met de côté en cas de besoin.
La rentrée des classes, les dépenses du mois de Ramadhan, les cadeaux qu’il faut offrir aux mariés et enfants circoncis, sans parler des charges à honorer, (factures d’eau et d’électricité), sont autant de dépenses et de frais qu’elle prend en charge. « Il s’agit d’aider mon époux dans toutes les circonstances », dira-t-elle avec un brin de fierté.
C’est ainsi que l’achat du mouton est à sa charge. D’autres citoyens, par contre, juste pour faire comme le voisin ou le cousin, empruntent de l’argent pour acheter le mouton. Bien que ce rituel ne soit nullement une obligation, c’est une sunna, ces personnes ne savent pas qu’elles vont à contresens de la religion. Une fois la fête terminée, la viande consommée, il faut s’acquitter des dettes. C’est le casse-tête chinois. Le plus souvent, l’échéance du remboursement n’est pas respectée. Elle est reportée pour achat de médicaments, paiement de factures…
Rabéa F.