Le rapport du département d’Etat américain sur la «traite des personnes» ou «traites des êtres humains» n’épingle pas seulement l’Etat algérien mais l’abreuve de copieuses critiques sur son manque d’empressement à combattre un crime subi en général par les migrants mais également des Algériens.
L’Algérie est dans la liste noire, dans la catégorie 3, celles des Etats qui ne sont pas conformes avec la loi sur la protection des victimes (servitude involontaire, esclavage, servitude pour dette et travail forcé). L’Algérie est désormais sous surveillance classée parmi les pays «dont le gouvernement ne se conforme pas pleinement aux normes minimales et ne déploie pas d’efforts importants pour agir en ce sens».
Les pays de catégories 3 peuvent faire l’objet de sanctions: suspension des aides non humanitaires, refus de financement pour la participation aux programmes éducatifs et d’échanges culturels, opposition des Etats-Unis à des aides du FMI et de la Banque mondiale.
Ce qui vaut cette sévère réprimande américaine à l’égard de l’Algérie est globalement lié à la situation des migrants illégaux qui subissent le plus le trafic humain. Le chapitre «Algeria» souligne d’emblée que c’est un pays où «des hommes, des femmes et des enfants subissent le travail forcé et le trafic sexuel». Il s’agit, le plus souvent, d’hommes et de femmes subsahariens entrés volontairement mais clandestinement en Algérie avec l’aide de passeurs dans le but d’aller en Europe.
DES RÉSEAUX QUI VONT JUSQU’À L’EUROPE
Des femmes sont contraintes à la prostitution par des «réseaux» qui vont de pays subsahariens à l’Europe. Tamanrasset semble, selon le rapport, le lieu par excellence de cette traite des êtres humains.
Làbas des «chefs» de «villages africains » qualifiés «d’enclaves ethniques situées dans et autour de la ville de Tamanrasset se livrent au trafic humain. Ils contraignent des femmes à la prostitution et des hommes au travail domestique forcé. Les employeurs leur confisquent leurs documents d’identité et les forcent à rester travailler. Selon le rapport les chefs de «villages africains » ont des «liens étroits» avec la police algérienne.
Une ONG affirme que des femmes migrantes arrêtées pour prostitution ont été remises par certains policiers à leurs souteneurs. La presse a fait état en octobre 2010 de la création d’une brigade de la police nationale dans le sud du pays spécialisée dans la lutte contre le trafic humain mais que cela n’a pas été confirmé, note le document.
La formation fournie aux juges et procureurs évoquée par le ministre algérien de la Justice ne semble avoir entrainé une augmentation des actions contre le trafic humain. Le rapport ne constate aucun progrès en matière de poursuites ou de travail d’identification des victimes notamment chez les populations vulnérables comme les femmes étrangères et les migrants illégaux.
Mieux, selon le rapport, des victimes ont été emprisonnées pour des actes illégaux commis alors qu’elles subissaient le trafic. Les migrants expulsés, dont certains ont été victimes de la traite, ont reçu «un litre de lait et un peu de pain» et ont été transportés à la frontière avec le Mali et le Niger.
Parfois ces derniers ont été accueillis par les fonctionnaires de leurs pays. Des ONG affirment que des migrants sont morts dans le désert. Le gouvernement algérien n’a pas fourni aux victimes étrangères des «alternatives légales à leur transfert vers des pays où ils pouvaient faire face à des représailles ou de mauvais traitement.
DES ENFANTS ALGÉRIENS VICTIMES EN NORVÈGE
Le rapport note que «certaines femmes algériennes sont également contraintes à la prostitution». L’Algérie, relève le document en citant des membres de la société civile, est devenue, avec le resserrement sécuritaire en Europe, un pays de destination de l’immigration irrégulière et du trafic humain.
Le coût du voyage d’un migrant «vers ou à travers» l’Algérie a augmenté en raison d’une plus grande répression. Le rapport révèle par ailleurs qu’un rapport de 2011 a identifié 23 enfants algériens et six hommes comme victimes de trafic en Norvège. Tout ces constats conduisent à un jugement sans appel : Alger «n’observe entièrement les normes minimales pour l’élimination du trafic humain et ne fait pas d’efforts significatifs en ce sens».
Le gouvernement algérien n’a fait aucun «effort perceptible pour mettre en application sa loi d’antitrafic de 2009», a «échoué à identifier et protéger des victimes de trafic » et a persisté à ne pas prendre des «mesures adéquates pour protéger des victimes et empêcher le trafic». Le rapport se termine par une série de recommandations pour une action «proactive» contre la traite des personnes.
Salem Ferdi