Accord Maroc-UE : un processus entaché d”‘irrégularités et d’illégalité”

Accord Maroc-UE : un processus entaché d”‘irrégularités et d’illégalité”

Le Parlement européen a entériné mercredi l’accord agricole « illégal » UE-Maroc visant à étendre les préférences tarifaires aux produits du Sahara occidental, à l’issue d’un vote entaché d’ »irrégularités » et d' »illégalité », ont dénoncé des eurodéputés.

Après un long processus de négociations entre l’UE et les autorités marocaines visant à contourner les arrêts de la Cour de justice de l’Union européen (CJUE), le Parlement européen a entériné mercredi l’accord agricole UE-Maroc visant à étendre les préférences tarifaires aux produits du Sahara occidental.

Cet accord est qualifié par des eurodéputés d' »illégal », soulignant à ce propos que le Parlement européen n’a pas respecté les arrêts de la CJUE qui avait statué sur le caractère « distinct » et « séparé » du territoire du Sahara occidental et de l’inapplicabilité dudit accord à ce territoire ainsi que sur l’impératif du consentement du peuple sahraoui pour toute action d’exploitation de ses ressources.

Le Parlement européen a procédé, également, au vote sur un rapport « biaisé » validant l’accord UE-Maroc établi par l’ex-rapporteur, Patricia Lalonde, alors que cette eurodéputée française a été contrainte de démissionner début décembre 2018 après l’ouverture d’une enquête à son encontre suite à des révélations l’impliquant dans un cas de « conflit d’intérêt manifeste » et de « violation du code de conduite » du Parlement européen, ont ajouté les eurodéputés.

L’adoption de l’accord a été effectuée, en outre, sans aucun débat public au niveau du Parlement, et ce, après le rejet par 10 voix d’écart de la demande introduite par le Groupe des Verts/ALE d’inscrire un débat, préalablement au vote, à l’ordre du jour de la session plénière du 14 janvier 2019.

En refusant ce débat, plusieurs eurodéputés ont été privés de parole afin de mettre en évidence les multiples « contrevérités » et « incohérences » du rapport Schaake ou ex-Lalonde, mais surtout de la possibilité d’interpeller publiquement cette dernière sur les raisons l’ayant poussé à la démission et vérifier la « régularité » de procéder au vote sur un rapport que la « rédactrice » n’a pas assumé jusqu’au bout.

Les parlementaires européens n’ont pas manqué de relever, dans ce contexte, la position de nouvelle rapporteuse, remplaçante de Patricia Lalonde, la néerlandaise Marietje Schaake, qui a tenu à se démarquer de la position affichée par le Parlement.

S’exprimant dans une tribune qu’elle a publiée, mercredi, avant le vote sur le rapport controversé, celle-ci a reconnu que la CJUE a clairement exigé le consentement du peuple du Sahara occidental préalablement à tout extension d’accord au Sahara occidental.

Apportant son soutien à la proposition de résolution introduite par une centaine d’eurodéputés et par laquelle ils sollicitaient l’avis de la CJUE avant d’entériner l’accord au niveau du Parlement, Mme Schaake a confié avoir introduit un amendement, dans lequel elle a sollicité la Commission d’explorer les moyens pour que les préférences commerciales soient effectivement accordées à l’avenir à la totalité du peuple vivant au Sahara occidental.

Ceci illustre, selon les eurodéputés, du caractère « bancal » de l’accord, dans le sens où la nouvelle rapporteuse de la Commission du commerce international (INTA) admettait que cet accord ne bénéficie pas à la totalité du peuple vivant au Sahara occidental, contrairement à ce que défendait la Commission européenne dans son rapport.

La nouvelle rapporteuse a annoncé avoir proposé un deuxième amendement portant sur la suppression d’un passage du rapport (paragraphe 9) qui laissait entendre que le projet d’accord UE-Maroc serait « compatible » et ne « porterait pas préjudice au processus onusien sur la question sahraouie ».

Des « dépassements ignorés » par les instances européennes

Outre ces « irrégularités » signalées, les déclarations faites par le Commissaire européen en charge des Affaires économiques, Pierre Moscovici ont suscité l’inquiétude des eurodéputés.

L’ex-ministre français de l’Economie a reconnu, dans une lettre rendue publique par l’ONG Western Sahara Resource Watch, que le Maroc avait refusé la proposition de la Commission européenne visant à mettre en place un mécanisme de « traçabilité » des produits importés du Sahara occidental, avouant que la Commission européenne a dû accepter une proposition « alternative » marocaine, qui ne répondait pas aux attentes en la matière.

A cet égard, plusieurs eurodéputés ont exprimé leur étonnement que ce vote ait lieu, alors que des questions concernant un « conflit d’intérêt manifeste » et des « dépassements » vis-à-vis de la loi n’ont pas trouvé d’explications de la part des instances européennes.

Appelant au rejet « sans réserve » de cet accord, des centaines d’eurodéputés ont insisté sur la sollicitation de l’avis de à la Cour européenne de justice préalablement au vote sur l’accord. Dans un communiqué publié par l’Intergroupe Sahara occidental du Parlement européen, juste avant le vote, ses membres ont exhorté le Parlement européen à respecter les arrêts de la CJUE.

L’intergroupe a également indiqué dans son communiqué que « le non-respect total du droit international et du droit de l’UE par le biais de l’accord proposé suscitent de vives inquiétudes quant au rôle contre-productif de l’UE dans le processus de paix onusien ».

« Tant que toutes les grandes questions juridiques et politiques ne seront pas réglées, nous rejetterons l’accord proposé », ont souligné les membres de l’Intergroupe, s’engageant à dénoncer de la même manière le projet d’accord de pêche UE-Maroc qui sera soumis au vote le mois prochain.

Toutes ces « incohérences » et « irrégularités », ayant conduit à l’approbation de cet accord « illégal », seront autant d’éléments à charge qui vont peser dans le balance en prévision de futures batailles juridiques que le Front Polisario compte engager prochainement.