“Il est très clair que nous ne sommes pas parvenus à un consensus, mais les divergences n’ont pas été occultées et ont été clairement exprimées”, a déclaré la chancelière Angela Merkel à l’issue du dernier sommet du G20.
Les pays du G20 ont “réussi” à s’entendre sur un communiqué commun pour éviter une rupture brutale avec l’Amérique de Donald Trump après sa sortie annoncée des accords de Paris. Le texte “prend acte” de la sortie des États-Unis de l’accord obtenu lors de la CoP21 en décembre 2015. D’un autre côté, il est mentionné que les États-Unis “vont œuvrer à travailler étroitement avec d’autres partenaires pour faciliter leur accès et leur utilisation plus propre et efficace des énergies fossiles, et les aider à déployer des énergies renouvelables et d’autres sources d’énergie propre”. Ce dernier passage est, d’une part, contraire à la politique défendue par les Nations unies à travers la Convention-cadre sur le climat mais aussi “il instaure une situation inédite pour le G20 qui valide ainsi le fait qu’un de ses membres puisse suivre une politique individuelle à contre-courant de celle de ses autres membres”.
Quelques jours avant la tenue de ce sommet, de grandes figures de la lutte contre le changement climatique dont Christiana Figueres, secrétaire exécutive de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) entre 2010 et 2016 ou Hans Joachim Schellnhuber, fondateur du Potsdam-Institut für Klimafolgenforschung et président du Conseil sur le réchauffement climatique pour le gouvernement allemand, rappelaient l’urgence climatique aux dirigeants du monde. Dans un article publié le 28 juin dernier dans la revue Nature (nature.com, “Three years to safeguard our climate”) sous forme d’adresse à ce G20 qui vient de se réunir les 7 et 8 juillet à Hambourg, en Allemagne, ces experts alertaient sur l’importance d’inverser la courbe d’émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2020.
Après cette échéance “il sera quasi impossible de respecter une limitation du réchauffement climatique en-dessous de 2°C d’ici la fin du siècle”, écrivaient-ils. Avant la CoP de Copenhague, en 2009, tous les spécialistes étaient d’avis que 2020 est le point de non-retour. Aujourd’hui, si la courbe des émissions de GES n’est pas inversée, il sera pratiquement impossible de tenir les objectifs de l’Accord de Paris qui sont jugés, eux-mêmes, modestes par les écologistes. “Attendre encore dix ans pour agir de façon drastique sur les émissions de gaz à effet de serre ne nous laisserait que très peu de marge de manœuvre pour adapter les modes de vie de la planète et atteindre l’objectif de 2° d’ici la fin du siècle.”
Par contre, si les émissions de GES baissent franchement d’ici 2020, la planète disposera de vingt à trente ans pour s’adapter. “Si on attend 2025, il ne restera plus que dix ans maximum pour tenir les objectifs de l’Accord de Paris et transformer l’économie vers un modèle bas carbone. Une mission quasi impossible.” Ces experts ne se sont pas contentés d’alerter mais ils proposent aux dirigeants du G20 et aux entreprises un plan d’action en six points avec dans le domaine de l’énergie, le renouvelable doit fournir une part d’au moins 30% de l’électricité mondiale et aucune nouvelle centrale à charbon ne devra être approuvée à partir de 2020. Quant à celles existantes, elles devront être fermées. Au plan des infrastructures, la mise en place par les villes et les États de plans pour décarboner les bâtiments et les infrastructures d’ici 2050, en prévoyant des financements à hauteur de 300 milliards de dollars par an.
Chaque année, les villes moderniseraient au moins 3% de leurs bâtiments pour les reconvertir en infrastructures bas carbone. Dans les transports, ces experts préconisent que les véhicules électriques devront composer 15% des nouvelles ventes (contre 1% aujourd’hui). Les gouvernements devront également imposer aux poids lourds une consommation en carburant réduite de 20%, et à l’aviation une réduction de 20% du CO2 émis au km. Dans l’agriculture, les émissions de gaz à effet de serre (GES) issues de la déforestation et de l’agriculture (qui représentent à l’heure actuelle 12% du total) devront disparaître. Au niveau des finances, le groupe préconise que les banques et gouvernements devront décupler le volume d’obligations vertes (71 milliards d’euros actuellement) pour financer les mesures visant à réduire les GES.
Autant dire que dans le fonctionnement actuel de l’économie mondiale, plusieurs observateurs estiment que la mise sur les rails d’un tel dispositif relève d’une forme d’utopie. L’échec de la réunion du G20 sur la question du climat risque de peser lourd sur l’avenir de la planète, les 20 pays qui composent ce groupe représentant 85% de l’économie mondiale. Les conclusions alarmantes du rapport (fsb-tcfd.org/publications/final-recommendations-report) du groupe d’experts sur le climat, la TCFD (Task Force on Climate Disclosure) mise en place par le Conseil de stabilité financière du G20 pour proposer aux entreprises des lignes directrices de reporting sur le climat et qui a travaillé durant 18 ans n’ont pas suffi à booster le consensus.
Ce document évalue le risque que fait peser le changement climatique pour les entreprises et l’économie ; c’est près de 2 300 milliards de dollars de valeurs boursières qui sont menacées. A la fin des travaux de ce sommet, Angela Merkel déclarait a déclaré : “Il est très clair que nous ne sommes pas parvenus à un consensus, mais les divergences n’ont pas été occultées, elles ont été clairement exprimées.” Le président français, Emmanuel Macron, quant à lui, a annoncé, qu’il réunirait le 12 décembre 2017, à Paris, un nouveau sommet sur la lutte contre le réchauffement climatique. “Le 12 décembre prochain, deux ans après l’entrée en vigueur de l’accord de Paris, je réunirai un nouveau sommet afin de prendre de nouvelles actions pour le climat, notamment sur le plan financier.”