La crise diplomatique entre la France et l’Algérie, en sommeil depuis plusieurs mois, pourrait connaître un nouveau tournant dès le mois de juillet. À cause d’un rapport parlementaire très attendu sur l’accord bilatéral de 1968, qui régit depuis plus de cinquante ans les conditions de séjour des ressortissants algériens en France. À Paris, certains n’hésitent pas à qualifier ce document à venir de « potentiellement explosif », au vu des tensions latentes et des enjeux politiques autour de ce texte historique.
Signé en 1968, soit six ans après l’indépendance de l’Algérie, l’accord en question accorde aux ressortissants algériens un statut dérogatoire par rapport au droit commun en matière de circulation, de résidence et de regroupement familial.
Il a été conçu comme une forme de continuité dans les liens humains et économiques post-coloniaux entre les deux pays. Mais depuis quelques années, l’accord est violemment critiqué par la droite et l’extrême-droite françaises, qui le jugent trop favorable aux Algériens.
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C’est Mathieu Lefèvre et Charles Rodwell, deux députés de la majorité présidentielle, qui ont été chargés de rédiger un rapport d’évaluation du coût budgétaire de l’accord. Le document, attendu début juillet 2025, promet d’alimenter un débat déjà chargé de tensions identitaires et de calculs électoraux.
Un rapport aux conséquences politiques incertaines
D’après les premières fuites rapportées par Le Parisien, le rapport s’intéresse aux conséquences économiques de l’accord, en particulier les dépenses sociales et sanitaires liées à la population algérienne en France.
Le député Rodwell est allé jusqu’à évoquer un impact sur la sécurité, en lien avec des ressortissants algériens qui seraient expulsables mais toujours présents sur le territoire. Une déclaration qui pourrait exacerber les sentiments de stigmatisation au sein de la communauté algérienne de France.
Si les auteurs affirment ne vouloir qu’« éclairer le débat », les conséquences d’une telle publication pourraient aller bien au-delà du simple exercice parlementaire. L’ancien ambassadeur de France à Alger, Xavier Driencourt, premier à avoir suggéré l’abrogation de l’accord en 2023, avait lui-même reconnu qu’une suppression pure et simple pourrait mener à une rupture diplomatique avec l’Algérie.
Une crise diplomatique déjà fragilisée
Les relations entre Paris et Alger sont déjà très tendues depuis juillet 2024, date à laquelle plusieurs différends politiques et symboliques avaient ravivé les blessures du passé colonial.
Le gouvernement algérien suit donc de près ce dossier, d’autant plus que l’opinion publique en Algérie est particulièrement sensible à toute perception d’injustice ou d’humiliation dans les rapports avec l’ancienne puissance coloniale.
Du côté français, certains responsables politiques se montrent également inquiets. Un proche du Premier ministre François Bayrou aurait confié que ce rapport est « de la nitroglycérine » susceptible de raviver les braises d’un conflit diplomatique que personne ne semble prêt à gérer en pleine recomposition politique à Paris.
Un débat à hauts risques
La publication de ce rapport pourrait donc relancer un débat toxique et stigmatisant, avec des conséquences humaines et diplomatiques profondes. Derrière les chiffres budgétaires et les considérations administratives, c’est l’avenir de dizaines de milliers de familles algériennes vivant en France qui pourrait être remis en question.
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Alors que les relations franco-algériennes peinent à sortir de l’impasse, la remise en cause de l’accord de 1968 pourrait bien transformer une crise diplomatique silencieuse en conflit ouvert. À moins que la diplomatie ne reprenne ses droits et que le bon sens prévale, dans un contexte où les enjeux historiques, humains et politiques s’entrecroisent de façon dangereuse.