La Banque d’Algérie a donné quelques gages quant à sa bonne volonté de mener une refonte en profondeur du marché et la réglementation de change.
Le nouveau locataire de la Villa Joly, Mohamed Loukal, annonçait, mardi, une réforme en profondeur en vue de faciliter les opérations d’exportations hors hydrocarbures.
Tant mieux qu’il y ait enfin une prise de conscience quant à la nécessité de diversifier la structure des exportations, dominée exclusivement par les hydrocarbures. Défendue à cor et à cri par le peu d’exportateurs dont dispose le pays, cette réforme a été repoussée sine die pendant les années du pétrole cher, réduisant le discours sur l’enjeu de l’exportation à sa plus simple expression, voire à un slogan de conjonctures. La Banque centrale a été pointée du doigt durant toutes ces années de statu quo par les plus ardents défenseurs de l’internationalisation des entreprises algériennes.
Sans l’ombre d’un doute, la réglementation de la Banque d’Algérie s’érigeait depuis toujours en principal obstacle aux opérations d’exportation. Un risque pénal était toujours suspendu comme une épée de Damoclès au-dessus de la tête des exportateurs à la moindre erreur comptable et/ou de change, tant il est vrai que les opérateurs risquent la prison pour une journée de retard sur les transactions de rapatriement des dividendes. De quoi donner des sueurs froides aux plus fervents opérateurs engagés sur l’activité de l’exportation.

Mais pas seulement, au risque pénal s’ajoute un risque commercial en cas de non-recouvrement de la créance sur le client étranger. Les opérateurs se verront alors confrontés à un dilemme insurmontable ; de l’impossibilité de financer les contentieux de recouvrement ou les opérations de poursuites à l’étranger, étant donné que les mécanismes n’existent pas sur les devises des banques et sont injustifiables par les devises du marché parallèle. Un véritable casse-tête chinois qui finit par dissuader le plus coriace des exportateurs.
Ce n’est donc pas surprenant de voir l’institution de Mohamed Loukal appeler les banques de la place à la plus grande prudence dans leurs plans de financement des exportations. Les investisseurs ont fini par déserter le terrain, s’orientant vers l’importation, un métier beaucoup plus facile et, de surcroît, financé par les devises de l’Etat. Preuve en est, les opérateurs ayant bravé l’ordre établi se comptent aujourd’hui sur les doigts d’une seule main. La faute, en premier lieu, à un modèle économique qui favorisait les importations au détriment de l’exportation et, ensuite, à une politique de change pour le moins antiéconomique, irrationnelle et dissuasive.
Le temps des vents contraires
Mais en cette période où l’Etat serait en cruel manque de devises, sous l’effet de la baisse des recettes tirées de la commercialisation des hydrocarbures, il n’y a plus de place aux politiques de dissuasion. D’où le projet d’introduire de « grandes réformes » en vue de faciliter les opérations d’exportations hors hydrocarbures annoncé mardi par le gouverneur de la Banque d’Algérie, Mohamed Loukal. Il s’agira de faire sauter certains verrous réglementaires s’érigeant en parfaits obstacles face aux opérateurs économiques investis dans l’activité d’exportation.
D’après Mohamed Loukal, il sera question, entre autres, du prolongement des délais de rapatriement des devises et la création d’un marché à terme de devises. Pour la première mesure, une circulaire de la Banque d’Algérie serait publiée incessamment, prévoyant de porter le délai légal de rapatriement de devises à 360 jours contre 180 actuellement. L’autre mesure annoncée par le gouverneur de la Banque centrale est la mise en place, durant le premier semestre 2017, d’un marché à termes des devises pour contrecarrer les risques de change. Ce marché permettra aux exportateurs d’avoir une visibilité à même de mieux maîtriser les coûts et de prémunir les importations des matières premières et des investissements, nécessaires à la production des biens à exporter, d’une éventuelle dépréciation du dinar.
A ces deux mesures s’ajoutera une autre circulaire qui consacrera l’introduction de la notion du paiement des exportations au comptant et de la notion du paiement à crédit avec, comme corollaire, une assurance-crédit à l’export pour couvrir l’exportateur et lui permettre de pouvoir régénérer ses ressources en dinars. Trois réformes et trois gages d’un changement de position, imposé en grande partie par la crise née de la dégringolade des cours pétroliers sur les marchés mondiaux.
Un signal de bonne volonté envoyé également aux participants au Forum africain d’investissements et d’affaires, prévu les 3, 4 et 5 décembre prochain à Alger. Une rencontre dédiée à identifier des opportunités d’exportation au profit des entreprises algériennes, souvent en manque à la fois de visibilité et d’accompagnement. Cependant, l’accompagnement des exportateurs ne se limite pas seulement à une histoire de politique de change, mais suppose que l’on mette en place des instruments de financement, de garantie et d’assurance, d’une logistique… des déficits qui ne sont pas surprenants dans un pays qui faisait de l’importation un modèle économique.