Le 11e round des négociations avec l’Organisation mondiale du commerce (OMC) se tiendra en avril prochain. L’Algérie, en instance d’accès à ce «club», où se négocient les règles en matière de commerce, depuis bientôt 20 ans, semble avoir du mal à se faire accepter par ses membres. Explications…
Mouloud Hedir, consultant auprès du Forum des chefs d’entreprises, ancien directeur général du commerce extérieur (1996-2001), qui a animé la conférence organisée hier par le forum économique d’ El Moudjahid, a fait part de son analyse de ce processus, énumérant au passage les raisons de son échec. D’après cet économiste, les négociateurs algériens n’ont pas bien saisi les mutations de l’économie mondiale de ces dernières années dont les pays émergents fixent désormais les règles de jeu en matière d’échanges commerciaux. Ainsi, l’Algérie, qui peine à faire aboutir les négociations, a payé cash son hésitation à un moment de l’histoire où l’adhésion était une formalité. «Près de 40 pays sont venus bien après nous et ont réussi à intégrer l’Organisation », a-t-il précisé. Or, avec le durcissement des règles au fur et à mesure que les rangs du «club» grossissent, cela devient de plus en plus compliqué et n’obéit plus à des impératifs strictement économiques.
Les subventions finissent dans les poches des agriculteurs étrangers
Bref, le premier obstacle, selon M. Hedir, est que l’«Algérie n’arrive pas à assumer son ouverture économique qui continue d’être vue comme étant imposée par le FMI». «La loi de finances complémentaire de 2009 a imposé des restrictions sur l’investissement. Si ses dispositions ont été promulguées sur la base du déséquilibre de la balance des paiements, on s’est trompé sur les techniques de résolution du problème. Le Credoc est fait pour réinjecter de l’argent dans les banques et non pas pour financer l’économie. Cette loi va à l’encontre même des engagements internationaux de l’Algérie, écrits noir sur blanc dans l’accord d’association avec l’UE», a-t-il estimé. Le deuxième obstacle est le «fossé qui se trouve entre la politique de commerce et celle de l’investissement». «La règle du 51/49, par contre, est généralisée pour tous les secteurs d’activité. On peut admettre qu’elle soit appliquée dans des créneaux stratégiques comme les banques, les transports, l’énergie… mais cela dissuade les investisseurs étrangers désirant installer des unités de production chez nous.
Du coup, ils continuent à nous vendre leurs produits. C’est une absurdité dans la mesure où le commerce et l’investissement doivent aller de pair. Les tarifs douaniers qui sont d’un niveau beaucoup moins important que celui de la plupart des pays membres de l’OMC, ne constituent pas un instrument de protection de la production nationale. On peut importer n’importe quelle marchandise dans n’importe quel pays», a-t-il expliqué. Le troisième obstacle est la «subvention de la consommation ». «Quand on subventionne la consommation d’un produit importé, cela signifie qu’on a indirectement aidé les producteurs de ces produits. Dit autrement, au lieu de se tracer des objectifs d’autosuffisance en subventionnant les agriculteurs algériens, l’argent injecté sous ce chapitre finit dans les poches des producteurs des pays fournisseurs », a-t-il établi. Le quatrième obstacle, c’est la réglementation du change en matière du commerce des services, ce qui pénalise les producteurs locaux, car cela leur revient excessivement cher. En somme, a souligné M. Hedir, «il n’y a aucun membre de l’OMC qui a intérêt à ce que l’Algérie accède au club». «Il n’y a aucun membre de l’OMC, à ce que je sache, pour qui l’adhésion de l’Algérie est une préoccupation. C’est un pays très ouvert en matière de commerce, et tout le monde a les facilités nécessaires à nous vendre ses produits. Nous avons fait des concessions qui nous auraient permis d’accéder cinq fois à cet espace de concertation. C’est pourquoi nous continuons à tourner en rond. Pour sortir de là, je dirai qu’il faut se réapproprier notre politique de commerce et la mettre en cohérence avec celle de l’investissement. Elle est façonnée, qu’on le veuille ou non, par les membres de l’OMC qui contrôlent actuellement 97% des échanges mondiaux et imposent forcément les règles du jeu», a-t-il conclu.
L. H.