Absence de transparence autour du fichier électoral: Contraintes administratives ou politiques ?

Absence de transparence autour du fichier électoral: Contraintes administratives ou politiques ?

La problématique de la transparence autour du fichier électoral est brusquement revenue sur le devant de la scène à la faveur de l’annonce des prochaines échéances électorales qui, à l’évidence, ont redonné vigueur à un environnement politique jusque-là plutôt crispé. Le sujet est d’une importance majeure pour les acteurs politiques qui continuent de revendiquer encore plus de garantie sur l’intégrité des élections afin de chasser les démons de la fraude, cette constante des rendez-vous électoraux dans notre pays.

Le corps électoral algérien dont on ne connaît presque pas grand-chose reste, pour le moment, une forteresse qu’il est impossible de franchir et sur laquelle le système politique n’a jamais daigné accepter une quelconque concession de quelque nature qu’elle soit. S’il demeure la meilleure assurance que puisse donner le pouvoir à la classe politique sur la transparence d’un scrutin, le fichier électoral constitue, dans le même temps, un des principaux leviers par lesquels la fraude électorale peut s’exercer. Et lorsque Abdelwahab Derbal, fraîchement installé à la tête de la Haute instance indépendante de surveillance des élections (Hiise), confesse toute son impuissance à donner des gages de probité du vote à une classe politique blasée, il va sans dire qu’il s’agit là d’un aveu d’échec, par anticipation, à empêcher la fraude de sévir de nouveau.

Assurer un scrutin propre et honnête n’est-ce pas la raison d’être de la commission qu’il préside ? Mais, à l’évidence, l’ancien cadre d’Ennahda, devenu, depuis, un serviteur trop loyal du pouvoir en place, ne donne pas l’air de s’embarrasser de contradictions qu’il continue à débiter à longueur de ses déclarations publiques. Comment peut-on tenter à coups de multiples promesses de rassurer les partis politiques sur la transparence des prochaines législatives et, en même temps, reconnaître qu’il était impossible pour lui de se présenter en garant d’un fichier électoral assaini ? La question le dépasse, visiblement, lui l’ancien responsable islamiste qui a fini par abandonner ses propres convictions d’opposant pour un fauteuil bien plus confortable à l’intérieur du régime.

Ce même régime, qui pensait qu’en le désignant président de la Haute instance indépendante de surveillance des élections, il allait offrir à l’opposition la preuve de sa bonne foi quant à organiser des élections propres, semble avoir tout faux. L’homme, qui ne bénéficie pas vraiment d’un crédit notable auprès de la classe politique comme le démontrent les nombreuses réactions négatives à sa désignation, ne semble pas vraiment peser dans l’équation. Pourtant, et tous les observateurs s’accordent sur ce paramètre, si les autorités voulaient offrir à l’opposition de réels gages de transparence des élections, elles auraient commencé par répondre favorablement à une des revendications phares de la classe politique et relative à l’instauration de la transparence autour du fichier électoral national. Lorsque les différents responsables en poste mettent en avant une difficulté à répondre positivement à un tel vœu, se cachant régulièrement derrière une supposée complexité de l’opération, c’est qu’il y a, sans nul doute, anguille sous roche.

C’est comme si on prenait les Algériens pour des dupes, à tout le moins. Nous sommes en 2017 et à l’ère du tout numérique et de l’Internet à haut débit et les énormes efforts consentis ces dernières années pour constituer un fichier national biométrique et pour réaliser une interconnexion de toutes les administrations à l’échelle nationale ne sont-ils pas de nature à contribuer à présenter un registre où sont consignés avec tous les détails nécessaires les noms de tous les électeurs où qu’ils se trouvent ?

L’administration possède, à n’en pas douter, tous les renseignements se rapportant à l’identification des électeurs et, comme ne cessent de le crier haut et fort les partis de l’opposition, la question est avant tout d’ordre politique. Le pouvoir en place sait, mieux que quiconque, qu’il n’a pas intérêt à communiquer de manière claire et transparente sur ce sujet, au risque de perdre un levier déterminant dans la gestion, toujours à son profit, des résultats des élections.

Et c’est cette même préoccupation qui, selon toute vraisemblance, prédomine chez lui en ce qui concerne la problématique du vote des corps constitués. Pour le régime en place, l’opacité autour de tout ce qui touche au fichier électoral semble constituer un gage de bonne maîtrise de l’opération électorale qu’il oriente au gré de ses humeurs. Car, s’il demeure la meilleure assurance que puisse donner le pouvoir à la classe politique sur la transparence d’un scrutin, le fichier électoral constitue, dans le même temps, un des principaux leviers par lesquels la fraude électorale peut s’exercer.