Sénateurs et députés naviguent loin, très loin, des préoccupations de leurs «électeurs».
Le Parlement, avec ses deux chambres, est hors de toute couverture. Les événements qui ont bouleversé les donnes politiques, ces derniers temps, ont totalement été ignorés par les représentants du peuple.
Aucun débat, aucune appréhension, aucune pétition; rien n’a été entrepris dans ces instances législatives, comme si les élus n’étaient pas concernés. Seuls les médias et les quelques partis politiques ont suivi les derniers bouleversements de la scène politique, qui auront un impact important sur le texte de la Constitution, c’est-à-dire sur le devenir du pays. Mais au-delà des faits marquants sur scène, comme les mutations dans la «grande muette», les arrestations de personnalités de poids ou encore les polémiques qui ont cours tous les jours, aucun écho n’a émané des deux «chambres d’enregistrement».
Il faut dire que le dernier mandat des députés n’a pas non plus brillé de mille feux; les députés étaient tout le temps absents des plénières, au point où la présidence de l’institution avait menacé des retraits sur salaires. Sauf que rien n’a été entrepris pour les dissuader. L’hémicycle avait connu une certaine animation dans la dernière APN du parti unique quand deux députés ont essayé de changer de registre,en véhiculant des discours d’opposants, jusqu’à sa dissolution au tout début de la crise politique et sécuritaire en 1992.
Puis il y a eu le CNT, une instance désignée, qui avait adopté les lois les plus importantes, comme la loi organique relative aux partis politiques ou la loi relative à l’application de l’arabe dans les institutions de l’Etat. Vint enfin l’APN «mal élue» de 1997 dont le RND, nouvellement créé, avait raflé la majorité, au grand dam du vieux parti qu’est le FLN. Mais dans cette APN-là il y avait des profils de députés convaincus qui savaient défendre leurs idées.
Ils étaient mieux informés et savaient distiller des scoops. Puis on est revenu aux situations d’antan, dans les assemblées du parti unique où la machine à voter s’est mise à fonctionner à merveille, et les voix de l’opposition sont devenues inaudibles, en sus de l’absentéisme. Inutile de parler du Sénat qui est constitué de l’ancienne croûte, soit désignée soit alignée par le biais d’une liste établie par consentement hiérarchique, doublée de mise à prix exorbitante, et qui sert à freiner les textes votés s’ils sortent du cadre légal requis.
Cette situation de non-représentativité découle des augmentations des salaires qui ont eu lieu durant la législature de 2002. Depuis, le mandat de député ou de sénateur est devenu très alléchant, au point où un marché de députation s’est installé. De nouvelles moeurs politiques ont fait leur apparition avec cette nouvelle donne. Et les députés, sans aucun profil, sont venus prendre place dans l’arène.
Lorsque des événements majeurs, comme ceux qui ont cours maintenant, viennent rompre la routine, les élus semblent être les derniers à s’en apercevoir. Ils poursuivent leur train de vie comme si de rien n’était. D’où cette absence inouïe du discernement entre le rôle d’élu du peuple et de spectateur oisif. Si la nouvelle Constitution ne prend pas en charge cet aspect de la véritable «représentativité» de l’élu, en mettant un terme au souk de «législature», en imposant des sanctions sévères, la double chambre du Parlement continuera de brasser la mauvaise glaise de ce que peut sécréter la société dans son ensemble.