«Il me reste encore une année et demie de mon actuel mandat à la tête du Mouvement, le deuxième pour moi. Et je vous annonce d’ores et déjà que je ne vais pas postuler pour un autre mandat.» Décidément, le président du Mouvement de la société pour la paix ( MSP), Aboudjerra Soltani, veut se mettre à l’air du temps !
Le patron de l’ex-Hamas, fidèle à la ligne du double discours hérité de Mahfoud Nahnah, ne lâche rien pour essayer de se réconcilier avec l’électorat intégriste pur et dur. Se sachant, lui et son parti, sérieusement bousculés à leur droite par l’avènement imminent de trois nouveaux partis islamistes, Aboudjerra emprunte carrément la posture d’un chef de l’opposition et multiplie les sorties médiatiques les unes plus spectaculaires que les autres.
Hier mercredi encore, l’ancien ministre sous Zeroual et Bouteflika a saisi l’opportunité du forum du quotidien E’Chaâb dont il est l’invité pour se distinguer : «Certains de nos dirigeants raisonnent encore avec la mentalité remontant à la période de la guerre froide», dira-t-il par exemple en allusion claire à Abdelaziz Bouteflika. Il dira aussi : «Citez-moi un seul pays au monde ou, lors d’un vote au Parlement, le nombre de procurations était supérieur au nombre des présents ! Lors des séances de vote sur les textes des réformes politiques, ce sont les sièges et non pas les députés qui ont voté ! Avons-nous voté (en 2007) pour des députés ou pour des sièges ?» Plus encore, Aboudjerra plaide pour des durées limitées dans l’exercice de postes de responsabilité : «Au bout de dix années, aucun responsable à quelque niveau que ce soit ne peut plus rien donner ! Au bout de cette période, l’on est usé, laminé (…)». Avant de lancer cette mise en garde : «J’espère que l’on en arrive pas, comme chez nos voisins, à l’extrémité où le changement interviendrait sous le slogan “dégage” ! La meilleure période pour se retirer, pour n’importe quel responsable, c’est lorsqu’il est au summum de sa gloire. »
Le MSP n’est-il plus dans l’Alliance présidentielle ? A-t-il quitté le gouvernement où il siège encore avec quatre ministres ? «C’est au majliss échoura (conseil consultatif) de trancher», répondra, toutefois, le conférencier lors du débat qui s’en est suivi. «Je n’ai aucun avis personnel sur cette question», précisera-t-il même. Aussi, s’il était réellement convaincu que l’on ne doit pas demeurer plus d’une décade dans un poste de responsabilité, pourquoi lui et le MSP ont voté des deux mains et sans procuration la révision constitutionnelle de novembre 2008 qui prolongeait indéfiniment les mandats de Bouteflika ? Le MSP et Aboudjerra ayant par ailleurs mené campagne au profit du candidat Bouteflika lors de la présidentielle d’avril 2009. Aboudjerra, qui a réponse à tout, même aux invraisemblances les plus criantes, dira à ce propos : «Si nous avons soutenu l’ouverture des mandats en 2008, c’était pour empêcher que les éradicateurs ne s’emparent du pouvoir ! Nous, nous n’avons pas oublié ce que ces gens-là nous disaient auparavant (avant 1999) : qu’ils ne faisaient aucune distinction entre les islamistes modérés et extrémistes. Que les islamistes devaient être éradiqués. Nous n’avons toujours pas oublié que, par exemple, ces éradicateurs dominaient y compris les campus universitaires. Nous n’avons toujours pas oublié une certaine pièce de théâtre intitulée Moh, prends ta valise (du grand écrivain Kateb Yacine).»
Mais Aboudjerra, qui était lui-même ministre avant 1999, se contredira tout de suite après : «Deux choses sont certaines : tous ceux qui seront pour un régime parlementaire et combattront l’option d’un régime présidentiel sont nos alliés. C’est valable de Abdallah Djaballah jusqu’à Saïd Sadi.» Quant au deuxième engagement et qui n’a aucune chance d’être tenu celui-là : «Nous ne combattrons jamais un autre parti islamiste.» Aboudjerra citera plusieurs fois le nom de Djaballah mais à aucun moment celui de Abdelmadjid Menasra. Ceci étant, Aboudjerra avouera clairement ses ambitions présidentielles pour 2014 : «Il n’y a qu’en Algérie que l’on trouve cela bizarre ! Pourtant, c’est la vocation même de chaque parti politique. Oui ! Je postulerai à la présidence et après la présidence je postulerai au poste de SG de l’ONU, s’il le faut !»
K. A.