Abderrezak Mokri : La situation s’est beaucoup développée depuis la tenue du premier congrès historique de Mazafran, en avril 2014. Le pouvoir en place, par son incompétence et la propagation de la corruption dont il a fait un levier de gouvernance, est en train de mener le pays vers la banqueroute. Tous les voyants sont au rouge. La faillite du système est perceptible à tous les niveaux : politique, économique, social, etc.
Les décideurs, occupés dans les multiples guéguerres qu’ils ont eux-mêmes engendrées, ont non seulement signé leur faillite politique mais, plus dangereux, ils sont aujourd’hui complètement déconnectés des préoccupations des Algériens.
Cette situation exige de nous, aujourd’hui plus que jamais, des prises des positions claires et urgentes.
Et c’est dans cet esprit que nous avons pris la décision, au sein de l’Isco, d’appeler à un deuxième congrès de l’opposition avant la fin de l’année 2015.
D’aucuns n’hésitent pas à évoquer l’échec de votre initiative. Pis encore, vos adversaires vous accusent de vouloir nuire à l’Algérie en insistant sur la «transition démocratique»…
Le pouvoir et ses partis-appareils sont dans leur logique. Mais permettez-moi, avant, de vous rappeler que notre congrès en 2014 avait pour objectif de construire avant tout une vision commune. «Mazafran I» a permis la naissance d’une classe politique qui partage aujourd’hui une vision précise des alternatives à proposer face aux politiques désastreuses menées jusqu’ici. J’estime que c’est un pari que nous avons réussi.
Des divergences importantes ont apparu au sein de la CLTD…
Faux ! Plutôt parler de diversité, non pas de divergences. Beaucoup de formations politiques et de personnalités de tout bord nous ont rejoints lors de la dernière réunion que nous avons tenue, le dimanche 24 octobre. Nous continuerons à travailler dans la sérénité en rassemblant le plus large possible. Nous avons besoin de concertation. La situation du pays l’exige plus que jamais. Il y a péril en la demeure. L’économie et à genoux. L’Algérie est ouverte aux quatre vents. La souveraineté du pays est en danger et les multinationales étrangères risquent de nous engloutir dans leur course effrénée à la dilapidation des richesses du pays.
Saâdani ne cesse d’appeler à la construction d’un front national en soutien au programme du Président. Il vous invite à chacune de ses sorties à rejoindre ce front. Campez-vous toujours sur votre position de rejet ?
La proposition du secrétaire général du FLN est un non-sens, comme nous avons eu l’occasion de le dire à maintes reprises. C’est à se demander si Amar Saâdani sait ce qu’est la pratique politique. Nous n’avons rien à partager avec ce parti et ses semblables. Il y a mélange des genres dans ce qu’il propose. Nous sommes dans l’opposition et le SG du FLN n’a pas trop l’air de le comprendre.
A la CLTD, vous n’excluez pourtant pas de vous asseoir autour d’une même table avec le pouvoir… et ses représentants !
Comme je l’ai dit, le chemin que nous avons parcouru au sein de l’Instance de suivi et de concertation de l’opposition (Isco) nous a permis de développer une vision claire de nos objectifs mais également les outils politiques de leur aboutissement. Nous n’avons aucun complexe à nous asseoir autour d’une table et discuter avec les dirigeants.
Nous avons dès le départ opté pour une solution inclusive de sortie de crise négociée avec les tenants du pouvoir. Cependant, nous avons posé des conditions préalables à toute négociation. Cela passe forcément par une transition démocratique, la mise en place d’une commission indépendante de surveillance des élections, ensuite l’organisation d’élections anticipées.
Le dirigeant du FLN a évoqué mardi, pour la première fois, l’élection présidentielle de 2019 en faisant savoir que le FLN présentera son propre candidat. Quelle lecture en tirez-vous ?
Je n’ai pas de commentaire particulier à faire là-dessus. C’est son droit.
Des observateurs croient déceler une bipolarisation future du paysage politique algérien, et présagent même l’option d’un candidat de l’opposition réunie. Qu’en pensez-vous ?
Les scénarios peuvent être multiples en effet. Je préfère cependant ne pas m’aventurer sur ces suppositions. L’essentiel, dans notre regroupement est de consolider notre vision et faire adhérer tous ceux qui se sentent concernés par notre initiative. Beaucoup de travail reste à faire. Les citoyens attendent de nous de la considération. Nous nous y attelons à leur répondre par un travail de proximité en leur proposant des solutions crédibles.
Un temps dans le pouvoir, un autre dans l’opposition. L’on reproche à votre parti, le MSP, un opportunisme politique…
La perfection est qualité de Dieu. Aucun parti politique au monde n’est à l’abri de faire des erreurs. Sous ma direction, le MSP développe une vision et des positions cohérentes.
Le projet d’Amara Benyounès d’assainir le marché des boissons alcoolisées est tombé à l’eau. Son éviction, y voient certains, est l’œuvre de lobbys islamistes et conservateurs. Votre parti pouvait-il être impliqué de près ou de loin ?
(Rire) Votre question suppose que si nous avons pratiqué du lobbying contre la volonté de Benyounès à assainir le marché des boissons alcoolisées, nous serions forcément pour le monopole du marché actuel. Nous sommes un pays musulman et l’Islam interdit la vente d’alcool. Cela dit, cette polémique est pour nous un détail. Nous préférons nous concentrer sur des questions plus importantes.
Que pensez-vous de l’affaire Rebrab ?
La lutte des clans bat son plein au sein du pouvoir. L’affaire Issad Rebrab est le résultat de cette guerre qui se mène en haut lieu. Cela ne m’empêche pas d’être contre toute démarche monopolistique.
Abderrezak Mokri se voit-il dans un costume présidentiel en 2019, ou avant ?
Nous avons beaucoup de travail à accomplir au MSP et avec nos partenaires. Des problèmes sérieux menacent notre pays. Nous avons plutôt choisi de nous pencher pour l’instant sur les questions urgentes, comme celles relatives à l’économie. Et 2019, ce n’est pas encore pour demain.
K. B.