Abderrazak Saghour, politologue : «Le régime ne vit pas de crise interne»

Abderrazak Saghour, politologue : «Le régime ne vit pas de crise interne»

Écrit par Aghilas Sadi

Le politologue Abderrazak Saghour nous explique, dans cet entretien, que contrairement à ce qui se dit dans la presse, le système politique algérien ne vit pas de crise interne. Pour lui, il n’existe pas de grandes divergences parmi les décideurs sur la prochaine élection présidentielle qui va se dérouler dans

les délais constitutionnels.

Reporters : A quelques jours seulement des délais constitutionnels pour la convocation du corps électoral, les Algériens ne savent toujours pas si l’élection présidentielle se déroulera dans les délais où si on ira à un report de cette échéance électorale.  Quelle analyse faites-vous de  cette situation ?

Abderrazak Saghour : Il n’y a aucune raison politique ou légale pour reporter l’élection présidentielle. On est loin des cas de report prévus par la Constitution. Le système politique n’est pas en crise pour penser sérieusement au report d’une élection aussi importante pour le pays. Les quelques tractations que connaît la scène politique nationale ces dernières semaines sont loin d’être des signes d’une crise interne au sein du régime. Sur le plan interne, toutes les institutions de l’Etat fonctionnent et jouent leur rôle. Sur le plan externe, il faut le dire, l’Algérie ne subit plus de pressions de la part des puissances du monde pour qu’elle aille dans le sens des réformes profondes de son système politique. Tous ces acteurs font du report de l’élection présidentielle une illusion.

Pourtant des partis du pouvoir, comme le TAJ, ont appelé à une conférence nationale de consensus et au report de l’élection présidentielle ?

Le régime politique en Algérie est à l’aise. Il n’est inquiété par personne pour contourner les réformes constitutionnelles. Pour votre question, il faut toujours se rappeler que les partis politiques comme TAJ ne sont pas associés à la prise de décision au sein du régime. Je ne pense pas que Amar Ghoul ait agi à la demande du cercle des décideurs. Il a fait cette proposition pour qu’on parle de lui et peut-être récolter quelques avantages. Les grandes décisions qui concernent le pays se prennent loin des partis politiques, qu’ils soient de l’opposition ou du pouvoir. Les décideurs ne sentent pas la nécessité d’associer les partis politiques à la prise de décision. Ils ont suffisamment de mécanismes pour asseoir leur contrôle et éviter les imprévus.

Le ministère de la Défense nationale a publié un communiqué virulent qui met en garde les anciens militaires qui parlent en son nom et ceux qui l’appellent à intervenir pour empêcher l’éventuelle candidature du chef de l’Etat, qu’en pensez-vous ?

Comme je vous l’ai déjà dit, le système politique algérien n’est pas en crise. Il n’y a pas de lutte au sein du régime. Ceux qui parlent de confrontations directes entre les institutions du régime comprennent mal les choses ou sont tout simplement mal informés. Le dernier message du ministère de la Défense nationale confirme l’inexistence de cette lutte de clan au sein du régime sur la manière avec laquelle sera organisée la prochaine élection présidentielle. Ce qui importe pour l’institution militaire, c’est la tenue des élections dans les délais constitutionnels et que celles-ci se déroulent dans de bonnes conditions.

Certains observateurs de la scène politique algérienne pensent que les rapports de force au sein du régime ont changé. Autrement dit, de nouveaux acteurs seront associés à la prise de décision sur le choix du candidat du système…

Il est connu au sein du système politique algérien que les institutions priment sur les personnes. On ne peut pas dire que telle ou telle personne décide sur tout au sein du système. Ce sont les institutions qui ont le pouvoir. Vous n’avez qu’à voir le sort du général Toufik, de l’ex-DG de la Dgsn Abdelghani Hamel, ou encore, les chefs de région militaire pour constater que le dernier mot revient aux institutions pas aux personnes. Pour revenir à votre question, je peux dire que rien ne changera dans les traditions du régime. Les institutions ou cercles qui ont l’habitude de décider sur la présidentielle vont le faire encore cette fois-ci. Aucun changement dans le fonctionnement du système politique algérien n’est à prévoir à l’occasion de la prochaine élection présidentielle.

Voulez-vous dire que le changement démocratique n’est pas pour demain ?

Il n’y a aucune raison pour que le régime fasse des concessions politiques à l’opposition. Il a suffisamment d’outils pour assurer la continuité de sa logique. L’opposition que vous venez de citer n’est même pas en mesure de proposer un programme politique alternatif à celui du régime. Ses projets de consensus politique ne peuvent être qualifiés de programme politique. Ce sont de simples initiatives qui ne dérangent pas les hommes au pouvoir. Toutefois, il se pourrait que le régime opère quelques changements méthodologiques sans toucher dans le fond le fonctionnement de l’Etat.

La situation économique difficile n’est-elle pas une contrainte ?

Au stade actuel, la situation est maîtrisée grâce au financement non conventionnel et aux prix du baril qui ont connu une amélioration tout au long de l’année 2018. Le pouvoir est toujours en mesure d’assurer la stabilité et de couvrir les besoins élémentaires des citoyens.

Que signifie la victoire écrasante du Front de libération nationale aux dernières sénatoriales ?

La victoire attendue du FLN ne signifie absolument rien sur le plan politique. C’est un résultat attendu de tous, d’autant plus que le Conseil de la nation ne constitue pas un enjeu majeur pour le régime. C’est une institution composée de personnes qui n’ont pas un niveau politique pertinent.