Ancien président du Majliss Echoura (conseil consultatif national) du MSP, dont il est toujours membre et non moins proche d’Abou Djerra Soltani, Abderrahmane Saïdi revient dans cet entretien sur la situation au sein du parti à l’approche d’une réunion cruciale qui doit trancher la participation du parti au prochain gouvernement.
Liberté : La participation du MSP au gouvernement fait débat, voire polémique, au sein du parti. Comment vivez-vous cette situation en tant que Majliss Echoura ?
Abderrahmane Saïdi : Il y a un retour au calme, à l’approche de la tenue de la session du conseil national qui aura à débattre et à trancher la question de la participation ou pas au gouvernement. L’heure de vérité approche. Le discours du président du parti ne peut ni la faire avancer ni la faire reculer. La participation au gouvernement est une question qu’il faudra poser et débattre sereinement.
Mais avant, il nous faut faire le bilan de notre participation aux élections législatives. C’est très important. Car, pour vous dire vrai, si le président du mouvement s’est beaucoup attardé sur la question de la participation au gouvernement, c’est, de notre point de vue, pour reléguer au second plan, sinon occulter le débat sur les résultats du parti aux législatives. Des résultats que je considère, pour ma part, en deçà de nos attentes, malgré tout ce qu’on peut dire au sujet des dépassements qui ne justifient pas tout.
La fraude ou les agressions dont ont fait l’objet nos militants sont certes comptabilisés, celles-ci ne doivent pas cacher la réalité. Nous devons savoir si nous avons réussi ou pas et si nous pourrions aller aux prochaines élections, les municipales, où une grande bataille nous attend. Tout le débat auquel on assiste actuellement ne va pas à l’essentiel. L’enjeu pour nous est de savoir si le mouvement pourra continuer dans cette situation.
Même avec une moisson de 33 sièges, vous estimez que votre participation aux législatives est un échec…
Oui, on n’a pas réussi. On a perdu beaucoup de temps. Nous nous sommes engagés dans l’aventure de la transition démocratique et avons agi dans ce sens, mais cette démarche ne nous a pas garanti des résultats. Pour moi, le débat autour de l’entrée au gouvernement est minoritaire par rapport au grand débat.
Au sein du Majliss Echoura, quelle tendance semble l’emporter : celle favorable à l’entrée au gouvernement ou celle qui s’y oppose ?
D’abord, je tiens à souligner un principe au sein du mouvement : lorsqu’il y a des sujets à polémique, nombre de membres de ce conseil se gardent d’exprimer leur opinion en public. Parce qu’ils ne veulent pas en débattre de cette façon. La majorité des membres est sereine et s’abstient de toute déclaration. Personne ne peut prédire quelle sera sa réaction. Ni le président du mouvement ni aucun autre.
D’ailleurs, nous l’avions remarqué auparavant, quand les débats sortent de leur cadre, laissant la place à des échanges comme ceux actuels, les membres de la plus haute instance prennent leur décision, tout en se gardant de participer à la polémique. À titre d’exemple, quand cheikh Mahfoud a été écarté des élections de 1999, il y avait des tirs croisés, dont personne n’a été épargné, y compris le conseil constitutionnel que présidait Bouchaïr à l’époque, mais en fin de compte le conseil (Majliss Echoura) a décidé de soutenir la candidature d’Abdelaziz Bouteflika, en privilégiant l’intérêt du parti sur les personnes.
Pensez-vous qu’il est de l’intérêt du MSP d’entrer au gouvernement, aujourd’hui ?
J’en suis même convaincu. Il y va de l’intérêt du mouvement d’entrer au gouvernement. C’est là mon avis, mais c’est le conseil qui décidera en dernier ressort. Je ne sais pas combien de collègues au Majliss pensent comme moi. Je n’en fais pas une préoccupation personnelle. C’est Abderrezak Makri qui est en train d’essayer de faire le décompte des pour et des contre, car il a lié la question de la participation à son propre choix. Il ne veut pas perdre, alors que, pour moi, l’intérêt du mouvement doit primer.
Des déclarations font état de l’ouverture par le gouvernement de canaux de discussions avec d’autres cadres du parti, notamment avec Abou Djerra Soltani. Les confirmez-vous ?
Non, je n’ai pas eu connaissance de contacts de ce genre, d’une part, et d’autre part cela ne fait pas partie de la démarche des gens au sein du pouvoir. Ils savent qu’il y a un grand débat au sein du mouvement, donc ils laissent les gens trancher en toute quiétude. Mais ce que l’on sait, c’est Makri lui-même qui a ouvert le débat sur la question de la participation au gouvernement, avant même la décision de participation aux élections.
Tout en ayant opté pour l’opposition, il est resté sur un discours plutôt conciliant. Il est tout à fait normal donc, quand vous ouvrez le débat et que vous montrez des prédispositions de participation au gouvernement, même en posant des conditions, que le pouvoir prenne contact avec vous, s’il a une intention de vous associer à l’Exécutif. Le problème est qu’il n’a pas abordé la question avec des parties au sein du mouvement, mais en tant que président du mouvement, il a montré des prédispositions dans ce sens. Pourquoi n’ont-ils pas pris contact avec nous auparavant ? Ils savaient bien que nous étions engagés au sein de la CLTD et de la plateforme du Mazafran. Et les gens qui veulent faire partie du gouvernement ne sont pas aux commandes du mouvement, mais dans l’opposition interne. Qui a dit que les élections seront propres et qu’il y a des garanties de transparence ? C’est la direction. Mais puisque Makri a transposé le débat à la haute instance du parti, on doit la laisser trancher souverainement et en toute sérénité.