Abderrahmane Mebtoul pose la question du devenir de l’économie : « Tout retard dans les réformes aura des coûts sociaux »

Abderrahmane Mebtoul pose la question du devenir de l’économie : « Tout retard dans les réformes aura des coûts sociaux »

Farid Messaoud

L’Algérie, acteur indispensable à la stabilité euro-méditerranéenne et africaine, peut faire aboutir des réformes économiques, sociales et politiques…. Il s’agit d’un processus indissociable d’une profonde démocratisation de la société, fait savoir Abderrahmane Mebtoul, expert international. Et selon lui, tout obstacle à ces réformes ne fait que diminuer le taux de croissance.

De même, il peut constituer une source d’insécurité dans le pays et, par là même, contribuer à la déstabilisation sociale et politique. Mebtoul explique également que tout retard dans le processus des réformes induira des coûts sociaux plus importants, et supportés par les plus démunis. De son point de vue, la refonte de l’Etat, dont l’administration, l’intégration de la sphère informelle, les réformes des systèmes financier, fiscal, douanier et socio-éducatif, les mécanismes nouveaux de la régulation et de la cohésion sociale, l’optimisation de l’effet des dépenses publiques et la nouvelle gestion des infrastructures reposent sur la rationalisation des budgets. Cela renvoie à tout le débat sur la problématique du devenir de l’économie nationale.

Mebtoul souligne cette relation d’interdépendance entre l’économie et le pétrole dont le pays n’arrive pas à se défaire. L’économie algérienne est une économie totalement rentière. Elle se porte relativement bien, quand les cours du brut sont élevés. Elle flanche lorsque ceux-ci dégringolent. Le profit continue ainsi de provenir de la seule exploitation des ressources pétrolières et gazières. Ephémère ressource. De fait, le seul levier dont dispose le pays en matière économique est de préserver ses réserves de change. Celles-ci se sont établies autour de 80 milliards de dollars à fin février 2019. L’expert estime que cette manne financière va « se volatiliser d’ici à la fin de 2022, en cas de non-changement de politique économique et au rythme actuel des sorties de devises ». Il attire l’attention sur un registre du financement non conventionnel qui est inefficace.

L’expert juge que cette politique est « hasardeuse ». La planche à billets tourne à plein régime. Les chiffres fournis par Abderrahmane Mebtoul sont parlants puisque le tirage a atteint 6 556 milliards de DA au 31 janvier 2019, dont 2 185 milliards de DA en 2017, 3 471 milliards de DA en 2018 avec un emprunt supplémentaire d’une valeur de 500 milliards de DA, dont une grande partie sera destinée à la Caisse nationale des retraites (CNR). Le total représente environ 28% du PIB. Dans le même temps, la dette publique, qui s’élève à plus de 36% du PIB à la fin de 2018, risque, selon lui, de conduire dans deux à trois ans à une « spirale inflationniste incontrôlée ». La réforme globale est, recommande-t-il, la condition indispensable à la production et aux exportations hors hydrocarbures, en évitant ces subventions généralisées, sans ciblage et socialement injustes, ainsi que les assainissements des entreprises publiques, répétés sans résultats probants.

Les réformes, au-delà des résistances naturelles des tenants de la rente, devront permettre, dit-il, de mettre en place les bonnes pratiques en matière de gouvernance, de lutter contre la corruption qui devient une menace pour la sécurité nationale. Il faut, a-t-il ajouté, la combattre efficacement et pas seulement par des textes de lois. Les cris de la jeunesse pour un profond changement doivent, a-t-il rappelé, être entendus afin que l’Algérie puisse relever les défis du XXIe siècle caractérisés, en ce monde interdépendant en perpétuel mouvement, par d’importants bouleversements géostratégiques tant dans le domaine sécuritaire, économique, politique, social que culturel. La réussite des réformes, pour faire de l’Algérie un pays émergent, ayant toutes les potentialités, doit reposer, sur cinq axes : sécurité, stabilité du pays, refondation de l’Etat, démocratisation et réformes économiques conciliant efficacité économique et une profonde justice sociale.