Écrit par Maya H.
L’économiste et professeur des universités Abderrahmane Mebtoul a passé hier au peigne fin la situation économique nationale. Lors de son passage hier à l’émission radiophonique «L’invité de la Rédaction» de la Chaîne III
, l’expert souligne que «l’Algérie traverse une crise de gouvernance qui risque de se transformer en crise financière d’ici 2022, si des mesures adéquates ne sont pas prises», tout en précisant que le «défi est réalisable». A ses yeux, l’Algérie, dans un monde digital qui se développe de façon vertigineuse, doit impérativement suivre ce développement de la connaissance, rappelant l’importance de la ressource humaine dans le développement économique. Pour l’investissement, il énumère quatre obstacles auxquels s’imposent, dit-il, des solutions efficientes : bureaucratisation et centralisation, un système financier non performant et un système socio-éducatif non adapté à l’environnement global.
La bonne gouvernance que l’expert préconise «se vérifie dans la vision et les convictions des vrais acteurs et leurs capacités réelles à entreprendre les actions appropriées et engager la société dans la voie de l’efficacité et de la modernité fécondes et intelligentes». A une question liée aux projections de la Banque mondiale annonçant 2,3% de croissance en 2019 contre 2% prévu dans son précédent rapport sur les perspectives économiques mondiales, Pr Mebtoul dira que «la réussite des réformes institutionnelles et l’optimalisation de la dépense publique impliquent plus de décentralisation, à ne pas confondre avec la déconcentration qui renforce la bureaucratisation ainsi que de nouvelles formes de protection sociale».
A ce sujet, l’institution de Bretton Woods est formelle. «L’Algérie devrait décélérer à 2,3% du fait de la diminution progressive des dépenses publiques, qui avaient connu une augmentation considérable l’année dernière», précise-t-elle dans la note consacrée aux perspectives économiques de la région Mena, accompagnant ce rapport. Sur sa lancée, l’économiste a également relevé la nécessité de bien définir les priorités. «L’on devra différencier stratégie et tactique en ce monde turbulent et instable, supposant des stratégies d’adaptation tant internes que géostratégiques avec la quatrième révolution mondiale économique qui s’annonce entre 2020 et 2030».
Et d’ajouter : «L’Algérie n’a pas d’autres choix que d’accélérer les réformes structurelles, microéconomiques et institutionnelles, condition de la stabilité macroéconomique, si elle ne veut pas épuiser ses réserves de change et aller au FMI horizon 2022». Evoquant l’industrie automobile, le Pr Mebtoul souligne qu’en 2018, l’Algérie a enregistré 3,5 milliards de dollars de sorties de devises en importations de pièces CKD/SKD. Ce chiffre risque encore d’augmenter à 10 milliards de dollars, c’est l’équivalent de 40% des recettes de la Sonatrach, si on prend un cours de 60 dollars le baril. Enchaînant, il souligne qu’aucun pays au monde n’a dix constructeurs d’automobile. «Chaque pays a deux ou trois marques et surtout un cahier des charges précis, avec des objectifs de taux d’intégration et d’exportation, suivi de bonifications graduelles». Des solutions en vue ? «Réorienter cette politique qui est extrêmement dangereuse et qui porte atteinte à la sécurité nationale », ajoute, sentencieux, l’universitaire.
Par ailleurs, Abderrahmane Mebtoul a annoncé qu’il a été désigné chef de la délégation algérienne au Sommet de la société civile des deux rives de la Méditerranée, qu’abritera Marseille le 24 juin prochain, où l’Algérie abordera le dossier «le plus important» portant sur la transition énergétique, soulignant le rôle pivot que joue l’Algérie en Afrique et en Méditerranée. Un rôle, soutient-t-il, appelé à être consolidé à travers des réformes structurelles.