Abderrahmane belayat, coordinateur du bureau politique du FLN, à l’expression : « Saâdani est un indu-occupant et il va partir »

Abderrahmane belayat, coordinateur du bureau politique du FLN, à l’expression : « Saâdani est un indu-occupant et il va partir »

Dans cette interview, Abderrahmane Belayat, qui tient toujours à son poste de coordinateur du bureau politique du FLN, poste qu’il occupe depuis la destitution de Belkhadem le 31 janvier 2013, ne ménage pas Amar Saâdani, secrétaire général du parti. Le qualifiant d’indu-occupant du siège national du parti, il estime que sa fin est arrivée. Il parle de la situation interne du parti et explique que le dernier remaniement gouvernemental n’est pas conforme à la logique d’un parti majoritaire (FLN) qui ne compte que trois ministres dans une équipe de 32 membres.

L’Expression: Pour commencer, pouvez-vous nous faire le point sur la situation interne du FLN?

Abderrahmane Belayat:

depuis le 31 janvier 2013, le Comité central (CC) a procédé au vote de confiance à l’initiative du secrétaire général de l’époque, Abdelaziz Belkhadem, qui a décidé d’aller à ce vote pour mettre fin à l’opposition ouverte qu’il a rencontrée au sein du CC depuis la fin du 9e congrès de 2010 et surtout depuis la formation du bureau politique (BP). C’est une opposition ouverte et agissante qui a duré pratiquement trois années.

Durant la 6e session du CC qui a enregistré le retrait de confiance, le CC n’a pas été en mesure d’élire un nouveau secrétaire général. Devant cette situation, il a été fait application de l’article 9 du règlement intérieur du CC qui donne la direction provisoire du parti au membre du BP le plus âgé qui devrait convoquer le CC pour élire un nouveau secrétaire général. Mais la session n’a pu être convoquée à cause des divergences qui ont miné le CC pour des positions antagoniques. Réunir le CC dans de telles conditions aurait contribué à approfondir les causes du conflit et les divergences.

Mais le CC s’est bel et bien réuni le 29 août 2013 à l’hôtel El Aurassi et a consacré Amar Saâdani comme nouveau secrétaire général du parti. N’est-ce pas?

C’est une initiative qui a été prise en dehors des textes régissant le parti, et a été fomentée pour aboutir à une réunion illégale le 29 août 2013 et dans des conditions antinomiques avec la transparence et la liberté de choix. Il n’y a pas eu de vote; il n’y a eu que des acclamations préfabriquées et appuyées par des participants étrangers au CC et même au parti. Ceci est attesté par le témoignage de ceux qui ont assisté et par des films et photographies contenus dans des CD et DVD.

Cette réunion illégale et illégitime n’a même pas eu l’autorisation administrative, puisque celle obtenue illégalement a été annulée par un arrêté du Conseil d’Etat pris en appel et en dernier ressort. Sur le même plan, il n’y a pas eu un huissier de justice à cette réunion illégale et illégitime tel qu’exigé par la réglementation. Tout ce qui a suivi est entorses et atteintes à la loi et aux statuts et règlements du parti et entraîné dans la même trajectoire de l’illégalité et l’illégitimité.

Donc vous tenez toujours à votre poste de coordinateur du BP?

Exactement et je ne peux pas faire le contraire. Je ne peux pas me dédouaner par la facilité et la compromission de faire semblant d’oublier cette atteinte à la souveraineté du CC et la libre détermination de ses membres.

Mais toutes vos tentatives de réunir le CC pour élire un nouveau secrétaire général ont échoué. Pourquoi à votre avis?

Non, elles n’ont pas échoué, car la demande présentée par trois membres du CC et appuyée par l’écrasante majorité est toujours en vigueur. Il reste simplement à l’actualiser par la date et le lieu de la réunion projetée.

Pour fédérer les efforts de toutes les parties opposées à M. Saâdani, vous avez créé l’Instance exécutive de la direction unifiée…

C’est une adaptation à la réalité de la vie interne du CC. Comme on le sait, il y a eu le mouvement de redressement dirigé par Abdelkrim Abada, renforcé par un autre mouvement de refus et de résistance constitué après les candidatures aux législatives du 10 mai 2012.

De l’autre côté, il y a les sympathisants et fidèles de Belkhadem et il y a aussi d’autres membres qui sont toujours fidèles à la légalité, la stabilité et la bonne santé du FLN. Ils se rejoignent tous dans le refus, du fait accompli illégal et dans le rejet de la fuite en avant et la surenchère irresponsable.

C’est donc à l’écoute et même à la demande des uns et des autres, qu’il y a eu convergence pour unifier la direction et la doter d’une instance exécutive, en la chargeant principalement et prioritairement d’aboutir en urgence à la réunion du CC pour pourvoir au poste du secrétaire général demeuré vacant depuis le 31 janvier 2013.

Où se situe le siège de cette instance puisque le siège officiel du parti est occupé par l’équipe de M.Saâdani?

Il est en Algérie. C’est la réponse qui convient à tous ceux qui ont pour mission de sauver l’identité, l’indépendance et l’efficacité de ce parti qui tire son essence du mouvement national de la révolution armée et des différentes étapes de l’édification nationale. Je vous réponds ainsi parce que j’éprouve un certain malaise et une nausée évidente de m’avouer et de vous reconnaître et d’admettre devant l’opinion publique que nous sommes victimes d’une indue occupation des lieux de la direction nationale et de sa fonction politique primordiale en relation avec les instances officielles de l’Etat.

On évoque aussi dans ce contexte un éventuel retour de Belkhadem à la tête du parti, lui qui a exprimé à maintes reprises son souhait que son successeur soit élu de la même manière avec laquelle il a été destitué. Cela est-il possible?

Dans la qualité qui est la mienne comme je viens de l’évoquer, il est pour moi un devoir impératif de rester à équidistance de tous ceux ou celles qui aspirent à être élus secrétaire général du parti. Donc, la chance de Belkhadem est une évidence. Il a été obligé, j’allais dire, contraint et forcé moralement, de mettre fin à la discorde par le recours à l’urne pour le retrait ou la confirmation de confiance en sa personne dans le poste de secrétaire général. Ce à quoi il n’était pas tenu statutairement.

Donc, et tout le monde est d’accord avec lui, sauf quelques rares exceptions, pour que l’élection du secrétaire général se fasse à bulletins secrets, contrairement à l’imposture qui s’est déroulée sous les yeux de tout le monde le 29 août 2013 à l’hôtel El Aurassi. Cette imposture est demeurée une tâche indélébile de l’ignominie qui a été perpétrée. D’une façon ou d’une autre, tôt ou tard et plutôt très vite, cette anomalie et cet acte idiot seront écartés de la vie interne du FLN.

Pour contrer vos initiatives, Amar Saâdani a actionné la commission de discipline. Que répondez-vous à cette menace?

C’est un acte désespéré. C’est la fuite en avant comme l’acte innommable du 29 août 2013. Cette démarche est imprudente, car elle espère vainement intimider les membres du CC en érigeant un obstacle devant l’action de ceux qui, comme moi, sont fidèles aux textes et à la doctrine du parti. Je rappelle que la commission de discipline, en ce qui concerne les membres du CC, ne peut être mise en action que par le secrétaire général. Or, actuellement, le FLN n’a pas de secrétaire général.

En plus, cette commission n’a pas de président, car le dernier en poste a présenté sa démission à l’ex-secrétaire général (Belkhadem) qui détient la lettre de démission. Je ne veux pas entrer dans l’examen de ce qui a motivé cette démarche, étant sûr de ma position juridique et très conscient des actes que j’accomplis en son nom.

Mes actions et celles de mes camarades sont conformes aux textes du parti, à sa ligne politique et sont protégées par la loi. Le ou les indus-occupants qui ont l’audace, l’imprudence et l’irresponsabilité de nous faire un procès, sont en train de se discréditer et de porter un voile sombre sur la vie actuelle du parti.

Leur position en ce domaine ne résiste pas à l’examen, comme diraient les juristes. Ils s’embarquent dans une histoire invraisemblable qui est dénoncée et vomie par l’écrasante majorité des membres du CC, des militants et de l’opinion publique, y compris celle qui n’a pas de sympathie avec le FLN.

On pourrait même ajouter que les institutions concernées par l’action et la vie des partis politiques sont passablement gênées et hostiles à de tels développements, concernant la place et le rôle du parti au moment où l’agenda politique comporte de grands dossiers en chantier.

Nous prendrons à témoin les militants et la direction du parti sur ce procès qui nous est intenté et leur révélerons ses tenants et aboutissants à travers tous les médias dans leur diversité. Nous avons voulu et voulons toujours faire parler l’urne transparente et impartiale pour mettre fin à cette discorde et cet abcès. Nous espérons avoir cette possibilité rapidement pour permettre au parti de revenir au fonctionnement simple, transparent, efficace et déterminant de leadership et de clarté.

Dans le dernier remaniement gouvernemental, le FLN a été marginalisé. Ce parti qui a la majorité dans toutes les assemblées élues est minoritaire dans cette «assemblée désignée» de 32 membres et ne compte que trois ministres. Cette situation est-elle normale?

Ce n’est pas conforme à la logique d’un parti majoritaire, d’autant plus qu’au sein du parti, il y a la possibilité de proposer ces postes selon les profils voulus par le président de la République qui est le seul habilité à nommer des ministres. Qu’il y ait des ministres proposés par des formations politiques qui soutiennent l’action du président est concevable, mais que la composante ne tienne pas compte de la majorité du FLN, il y a des explications à rechercher auprès de ceux qui ont composé le gouvernement.

L’opinion interne du parti et les membres du CC n’acceptent cette situation que parce que le président de la République est aussi président du parti. Mais la situation ne va pas durer. Elle sera changée après la révision de la Constitution.