Abderezak Adel et Ahmed Rouadjia au café littéraire de Béjaïa « l’université est devenue une garderie »

Abderezak Adel et Ahmed Rouadjia au café littéraire de Béjaïa « l’université est devenue une garderie »

Cette énième sortie du Café littéraire de Béjaïa a été l’occasion de rendre hommage à Assia Djebar et Roger Hanin.

«Quel premier bilan tirer de la généralisation du système LMD? Quel type d’enseignement universitaire nous faut-il? Quel remède pour les maux qui rongent notre université? Quelle réforme faut-il envisager? Que faire, en somme, devant un constat amer de notre enseignement supérieur? Tels étaient les principaux questionnements qui ont orné les débats du Café littéraire de Béjaïa tenu dans l’après-midi de samedi dernier au Théâtre régional Malek-Bouguermouh de Béjaïa.

Un Café littéraire autour du livre «Repenser l’université», un livre collectif dirigé, coordonné et présenté par feu Djamel Guerid, fruit des actions du colloque scientifique organisé en 2001 à l’université d’Oran. Une rencontre qui se veut un hommage à ce dernier qui en était le précurseur «l’université se trouve, aujourd’hui, face à des problèmes nouveaux et inédits. Repenser l’université est, plus que jamais, une nécessité qui ne peut plus attendre», avait-il suggéré avant de laisser l’Université algérienne orpheline de ses idées.

Un débat riche et fructueux auquel a eu droit l’assistance nombreuse composée en grande majorité d’enseignants universitaires et d’étudiants Intervenant en premier, Ahmed Rouadjia de l’université de M’sila a d’emblée dressé un tableau noir de l’Université algérienne «depuis les réformes de 1971, l’université a sombré dans la médiocrité continue», avait-il asséné avant de faire le constat amer en se basant sur des données relevées en trois étapes 1954, 1962 et 2012 où l’université comptait 503, 2750 et 1,5 million d’étudiants respectivement, «nous avons assisté à un progrès quantitatif qui a escamoté le volet qualitatif de l’enseignement, par ricochet des diplômes» avait-il martelé sans être indulgent avec ses collègues enseignants qui les chargent sans ambages «l’immobilisme intellectuel incombe en grande partie et en premier lieu aux enseignants qui ont délaissé leur véritable rôle…les enseignants sont responsables de l’autoritarisme de l’université.» Pour Rouadjia, la refonte doit commencer par l’école maternelle, car il est impossible de transformer l’enseignement universitaire sans toucher au système éducatif dans son volet pédagogique.

LG Algérie

Par ailleurs, dans son intervention introductive, Adel Abderezak, ex-porte-parole du Cnes n’a pas été avec le dos de la cuillère pour dresser un tableau sombre de l’université «On a déconnecté l’université de sa société, de son intellectualité et de son savoir critique pour faire d’elle une immense garderie massifiée qui dispense des formations dévalorisées» a-t-il asséné avant d’expliquer que «la structure bureaucratique a rendu l’université irréformable étant donné que l’administration universitaire est un prolongement de l’autorité politique… Le principe de la réforme prônée par les pouvoirs publics ne repose pas sur le principe de la transmission du savoir, c’est plutôt sur la gestion des flux sur fond de paix sociale… L’administration universitaire fonctionne comme un parti politique avec en prime le principe «laisser faire, laisser passer», le principe fondamental du libéralisme…en somme nous assistons, ces derniers temps à une structuration de plus en plus mafieuse de l’université…». En outre, concernant la question relative au bilan sur le système LMD, Abderezak Adel a été clair: «le principe philosophique du système LMD dont la portée est économique vise la ‘marchandisation » du savoir. On ne peut établir un bilan exhaustif en l’absence d’une transparence en matière de statistique…». En outre, en conclusion, pour les deux conférenciers, le passage de l’impératif de quantité à l’impératif de qualité est l’unique voie de salut pour l’Université algérienne…