Le problème se situe dans la régulation du marché
Le manque terrible en infrastructures et l’immense retard accusé dans la réalisation des marchés de gros n’ont fait qu’aggraver la situation.
Spéculation, mafia de l’agroalimentaire et de l’import/import, lobbying autour de la grande distribution des produits alimentaires. Ce sont là autant de failles et de gouffres qui égrènent le pouvoir d’achat des Algériens à quelques semaines du mois de Ramadhan, une période de sur-consommation.
Pour le ministre de l’Agriculture M.Nouri, en visite récemment dans la wilaya de Tipasa, qui avait soutenu par le passé que le problème se situe dans la régulation du marché, aucune allusion n’a été faite à ce propos. Il faut dire que toutes les solutions imaginées par les secteurs concernés telles que le système Syrpalac (système de régulation des produits à large consommation), n’ont donné aucun résultat sur le terrain. Actuellement, il existe en Algérie 1597 marchés dont 43 dédiés au commerce de gros de fruits et de légumes et 654 de détail et 623 sont des marchés hebdomadaires.
La mauvaise répartition et la désorganisation qui les caractérisent, ont laissé place à une armée de spéculateurs, d’intermédiaires et de mandataires informels. Et ce, à travers des procédés très simples, qui consistent à s’approprier les plus grandes quantités de fruits et légumes, les entreposer jusqu’à ce que la demande arrive à des seuils qui leur permettent de vendre à prix forts. Il est clair que le manque terrible en infrastructures qui permettent l’établissement d’un système de contrôle, de traçabilté et l ‘immense retard accusé dans la réalisation des marchés de gros et de détail, en vue d’organiser le commerce intérieur et légaliser les activités informelles n’ont fait qu’aggraver la situation.
Pour les viandes, la problématique est identique, les règles établies par les différents systèmes de distributions étatiques, tels que la SGP Proda, incluant 290 points de vente à travers le territoire national, n’arrivent toujours pas à maintenir des prix plus ou moins abordables pour le consommateur. D’autre part, le manque cruel d’infrastructures, tels que les centres d’abattage destinés à encadrer cette distribution, a lourdement encouragé les spéculateurs à asseoir leurs business. En matière de viande blanche, produit de large consommation, les abattoirs avicoles publics ne prennent en charge que 20% de la production nationale. C’est dire la gravité des risques pour la santé humaine qu’implique la prolifération des abattoirs clandestins et ce en plus des dangers qui découlent des mauvaises conditions de stockage et congélation.
En tout état de cause, l’abandon de cette filière par les aviculteurs a entraîné une perte sensible sur la production et par conséquent une hausse des prix sans précédent. La flambée des prix prend toute sa mesure lorsqu’il s’agit de viandes rouges. A la veille du mois de Ramadhan, le consommateur assiste impuissant à une envolée des prix de la viande rouge qui passent du simple au double, du jour au lendemain.
Il est vrai que la demande spécifique du mois de Ramadhan requiert une stratégie et une gestion particulières, mais ni les importations massives qui accompagnent ce mois, ni les mesures et systèmes mis en place, n’ont pu réduire cette frénésie des prix et empêcher les forces de la spéculation d’avoir main basse sur ce marché. Ces dernières agissant dans la clandestinité sont alimentées par des complicités, peuvent aller jusqu’à provoquer des pénuries pour déjouer les différents mesures étatiques et sauvegarder leurs intérêts. Selon les experts, 60 à 80% des fruits et légumes écoulés sur le marché, passent par des mandataires informels.
Ceci étant, à moins de deux mois du Ramadhan, le calcul du budget de consommation alimentaire de l’Algérien moyen, est devenu un réel casse-tête chinois, relevant de l’utopie. Pour un Snmg ne dépassant pas les 18.000 DA et un salaire moyen en Algérie, autour de 35.000 DA, le consommateur algérien est confronté à une mercuriale qui annonce des prix étourdissants, ainsi la pomme de terre est cédée entre 40 et 70 DA, l’oignon affichait ce matin 120 DA, la tomate oscille entre 100 et 120 DA. Alors que pour la viande rouge les prix arrivent à culminer à 1300 et 1500 DA, l’escalope de dinde atteint les 700 DA. En somme, il semble que ce phénomène est fortement enraciné sur le terrain. L’Algérie a pris l’habitude de s’installer dans la pénurie, quant au consommateur, il ne peut au demeurant, que prendre son mal en patience.