À ceux qui prétendent aller créer de la richesse en Afrique, Abdelouahab Rahim, président de l’Union nationale des investisseurs (UNI) et de la Coordination du patronat algérien (CPA), recommande de commencer
par le faire chez soi, en Algérie.
C’est avec beaucoup de cohérence dans les idées qu’Abdelouahab Rahim a fait le tour des questions qui occupent le débat économique national, hier, lors de son passage au Forum de Liberté. Invité à donner son avis sur l’initiative du FCE d’aller conquérir le marché africain, il commencera par ironiser : “C’est une bonne vision intellectuelle.” Cela dit, il renvoie la question à l’assistance : “Mais avec quoi voulez-vous conquérir le marché africain ?… À moins que ce soit avec les produits subventionnés par l’État !”
Abdelouahab Rahim ne reste pas sur ce seul propos et exprime plus longuement son opinion : “L’Afrique n’a pas attendu l’Algérie pour investir. Bon nombre de pays du continent noir disposent déjà d’une bonne assise économique et beaucoup de sociétés étrangères y sont installées depuis longtemps. Il serait faux de considérer l’Afrique comme un simple marché où tout peut être écoulé. Il exige de la qualité, les normes et la régularité dans l’approvisionnement. Il ne faut donc pas imaginer que tous les pays africains sont à l’image économique de l’Algérie. J’aimerais bien voir ceux qui parlent de conquérir le marché africain commencer par créer de la richesse chez eux. Nous sommes en plein développement interne. Il faut être fort chez-soi pour pouvoir aller investir à l’extérieur.”
“Pas de monopole au nom du patronat”
L’autre question adressée au président de l’UNI et de la CPA, est de savoir s’il y a possibilité d’envisager le regroupement du patronat dans une seule organisation ? Il considère que l’unité du patronat sur les grandes questions est indispensable, mais à condition de ne pas mettre toutes les entreprises privées sous la même chapelle.
“Il y a des opérateurs qui ont pour priorité l’investissement, d’autres les opportunités qu’offre le marché. Il serait déraisonnable qu’au nom du patronat nous revenions à la logique du monopole. Aussi, que le gouvernement a besoin d’avoir plusieurs partenaires”, a-t-il soutenu. Abdelouahab Rahim a également abordé le secteur public. À la question de savoir si les règles concurrentielles ne sont pas biaisées avec la subvention des entreprises étatiques, il estime que le gouvernement ne sait pas encore ce qu’il veut faire de ce secteur. “Le secteur public est important dans certains segments et beaucoup moins dans d’autres. Lorsqu’une entreprise publique peine à survivre, le gouvernement injecte de l’argent mais sans inscrire cet effort financier dans une vision globale”, constate-t-il. Abordant la problématique de l’informel, l’invité du Forum de Liberté a expliqué qu’il n’est pas aisé d’éradiquer un tel fléau si une économie véritable ne vient pas à lui être substituée.
“En Algérie, il n’y a pas d’économie mais un marché. C’est pour cette raison que l’informel s’est développé d’une manière extraordinaire. Maintenant si nous voulons en finir avec cette économie de bazar, il faut offrir quelque chose en parallèle. Je crois que la problématique est d’ordre structurel”, relève-t-il.
“La réponse à l’ambassadeur des États-Unis sur la règle 51/49%”
Interrogé sur la nécessité ou pas de revoir la règle 51/49%, Abdelouahab Rahim affirme que son avis est tranché en la matière : “Ceux qui tendent à nous expliquer théoriquement que cette règle bloque l’investissement se trompent. Attendre que les étrangers viennent développer notre pays est une idée farfelue. C’est une règle de souveraineté, les Algériens doivent prendre part au développement de leur pays.” Cependant, il n’exclut pas qu’une telle option peut être envisageable un jour.
“Nous avons pris du retard par rapport à ce qui se fait ailleurs. Le jour où nous aurons une économie forte, nous ouvrirons l’investissement aux étrangers à 100%. Le faire maintenant alors que nous ne sommes pas économiquement armés, il y a un risque de connaître à nouveau les douloureuses expériences du passé.”
Relancé par la presse sur les déclarations de l’ambassadeur des États-Unis, Henry Ensher, à l’issue de la Foire internationale d’Alger (FIA), Abdelouahab Rahim n’a pas fait dans l’économie de mots : “S’il y a autre chose qui empêche de venir investir en Algérie, il faut le formuler clairement plutôt que de mettre en avant le prétexte de la règle 51/49%. Il existe beaucoup de pays qui appliquent la règle 51/49%, qui ont atteint un bon développement économique et dont des sociétés américaines sont partenaires. À moins que l’on considère ailleurs que nous n’avons pas le nombre de neurones suffisants pour investir nous-mêmes et nous contenter du statut d’exécutants ou d’ouvriers.” Enfin, l’invité du jour a tenu à rappeler que “les échéances futures sont d’une grande importance” et que surtout “l’Algérie est un pays à construire”.
M. M.