Ambiance plutôt bonne et conviviale pour une élection annoncée morose suite aux rumeurs faisant état de son boycott sinon de son report. Les avocats étaient au rendez-vous, jeudi dernier, au tribunal de Ruisseau. Moins nombreux que d’habitude mais tout de même assez représentatifs d’une corporation décidée à se battre pour son indépendance. En effet, la réélection pour le renouvellement des membres du conseil de l’Ordre des avocats d’Alger a eu lieu dans de bonnes conditions et les avocats se sont exprimés librement devant les urnes. Ils se sont exprimés pour la même personne, Me Sellini en l’occurrence.
1 395 votants sur un ensemble de près de 4 000 inscrits. 75 bulletins nuls mais 796 voix pour l’ancien bâtonnier, élu à la majorité absolue. Une présence des avocats qui renseigne de façon on ne peut plus claire sur la mobilisation de toute la corporation pour la préservation de ses acquis et la défense de ses droits. Des résultats du vote qui confirment ceux d’une même opération annulée, le mois de janvier dernier par arrêté du Conseil d’Etat. «C’est l’expression de la volonté des avocats… Les avocats refusent qu’on leur dicte des choix», lance Me Sellini, convaincu, sans le dire, de sa réélection à la tête du barreau d’Alger. «Nous sommes venus pour le principe», affirment des avocats, anciens et nouveaux, jeunes et moins jeunes, hommes et femmes. Parmi ces hommes, il y a ceux que l’on appelle «le barreau de Paris», ces avocats qui ont prêté serment en 1940, 1945, 1950… et qui considèrent la profession d’avocat comme une sacerdoce. «Je suis venu pour le principe», entend-on dire ces maîtres qui traînent le pas difficilement.
L’un d’eux est très malade mais insiste pour voter, prenant tout son temps dans le bureau de vote sis au rez-de-chaussée pour cocher les noms qu’il juge les plus compétents pour représenter la corporation. Tenant les mêmes propos, une femme confie qu’elle vient spécialement de Paris pour voter «Sellini», un être «honnête et humain». «Tu es le frère, le confrère…», dit un autre. «Nous votons pour Me Sellini», lancent deux autres avocats, un homme et une femme nommés avocats tout récemment. Et ces deux derniers de répondre à certaines accusations : «Ils disent que l’équipe de Sellini a influé sur les stagiaires et a utilisé leurs voix… Sachez qu’il n’y a aujourd’hui que 274 stagiaires sur un ensemble de 1 400 par rapport au dernier vote.
Tous les autres ont bénéficié de la levée de stage et exercent leur droit en toute liberté». Membre de la commission de préparation de cette élection, l’ancien bâtonnier Me Amar Bentoumi assure, lui aussi, que l’opération a eu lieu dans de bonnes conditions, qu’il s’agisse du vote ou du dépouillement des bulletins de vote.
«La commission n’a pas été saisie pour des problèmes majeurs», poursuit-il, non sans s’exprimer sur sa participation, avec trois autres anciens bâtonniers, dans cette commission : «Nous n’avons accepté de constituer cette commission de préparation des élections qu’à condition de réunir les deux conseils de l’Ordre, le sortant et celui qui a été sorti par le Conseil d’Etat». Concernant la décision de l’un de ses camarades de se retirer pour un problème de vérification du tableau des avocats, Me Bentoumi soutient que «nous ne pouvions pas reporter les élections pour un problème qui ne relève pas de nos prérogatives. Les textes de loi sont formels».
Me Bentoumi affirme néanmoins sa satisfaction des bonnes conditions de déroulement de l’élection et laisse entendre qu’une meilleure participation est attendue pour le deuxième tour, prévu jeudi prochain, pour le choix des 30 autres membres du conseil de l’Ordre. 28 membres de la liste de Me Sellini semblent d’ores et déjà les mieux placés pour le deuxième tour. Présent au tribunal de Ruisseau, Me Chaoui Abderrazak, qui a appelé au boycott, affirme au sujet de cet événement : «Ces élections sont illégales, non transparents et irrégulières. Elles sont en violation de la loi portant profession d’avocat, du règlement intérieur et des usages. Nous refusons que des stagiaires soient pris en otages… Je défie les candidats de présenter un programme sérieux». Et ce dernier d’appeler à un «débat public sur la profession d’avocat».