Abdelmadjid mensasra , président du msp, à l’expression : « Le recul des islamistes dopera l’extrémisme »

Abdelmadjid mensasra , président du msp, à l’expression : « Le recul des islamistes dopera l’extrémisme »

En réponse à nos questions, le président du MSP jusqu’au 22 du mois en cours, Abdelmaddjid Menasra, dont le parti, le Front du changement, a été dissous et le processus de sa fusion avec le MSP a été scellé le 22 juillet dernier, met en garde contre ceux qui souhaitent le recul des islamistes modérés.

L’Expression: Contrairement à ce qu’ont avancé plusieurs leaders de partis politiques en lice pour les élections locales, le président de la Hiise, Abdelwahab Derbal, nie l’existence de toute forme de fraude lors de ce double scrutin, que pensez-vous de cette assertion?

Abdelmadjid Menasra: Au MSP on n’a pas placé trop d’espoir en la Haute Instance indépendante de la surveillance des élections(Hiise), au point qu’elle puisse garantir la transparence des élections, mais il aurait fallu au moins s’abstenir d’avaliser la fraude car aujourd’hui personne ne pourra fermer les yeux sur les actes de fraude flagrants constatés par tout le monde dans certaines wilayas et, les PV démontrant cet état des lieux, existent. C’était le cas, notamment à Oran, où la majorité des partis ont déposé des recours auprès des tribunaux administratifs, même histoire à Annaba, dans certaines communes de la wilaya d’El Oued, également plus près de nous, la commune de Bordj El-Kiffane à Alger, où le MSP est sorti victorieux, «en obtenant la majorité, avant que le président de la commission électorale communale, qui est un magistrat, n’intervienne pour modifier le PV de dépouillement du vote en faveur du FLN…». Les preuves existent. On n’a pas parlé de bourrage des urnes, des dépassements et des encadreurs, de l’achat des voix, on parle juste du changement des PV de vote, que personne ne pourra nier, à moins qu’il soit complice ou trop réducteur.

Est-ce que tous les magistrats mis à la tête des commissions électorales locales ont participé au changement des PV?

Certes, il y a des magistrats qui ont subi des pressions, mais il y a aussi des magistrats corrompus. La plupart des juges à la tête des commissions électorales ont participé d’une manière ou d’une autre à augmenter le taux de participation, un acte qu’ils considèrent malheureusement comme service rendu au pays alors qu’ils savent pertinemment qu’on ne peut pas servir le pays par la fraude. Pour lever le taux de participation, ou commence par donner la garantie sur l’organisation des élections propres et transparentes. Le peuple se rend en force aux urnes quand il est certain que sa voix ne sera pas détournée par l’administration.

La fraude s’est-elle généralisée à ce point?

La fraude existe à tous les niveaux: il y a une fraude centralisée et une autre fraude pratiquée au niveau local par les walis et les chefs de daïra par excès de zèle. Cette propension à servir avec ardeur les partis du pouvoir est motivée par l’ambition d’être promu au rang supérieur, wali pour certains, chefs de daïra ou ministre pour certains walis, et des exemples illustrant ces cas de figure sont légion. Pas seulement, une autre forme de fraude consistait à compromettre tous les candidats et les formations politiques à travers un laisser faire qui ne dit pas son nom de l’administration.

Croyez-vous à la sincérité du gouvernement, à enquêter sur les dépassements et la fraude?

Le gouvernement n’a pas à enquêter, il doit plutôt sanctionner les responsables de la fraude qui sont identifiés. Pour commencer, si une volonté politique existe, le gouvernement doit d’abord condamner les responsables de la fraude ayant entaché les législatives du 17 mai dernier, qui n’ont pas été inquiétés à ce jour.

Comment peut-on parler dès lors d’enquête sur la fraude?

La fraude s’était depuis, généralisée et élargie et la plupart des partis, y compris ceux de l’opposition, se sont impliqués dans la fraude. Cette pratique a gâché les élections. Cela d’une part, de l’autre, tout le monde sait que l’argent sale domine la scène électorale, depuis l’étape de la candidature jusqu’à l’achat des voix.

Comment expliquez-vous le fait que même le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, s’est plaint contre la fraude?

Le phénomène de la fraude ne cesse de s’élargir à cause de l’impunité dont bénéficient ses auteurs.

Certains partis se disent victimes collatérales du conflit latent opposant le duo FLN/RND, est-ce le cas du MSP?

Plusieurs partis sont victimes de ce duel. Le MSP pour sa part a perdu les élections à cause de cette guéguerre opposant les deux partis du pouvoir (FLN et RND), lors de ces élections locales, qui ont donné lieu à une concurrence très serrée entre ces deux appareils. Si le RND est victime de dépassements dans certaines localités, il a également bénéficié de fraude dans d’autres communes et wilayas. Ouyahia qui se plaint de la fraude dans certains endroits n’a pas daigné dénoncer la fraude dont a bénéficié son parti. Le fait que le Premier ministre, également premier responsable de la commission de l’organisation des élections locales, se plaigne du trucage des résultats constitue une preuve éclatante de l’existence de la fraude. D’autre part, si Ouyahia de par son rang dans la hiérarchie du pouvoir n’a pas pu préserver les droits électoraux de sa formations, comment voulez-vous que des partis de l’opposition comme le MSP puissent se prémunir de la fraude?

Est-ce qu’on aura indéfiniment le même paysage politique dominé par le FLN et le RND?

Cette domination est arbitraire et elle ne reflète pas la réalité du terrain. La dualité entre les deux appareils disparaîtra pour peu qu’on ait la volonté politique d’organiser des élections propres et transparentes.

Ces deux partis sont les deux faces d’une même pièce et la compétition entre eux n’est pas de nature proprement partisane entre deux partis politiques, mais une rivalité qui ressemble aux disputes entre deux maîtresses jalouses. Dans plusieurs localités de l’intérieur du pays, les deux partis ont réussi à faire gober aux électeurs que les communes qui ne seront pas gérées par leurs élus seront privées de projets de développement.

Des recours à la pelle sont introduits auprès des tribunaux administratifs au lendemain de l’annonce des résultats préliminaires des élections locales, est-ce que le MSP espère être rétabli dans ses droits?

Le MSP a introduit des recours relatifs uniquement au changement des PV dans de nombreuses wilayas car pour d’autres formes de fraude, il est difficile de réunir des éléments de preuves. Etant donné le fonctionnement de notre machine judiciaire, le MSP à l’image d’autres victimes de la fraude ne compte pas trop sur les tribunaux administratifs pour le rétablir dans ses droits. Toutefois, je souhaite vivement que ces tribunaux puissent sauver cette opération électorale de la défiguration et du gâchis causés par l’administration et certains partis politiques.

Etes-vous d’accord que les résultats de ces élections détermineront la présidentielle de 2019?

Je ne crois pas que les résultats de ces élections auront un impact sur l’élection présidentielle de 2019. Par contre, c’est la présidentielle de 2019 qui a eu un impact sur ces élections locales.

Le MSP a dénoncé la volonté d’hypothéquer et de gâcher les élections locales, en se focalisant sciemment sur la présidentielle. A travers ce procédé on a voulu faire pression sur les électeurs dont le choix, loin de l’enjeu de la succession, se fait en fonction de priorités d’ordre purement locales.

Les médias, les chefs de partis politiques et même le ministre des Affaires religieuses s’accordent à dire que les islamistes ont reculé à l’issue du double scrutin et leurs discours sont en totale décadence, quel est votre commentaire?

Ces lectures sont des «fetwas» distribuées à tort sans se référer aux chiffres tangibles car le MSP a enregistré une évolution sur tous les plans lors de ce double scrutin comparativement aux élections précédentes de 2012.

Est-ce que les résultats obtenus par le MSP reflètent la réalité de son ancrage et son poids politique?

Cela constitue une autre paire de manches car cette élection est entachée par la fraude en faveur des partis du pouvoir et le taux de participation a été dopé. Le MSP résiste et demeure un parti puissant sur le terrain. Sur un autre plan, on est contre le concept de l’islam politique. Ce concept est utilisé par ceux qui considèrent l’islam politique comme un extrémisme. Certes, on se considère comme parti islamiste, mais on ne verse pas dans l’islam politique. Pour nous il y a un seul islam, pas plusieurs (islam politique, islam économique et islam social). Peut-être que d’autres formations politiques d’obédience islamiste ont reculé, mais le MSP a progressé en matière de résultats malgré la fraude. Le pouvoir s’efforce de réintégrer au gouvernement le MSP, en connaissant son ancrage social et son véritable poids politique, mais il ne le fait pas avec le MPA de Amara Benyounès. Les partis islamistes sont accusés d’exploiter la religion à des fins politiques, mais ceux qui ont suivi la campagne électorale, peuvent témoigner que le MSP n’a pas utilisé un discours religieux, mais contrairement au MPA et au RND, il a présenté des programmes de développement alternatifs. Le recul des partis islamistes ne sera en faveur ni du courant nationaliste ni au bénéfice du courant laïque ou autres, mais donnera de la force au courant extrémiste, donc à la violence. Le vide qui sera créé par le repli des partis islamistes modérés sera forcément comblé par l’islamisme radical. Ceux qui souhaitent le recul des partis islamistes doivent savoir qu’ils prépareront ainsi le lit pour la violence. Cette réalité doit être l’apanage de ceux qui sont en mesure d’interpréter la réalité politique du pays et ceux qui élaborent des stratégies de l’Etat avec les propres de gamins, qui ne comprennent rien en politique et font des lectures un peu à l’emporte-pièce.

Est-ce que la suppression de l’impôt sur la fortune par le gouvernement est due à des considérations politiques ou techniques?

L’annulation de l’impôt sur la fortune relève d’ une bourde politique. Sa proposition avait une dimension politique car c’est un impôt de solidarité et un impôt sur les riches témoignant de la justice sociale, dont même le FMI dans son dernier rapport conseille aux pays ayant connu une chute brutale de leurs revenus extérieurs comme l’Algérie de créer un impôt sur la fortune. Même en islam ou droit musulman, l’impôt sur la fortune a sa place.

En tout cas, nous considérons au MSP, la suppression de cet impôt comme résultat d’une mauvaise gestion du gouvernement et renvoie un message d’un système fiscal non équitable qui défavorise les catégories démunies. Le gouvernement gère les affaires économiques avec une vision politicienne et électoraliste. La loi de finances 2018 est une loi hautement électoraliste.

Pourquoi le MSP plaide pour l’ouverture des frontières avec le Maroc?

Le MSP qui s’est aligné sur la position diplomatique officielle concernant de nombreuses questions, refuse de le faire pour le dossier marocain.

La fermeture des frontières entre deux pays voisins relève d’un sous-développement qui ne dit pas son nom. Parce qu’on est au siècle de la suppression des frontières et de l’intégration économique d’autant plus que le problème du Sahara occidental est pris en charge par les Nations unies. Maintenir les frontières fermées entre les deux pays n’a pas empêché la drogue d’envahir l’Algérie alors que des familles des deux côtés de la frontière ne peuvent pas se rendre visite. Nous sommes conscients des problèmes. Il faut veiller et être toujours vigilants sur nos frontières, mais cela ne signifie pas les fermer.